L’été arrive à grands pas, le moment rêvé pour parler d’une île proche du pôle Nord, non ?
D’île, on parle tout de même ici de la plus grande du monde avec ses 2 166 086 kilomètres carré, dont environ 1 700 000 kilomètres carré (environ 78%) sont couverts d’un inlandsis.
Le Groenland est étonnant sous bien des aspects, suffisamment pour que nombre de mythes alimentent un onirisme débordant à son sujet. Les vikings l’auraient découvert, figurez-vous ! Les Inuits ont certainement dû arriver par la suite…
Ce que vous allez apprendre
- Comment se répartissent terre et glace sur l’île
- Quels sont les animaux et les plantes les plus emblématiques
- Quelle est son histoire
Sylvain Tesson
Si les glaciers reculent, la montagne finira par se rendre.
Île de glace à 80%
La calotte polaire (inlandsis), qui recouvre plus de 80% du Groenland, s’est formée il y a 4,1 millions d’années. Depuis lors, ce sont des vents particulièrement violents qui la balayent (des vents spéciaux, dits catabatiques, et pouvant atteindre 300 kilomètres par heure), le tout avec une température moyenne qui avoisine les -30° Celsius.
Dans ces conditions, on imagine bien que la vie animale peine à se développer, mais un tardigrade y est tout de même arrivé…
Cette glace, et surtout son incroyable volume, ont également retardé la découverte d’un canyon impressionnant, de 750 kilomètres de long et pouvant aller jusqu’à 900 mètres de profondeur.
Il aura ainsi fallu attendre 2013 pour le découvrir et comprendre que, évacuant les eaux sous-glaciaires, ce canyon participe certainement de la stabilité de l’intégralité de l’inlandsis.
Le canyon du Groenland
Une description de la découverte récente d'un gigantesque canyon sous glacière au Groenland
Groenland à 20%
Étymologiquement « Groenland » veut dire « la terre verte ».
Or, ce n’est bien que 20% du territoire de l’île qui a cette couleur… une partie de l’année !
Les conditions sous ces latitudes sont telles que seules des plantes bien adaptées peuvent résister aux aléas climatiques d’une région qui n’a pas connu de forêt depuis 450 000 ans.
C’est actuellement une végétation de type toundra qui recouvre les 20% de terres qui ne sont pas envahis par la glace.
Seuls cinq espèces d’arbres et arbustes sont originaires des lieux :
- Sorbier (Sorbus groenlandica)
- Aulne vert crispé (Alnus viridis ssp. crispa)
- Bouleau blanc (Betula pubescens)
- Saule à feuilles grises (Salix glauca)
- Genévrier (Juniperus communis)
Quoi qu’il en soit, là où il y a de la végétation, il y a des animaux qui s’en nourrissent.
Lièvre variable, lagopède alpin, bœuf musqué, lemming et renne (ou « caribou » si on le prononce à la canadienne) sont autant d’espèces qui évoluent au gré de la disponibilité en végétaux.
Le plus grand migrateur de l’île restant le renne. Son extraordinaire capacité d’adaptation aux changements climatiques lui a permis de côtoyer le rhinocéros laineux et le mammouth.
Des poils, des poils et des mangeurs de salades, mais qu’en est-il des omnivores ?
On peut toujours compter sur l’avifaune pour cela. En l’occurrence ce sont les bruants des neiges, les bruants lapons, les bernaches nonnettes et autres lagopèdes alpins, se nourrissant autant de graines que d’insectes, qui assurent le rôle d’omnivores.
Et là où il y a des animaux qui se nourrissent de tout ou partie de la végétation, il y a des animaux qui se nourrissent de leurs semblables.
Le loup du Groenland (Canis lupus orion) et le Traquet motteux, migrateur africain, sont des carnivores exclusifs, aux côtés du renard polaire.
Seul mammifère de petite taille à vivre uniquement dans les régions polaires, ce renard est impressionnant d’adaptation à son milieu. Pour seul exemple, la stratégie de survie de l’espèce passe par des portées importantes de onze petits en moyenne.
Pour nourrir tout ce beau monde, parents compris, il faudra environ 4 000 lemmings sur une saison… Voilà qui pourrait concurrencer notre renard roux en tant qu’auxiliaire de culture, si nous l’avions sur nos terres !
Pour ce qui est des insectes, environ 700 espèces sont répertoriées à ce jour, mais le plus représenté en numéraire reste de loin le moustique.
Franck Thilliez
Je déteste les glaciers, ils régurgitent les cadavres des alpinistes, témoignent que la nature est une tueuse d'Homme.
Le tout entouré d’eau
Orque, petit rorqual, baleine franche, narval, morse, phoque barbu, morue polaire, capelan et phoque annelé sont les espèces parmi les plus représentées dans les eaux groenlandaises.
Mais de ces eaux, nombres d’espèces d’oiseaux tirent aussi leur subsistance, avec notamment la mouette tridactyle, le goéland bourgmestre, le pétrel fulmar, le guillemot à miroir et l’eider à lunettes.
L’ours polaire est, quant à lui, souvent associé à un monde de glace. Nous aurions donc pu le mettre plus haut.
Mais, mais il faut entendre que c’est, d’une part, un animal particulièrement bon nageur, d’une part, avec un record à 675 kilomètres. Un talent utile avec le réchauffement climatique ? D’autre part, il faut aussi savoir qu’il se nourrit principalement de produits de la mer, à savoir le phoque du Groenland.
L’ours polaire compte environ 20 000 spécimens répartis en dix-neuf sous-populations, dont trois sont en augmentation, cinq sont en déclin, cinq autres sont stables et six pour lesquelles nous manquons d’informations.
Les phoques du Groenland, aussi appelés « phoques à selles », se nourrissent quant à eux de krill, de petits poissons et d’amphipodes (petit crustacés), quand ils sont juvéniles, et de poissons, arrivés à l’âge adulte.
Contrairement à la population d’ours polaire, celle des phoques augmente à nouveau, portant sa population mondiale à environ 9.5 millions d’individus.
Mais l’animal le plus étonnant des eaux groenlandaises reste sans conteste le requin du Groenland (Somniosus microcephalus ou « dormeur à la minuscule tête ») qui n’est autre que le vertébré à la plus grande longévité de notre planète !
Les scientifiques estiment en effet que la longévité moyenne de l’animal est de l’ordre de 272 ans.
Si l’on dispose de peu d’information à propos de cet animal vivant dans des eaux peu accessibles, on sait néanmoins que ce requin dévore à peu près tout ce qu’il peut trouver.
Souvent aveugle du fait des parasites qui se nourrissent sur ces yeux, il semblerait pourtant que ces derniers lui permettent, par réflexion, d’attirer à lui nombre de proies.
Ce requin a beau ne pas être comestible, sa propension à manger tout ce qu’il trouve le voit souvent attraper dans des filets de pêche.
Requin du Groenland dans son milieu
Un requin du Groenland suivi sous l'eau
Espérons qu’une meilleure connaissance de l’animal nous permettra de mieux organiser la survie de cette espèce, dont les anciens représentants vivants ont pu voir la naissance de Jacques-Étienne Montgolfier !
Un peu d’histoire
Après avoir été banni d’Islande, Érik le Rouge, viking de son état, embarque en 982 pour le Groenland, qui ne portait alors pas encore ce nom.
Après plusieurs années de cabotage et d’exploration, il revient en Islande pour préparer une colonisation digne de ce nom et reprend la mer avec 25 bateaux, dont seulement 14 atteindront les côtes groenlandaises, y débarquant 350 colons.
Ces premiers colons feront des petits et on pense qu’Érik le Rouge, ainsi que son fils par la suite, entretiendront cette idée de « terre verte » (Groenland) pour attirer toujours plus de colons.
Ces derniers atteindront le nombre de 2 500 répartis en 600 fermes, principalement d’élevage, comme a pu le démontrer une étude du laboratoire Chrono-environnement.
Après l’arrivée du christianisme sur l’île et la première église du continent nord-américain, la population n’aura de cesse de diminuer.
Ce n’est certainement pas le christianisme qui en est la cause mais plutôt un « petit âge glaciaire », qui aura rendu très compliquées les navettes entre le Groenland et l’Islande, ou entre le Danemark et autres pays scandinaves, afin de s’approvisionner en nourriture.
On estime ainsi que la fin de la colonisation du Groenland était actée avec l’apparition de la peste noire en Europe et la fin des relations commerciales, due au grand nombre de morts.
Pour conclure
Des terres à part, dans un monde en mutation et qu’il serait bon de connaître mieux encore, avant que les changements amorcés s’accélèrent.
Une Histoire étonnante, au vu de son implantation géographique, et une vie qui se bat, comme partout ailleurs, pour tirer parti du peu qu’elle a sous la main.
Bien sûr, nous n’avons pas abordé toutes les espèces de ces milieux si spécifiques, mais il reste tout de même étonnant de voir combien y évoluent.
Cela méritait bien que le plus grand parc naturel du monde se situe sur cette île : Le parc national du Nord-Est-du-Groenland.
Vous avez déjà eu l'occasion de vous rendre au Groenland ? Avez-vous observé sa faune et sa flore ?
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Franck Thilliez
Maxisciences
Julien Hoffmann
Rédacteur en chef — DEFI-Écologique
Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.
Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.
Julien est membre de DEFI-Écologique.
Merci pour l’article 😉 C’est un territoire riche et contrasté! Fort d’une histoire dure où la phase d’intégration des enfants groenlandais partant sur copenhague pour apprendre la langue et la culture danoise à créé une rupture générationnelle forte. Mais aussi ou le très fort potentiel économique des ressources locales ouvre à la fois des perspectives intéressantes pour les groenlandais et en même temps représente un risque fort entre pollution et perte de souveraineté… Baarj