Friches urbaines : qu’en est-il de la biodiversité floristique ?

Les friches urbaines sont un assemblage de milieux variés abritant une prodigieuse biodiversité en ville. Elles sont caractérisées par une gestion chaotique, si gestion il y a.

Elles sont un lieu de vie et de passage. Elles abritent des plantes, des animaux, des champignons, des bactéries ainsi que leurs interactions et favorisent le déplacement de ces espèces sur les territoires urbains.

Ce que vous allez apprendre

  • Le rôle écologique des friches en ville
  • Les espèces qui s’y développent
  • Leur évolution au cours des trente dernières années, en Île-de-France
  • La parution de la première flore spécialement dédiée aux friches urbaines
Jean-Jacques Rousseau
Sans guide, sans livre, me voilà repris de cette folie : la botanique !

60% de la flore d’un département trouve refuge dans les friches urbaines

Une étude menée en 2007 par le Muséum National d’Histoire Naturelle a permis de montrer qu’à l’échelle d’un département très urbanisé, comme le département des Hauts-de-Seine, 60% de la flore de ce territoire (observée dans les bois, étangs, berges, cimetières, jardins publics, privés, jusque dans les moindres interstices) se rencontre dans les friches urbaines !

Ce résultat est cohérent avec d’autres études menées dans plusieurs grandes villes européennes. Les friches sont des réservoirs de biodiversité essentiels en ville !

2 500 mètres carrés : la surface minimale pour communiquer

Fleur de bardane en macro
Fleur de bardane en macro Akuptsova

Dans cette même étude du Muséum, l’intérêt s’est ensuite porté sur la circulation des plantes entre les friches, dans un milieu aussi fragmenté et bétonné que sont les villes.

Il a pu être démontré que ces mouvements entre friches peuvent se faire en ville, si tant est que la surface de ces friches soit supérieure à 2500 mètres carrés, minimum vital donc.

Deux autres conditions au succès de ces déplacements sont la perméabilité du tissu urbain, car les semences prennent les chemins les plus verts, mais aussi la distance qui sépare deux friches. Celle-ci ne doit pas dépasser deux kilomètres.

En effet, les plantes ont développé de multiples stratégies pour se déplacer et coloniser de nouveaux territoires, il en va de leur survie !

  • Les ailes des samares des érables ou les aigrettes des fruits de chardons facilitent leur transport par le vent.
  • Les crochets qui surmontent les fruits des bardanes ou de la carotte leur permettent de s’accrocher à la fourrure des animaux et à nos vêtements.
  • Les fruits contenus dans les baies juteuses du sureau voyagent, quant à elles, dans le tube digestif des merles.
Valéry Larbaud
La botanique qu'on nous apprend est peut-être une science inventée exprès pour exercer l'esprit des écoliers ?

Un refuge pour les urbanophobes

Bouillon blanc en plein centre ville
Bouillon blanc en plein centre ville DEFI-Écologique

La biodiversité rencontrée dans les friches est complémentaire à celle des autres espaces de nature en ville.

Elle est le reflet d’usages anthropiques passés (usines, anciennes voies ferrées, vergers abandonnés, etc.) et l’expression libre d’une biodiversité urbaine très dynamique.

Une comparaison de la biodiversité observée dans les squares et les friches a révélé qu’outre une biodiversité plus grande, les friches abritaient également une plus forte proportion d’espèces urbanophobes (qui n’évolue usuellement pas en milieu urbain).

Ces espèces peu adaptées aux pressions de la ville trouvent ainsi asile dans les friches. C’est le cas du bouillon blanc, du chardon crépu, des salsifis, des résédas, ou du séneçon de jacobée, qui ne dévoilent leurs éclatantes inflorescences qu’au flâneur s’aventurant dans les friches.

Les friches abritent aussi de nombreuses voyageuses. Dans la région Île-de-France, des plantes méditerranéennes s’épanouissent dans les friches, poussées par le changement climatique à remonter vers le Nord. C’est le cas de la Chondrille à tiges de Jonc ou de l’Inule fétide.

D’autres, aux origines plus éloignées, arrivent dans les friches en s’aidant des modes de transports humains, comme le Séneçon du Cap, le Scolyme d’Espagne, la Vergerette du Canada ou le Fraisier d’Inde.

Ces nouvelles arrivées s’intègrent à la flore spontanée comme l’ont fait les coquelicots, l’adonis ou la Nielle des blés il y a plusieurs millénaires.

Des disparitions qui ne sont plus compensées : une situation alarmante !

Chien dans une friche urbaine à fort cortège floristique
Chien dans une friche urbaine à fort cortège floristique Myr Muratet

Jusqu’à peu, les friches, qui sont par essence éphémères, se renouvelaient en ville en voyant leurs disparitions compensées par de nouvelles apparitions.

Cela permettait à l’échelle d’un paysage urbain de maintenir un réseau de friches dynamique et fonctionnel. Mais les dernières tendances sont alarmantes en Île-de-France.

Grâce aux données du mode d’occupation des sols de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme, il a été possible de révéler qu’en 30 ans, la surface occupée par ces friches a diminué de 50% dans cette région ! Les disparitions ne sont plus compensées…

Par ailleurs, probable conséquence de cette surface réduite, la diversité observée dans ces espaces a elle aussi diminué.

Les données de l’observatoire Vigie-Flore du Muséum National d’Histoire Naturelle révèlent une diminution sensible de près de 20% de la richesse en plantes dans ces friches, en seulement 7 ans !

Pour conclure

Ces espaces sont aujourd’hui encore trop méconnus, voire méprisés, par les citadins.

Il est urgent de les faire connaître, de les valoriser, de donner à voir aux habitants la luxuriance de ces espaces pour les amener à les aimer, les respecter et même les défendre comme des lieux de vie, d’usages variés et non uniquement comme des vides à combler.

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Vous avez des exemples de friches particulièrement porteuses de biodiversité ?

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Portrait de l'auteur

Audrey Muratet

Docteure en écologie — ARB îdf

Docteure en écologie et botaniste, elle étudie et explore depuis plus de quinze ans la diversité, la composition et la dynamique de la flore des villes, notamment des friches urbaines.

Elle a mené ses recherches en écologie urbaine au Muséum National d’Histoire Naturelle.

Elle a ensuite développé les applications de ses recherches au sein du département de Seine-Saint-Denis puis, depuis 2015, à l’Agence régionale pour la nature et la biodiversité en Île-de-France (Natureparif).

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8 réponses à “Friches urbaines : qu’en est-il de la biodiversité floristique ?”

  1. Article très intéressant. Etant référent régional (Auvergne) de Vigie-Flore, je me réjouis de voir que le programme commence à produire des résultats très intéressants même si ceux-ci sont peu enthousiasmants. Avec ma casquette de chargé de mission « flore » en DREAL, je pilote depuis qq années des enquêtes participatives (flore et faune). Je pense que la problématique des friches urbaines pourrait faire l’objet d’un programme participatif pertinent à une échelle locale. Le programme « sauvage de ma rue » – très intéressant – s’intéresse à la flore urbaine mais pas spécifiquement à la question des friches. Vigie-Flore a vocation à s’intéresser à tous les types de milieux. D’autres initiatives (tels que les atlas de la biodiversité communale ou territoriale) pourraient opportunément mettre un coup de projecteur particulier sur la biodiversité inféodée aux fiches urbaines. C’est un sujet passionnant sur lequel il faut communiquer et sensibiliser les acteurs des territoires. Il serait intéressant de voir, au-delà de la flore dans les départements très urbanisés, quelle est la part de la richesse spécifique d’un territoire qui est représenté dans les friches. Encore merci pour cette production. Bien cordialement, David HAPPE

    • Et merci à vous pour ce commentaire David ! Le cortège floristique urbain est quelque chose de potentiellement très porteur de biodiversité. Des travaux comme ceux de Audrey Muratet et ses collègues devraient nous permettre d’allez plus loin dans des initiatives de conservation cohérentes. En tout cas cela nous a donné une petite idée dans notre bureau d’étude, dont on vous reparlera le cas échéant. Au plaisir de vous voir écrire à nouveau un bout de papier chez nous !

  2. Bonjour,
    Je trouve le sujet passionnant, et effectivement, je ne suis pas très optimiste sur la question de l’avenir de ces friches…
    Ce que j’observe depuis plusieurs années, c’est la « valorisation » des friches, qui sont des milieux « non rentables », avec le développement de centrales solaires au sol ou de l’urbanisation.
    Par ailleurs, on a aussi maintenant l’objectif (louable) du « zéro artificialisation nette » issu de la loi biodiversité de 2018, qui vise à limiter l’urbanisation, mais aussi à compenser les extensions urbaines en « renaturant » des sols. A ce titre, un inventaire de « friches » est en cours dans de plus en plus de collectivités pour pouvoir compenser de l’urbanisation…
    On peut toujours espérer que la végétation spontanée y soit laissée en libre évolution, mais on peut aussi craindre d’y voir se développer des parcs urbains avec gazons bien verts ou de l’agriculture urbaine…
    La végétation des friches risque fort de voir encore se réduire ses espaces d’expression…
    C’est triste, car ces milieux sont en effet très riches en biodiversité (espaces refuges de nombreuses espèces qui ne trouvent plus ailleurs de milieu où s’exprimer) et qui ont aussi un fort pouvoir émotionnel et poétique… Merci en tout cas Audrey pour votre travail qui attire l’attention sur ce sujet sensible,qu’il faut défendre !

  3. Ma friche était celle de mon enfance, elle a donné une botaniste amateur, moi.
    Et en plus la friche permet de rêver aux enfants privé de campagne, jardins etc

  4. A Bruxelles, un collectif appelé  » Sauvons la friche Josaphat  » se bat pour protéger la dernière grande friche bruxelloise.Vous pouvez les soutenir…Malheureusement les armes sont inégales et la friche est en passe d’être bétonnisée…

    • Bonjour et merci de votre retour !

      Est-ce que vous auriez un retour d’expériences ou des liens spécifique à cette friche Josaphat ? Le lieu et la problématique sont intéressants surtout à voir comment le sujet est abordé chez vous…

  5. Ca rejoint l’idée de David Attenborough – la notion de « Rewilding » en anglais. Il nous amène sur le site de Chernobyl après 40 ans sans aucune intervention humaine.
    La nature qui reprend l’ancienne ville est étonnante!

    • 🙂

      Le reportage de la BBC avec David Attenborough sur Tchernobyl est effectivement très intéressant mais point d’angélisme, ils y montrent également combien nombreuses sont les espèces (notamment d’oiseaux) qui ne sont plus capables de vivre sur le site…

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