L’invraisemblable impact écologique de la pornographie !

PornHub ne manque pas d'imagination, en témoigne le genre « Nature porn » disponible sur la plateforme de streaming dédiée à la pornographie.

Plusieurs campagnes marketing ont été menées pour sauver des espèces à travers le visionnage de leur vidéos (comme les abeilles, en Avril 2019). L’intérêt que PornHub porte à la biodiversité soulève une question de taille : quel est le rapport entre la pornographie et l'apiculture ?

Le capitalisme vert n'a qu'une seule fonction : masquer les dégâts du capitalisme. Alors, que cherche à masquer PornHub ? Quel est réellement l'impact écologique de la pornographie ?

Ce que vous allez apprendre

  • Quelles sont les opérations de greenwashing menées par PornHub
  • Quel est l'impact écologique de la pornographie
  • Ce qu'est l'écoféminisme
  • Les démarches réellement écologiques que PornHub pourrait entreprendre
Simon-Louis Lajeunesse
Nous avons commencé notre étude en recherchant des hommes dans la vingtaine qui n'avaient jamais consommé de pornographie. Nous n'en avons trouvé aucun.

Sauver des abeilles en se masturbant : un éco-geste réjouissant !

Les actions en faveur de la biodiversité entreprises par PornHub sont diverses et ne manquent pas d’originalité !

Il est difficile de les recenser ou d’identifier la date de début de chacune de ces campagnes, mais en voici quelques-unes à ne pas manquer :

  • Conservation d’abeilles

    Capture d'écran de la chaine PornHub BeeSexual
    Capture d'écran de la chaine PornHub BeeSexual

    Les abeilles se mettent au porno ! Une catégorie leur est dédiée sur la plateforme, où les internautes peuvent admirer à la fois les merveilles de la Nature et l’humour fracassant de l’entreprise.

    Le principe de la campagne « BeeSexual » est le suivant : à chaque vue d’une vidéo dans la catégorie du même nom, PornHub fait un don à une association de conservation des abeilles.

    Le site contient deux petits logos au pied de page, mais les noms de ces organismes sont indéchiffrables et ne contiennent pas de liens. Impossible donc de connaître exactement l’ampleur ou les destinataires de ces dons.

    Notons que cette campagne contient des conseils forts judicieux à l’intention des internautes consciencieux. Par exemple, PornHub recommande de ne pas pulvériser de pesticides dans son jardin.

  • Plantation d’arbres

    PornHub maitrise les jeux de mots subtils
    PornHub maitrise les jeux de mots subtils

    Grâce à sa campagne « Give America Wood », l’entreprise annonce avoir donné 15 473 arbres.

    Le principe est le suivant : PornHub donne un arbre toutes les cent vidéos visionnées dans la catégorie « big dick ».

    Où sont plantés ces arbres ? À qui sont-ils « donnés » ? Aucune piste de réponse à ces questions sur le site.

  • Aider les pandas à se reproduire

    Quelques conseils, si vous souhaitez vous lancer dans le Porno Panda
    Quelques conseils, si vous souhaitez vous lancer dans le Porno Panda

    La page d’accueil de la campagne « Panda Style » explique que les pandas sont réticents à l’idée de se reproduire. PornHub demande à sa communauté de se mobiliser pour les pandas, car les scientifiques et soigneurs animaliers ont du mal à trouver des vidéos de « Porno Panda ».

    Ce genre à part semble régulièrement utilisé dans des programmes de reproduction, afin de développer la libido de ces mammifères. Un grand paradoxe, quand on considère les effets du porno sur la sexualité humaine (que nous aborderons rapidement en fin d’article) !

    Pour cette campagne, ce sont les internautes qui apparaissent sur les vidéos ! Pour chaque vidéo mise en ligne, PornHub fait un don de 100 euros. À quels organismes ? Encore une fois, ce n’est pas précisé.

    Notons qu’à ce jour, le compteur affiche le nombre ahurissant de 3 370 952 vidéos mises en ligne !

  • Réguler les populations de chats et chiens abandonnés

    Comment aider à réguler la surpopulation dans les refuges
    Comment aider à réguler la surpopulation dans les refuges

    La campagne « Trop de sexe peut être une mauvaise chose » s’attaque à la surpopulation dans les refuges pour animaux abandonnés.

    Toutes les 2 000 vidéos visionnées, PornHub donne un centime à l’association PETA.

    Encore une fois, l’entreprise donne des conseils aux internautes. Le principal conseil étant de regarder des vidéos sur leur plateforme entre le 7 et le 31 juillet…

    Petit calcul : PornHub annonce qu’en 2018, 207 405 vidéos sont regardées chaque minute (nous reviendrons sur ces chiffres). Soit environ 103 centimes de dollars donnés à Peta chaque minute. À raison de 1 440 minutes en une journée, cela correspond à un peu plus de 149 000 dollars par jour, pendant 24 jours. Peta aurait donc récolté environ 3,5 millions de dollars.

    Cette campagne se démarque des précédentes, puisqu’on peut identifier l’organisme recevant les dons en question. Sur le rapport financier de Peta pour l’année 2018, on apprend que les dons sont déductibles d’impôts. PornHub contribuerait à hauteur de 6,5% des 54 millions de dollars perçus par Peta pour l’année 2018.

Ces exemples sont édifiants. Entre l’opacité des partenariats, les défiscalisations de bénéfices colossaux et une communication audacieuse et très travaillée, il n’y a aucun doute possible : nous nageons en plein greenwashing !

PornHub en 2018 : les chiffres officiels

Si l’on peut reprocher à l’entreprise son manque de transparence en termes d’efficacité réelle de ses programmes, elle a en revanche l’habitude de dévoiler publiquement des analyses statistiques sur son blog.

PornHub ne lésine pas sur les statistiques !
PornHub ne lésine pas sur les statistiques !

La revue officielle de l’année 2018 donne des chiffres vertigineux et très détaillés. Petite liste non-exhaustive :

  • Environ 90 millions de visites quotidiennes.

  • 4 791 799 vidéos ajoutées, soit 115 ans de visionnage.

  • 147 giga-octets transférés chaque seconde.

  • 19% des internautes connectés depuis la Suède avaient entre 35 et 44 ans. Ce n’est pas très important à savoir, mais ça illustre à quel point le rapport est détaillé !

Ces chiffres semblent incroyables. Et pourtant, il ne faut pas oublier que PornHub n’est qu’une goutte dans un océan de sites, vidéos, images, DVD et magazines pornographiques. Chaque mois, les sites pornographiques reçoivent plus de visites que Netflix, Amazon et Twitter combinés !

Théophile Laherre
Au total, le numérique consomme 10 à 15 % de l’électricité mondiale, soit l’équivalent de 100 réacteurs nucléaires. Et cette consommation double tous les 4 ans !

L’impact écologique de la pornographie

Consommation électrique et data-centers

PornHub a commercialisé une montre qui produit de l'électricité renouvelable lors de la masturbation !
PornHub a commercialisé une montre qui produit de l'électricité renouvelable lors de la masturbation ! PornHub

Malheureusement, l’entreprise ne va pas jusqu’à publier la consommation de ses data-centers. La consommation électrique nécessaire pour le visionnage de vidéos en streaming dépend de nombreux facteurs et il est impossible de savoir précisément quelle quantité d’énergie une année de PornHub représente.

Pour faire une très rapide estimation, nous pouvons nous baser sur le blog de Netflix, qui indiquait (en 2014) une consommation de 0,0013 kilowattheure par heure de streaming. Sur son blog, PornHub indique qu’en 2018, 10 498 heures de vidéo sont regardées chaque minute. Avec l’infrastructure de Netflix en 2014, cela aurait nécessité 13,65 kilowattheure par minute, soit environ 19 650 kilowattheure par jour. Pour comparer, en 2014 la Banque mondiale estimait la consommation moyenne d’électricité par habitant en France à 6 940 kilowattheure par an.

Ce calcul est trop approximatif à votre goût ? C’est parce qu’il n’existe que très peu de données fiables sur la consommation électrique réellement liée à la diffusion de pornographie sur internet. Les données divulguées par PornHub sont une exception. De plus, elles sont impossibles à vérifier.

Notons également que depuis 2014, il est fort probable que le poids des fichiers vidéo ait plus que triplé avec le passage au streaming en Ultra Haute-Définition.

De manière générale, les données stockées dans le cloud ont un impact environnemental énorme : béton, climatisations, effet rebond, métaux et terres rares, plastiques non-recyclables, énergies fossiles… et fonctionnement en permanence !

En bref : si internet était un pays, il serait le troisième plus gros consommateur d’électricité au monde et il est impossible de calculer précisément la part de cette consommation que représentent les plateformes de streaming pornographique. Sachant que PornHub est le quatrième site le plus populaire au monde et que 12% des sites internet sont à caractère pornographique, il est temps de disposer de chiffres précis.

L’exploitation des femmes et de la Nature sert le même système

Quel objectif poursuit PornHub en publiant des statistiques d’utilisation de ses services ? Pour « dédiaboliser » la pornographie à travers un double message : c’est une industrie comme une autre, où l’ambiance de travail est détendue et conviviale.

Loin de cette façade, la réalité est plus glauque :

Féminisme et écologie, quel rapport ?
Féminisme et écologie, quel rapport ? Clarisse Benk et Zoé Lavocat

Le capitalisme et le patriarcat oppressent les femmes et exploitent la Nature. En conséquence, les femmes sont plus vulnérables que les hommes au dérèglement climatique.

L’écoféminisme est un mouvement qui met en avant les liens profonds entre deux formes d’exploitation intrinsèquement liées et dont l’industrie pornographique tire de grands bénéfices.

Ovidie
Si la pornographie n’a pas inventé la phallocratie, disons simplement qu’elle la met souvent en scène et qu’elle se met au service de l’idéologie dominante.

Une usine à déchets

La pornographie se véhicule sous plusieurs formes, sur supports physiques ou dématérialisés.

Le streaming est le media le plus énergivore et le plus largement rependu, mais l’essor de la pornographie à grande échelle a commencé dans les années 1970 avec des magazines comme Playboy, puis dans les années 1990 avec l’apparition de la cassette vidéo.

Sur Instagram, Florence Foresti s'insurge contre la présence de magazines pornographiques au rayon presse
Sur Instagram, Florence Foresti s'insurge contre la présence de magazines pornographiques au rayon presse

Depuis plus de 50 ans, combien de pages sexistes plastifiées ont été imprimées ? Combien de litres d’encres ou de magazines emballés sous plastique ? Obtenir des informations précises sur la quantité d’invendus dans les kiosques ou du nombre de DVDs encore produits chaque année est quasiment impossible. Si l’on entend régulièrement que « tout le monde regarde du porno », on peut en revanche douter du fait que 100% des magazines et vidéos vendus dans les kiosques trouvent acquéreur.

Le tournage de films pornographiques engendre également une pollution résiduelle, liée à des pratiques sanitaires déplorables. Entre autres, l’omniprésence des drogues dures et des maladies a des effets énormes sur la santé des actrices et acteurs. Lorsque l’on prend en considération la pollution résiduelle liée aux médicaments, entre autres, on ne peut que s’inquiéter des conséquences de ces pratiques.

Enfin, on peut s’interroger sur l’ensemble des équipements d’audiovisuel qui comportent des matériaux rares et non-recyclables, des maquillages, des décors, des costumes, des accessoires, des préservatifs usagés, des campagnes de promotion et de tout l’ensemble de la chaîne logistique permettant de produire des films à faible budget, distribués partout dans le monde.

Décodons les mesures écologiques : sobriété, bonne volonté ou greenwashing ?

Chez DEFI-Écologique, nous recevons des sollicitations d’organismes variés. Entre entreprises, collectivités ou associations, identifier les projets réellement écologiques n’est pas toujours évident. Si nous souhaitons promouvoir et valoriser des mesures écologiques à tous niveaux de la société, nous prenons soin de ne pas être la caution écologiste d’un projet écocide.

Installer un hôtel à insectes dans votre potager, c'est de l'écologie. L'installer sur le parking d'un Burger King, c'est du greenwashing.
Installer un hôtel à insectes dans votre potager, c'est de l'écologie. L'installer sur le parking d'un Burger King, c'est du greenwashing. Pierre André Leclercq

Au cours de nos différents projets, nous avons eu l’habitude de dissocier trois types de mesures dites écologiques.

  1. Sobriété

    Suivant l’adage « le déchet le plus facile à recycler est celui qu’on ne produit pas », nous encourageons nos partenaires et clients à ne pas développer d’activité, de produits ou d’outils à fort impact écologique. Pour les actions indispensables, nous suivons la séquence ERC (Éviter, Réduire, Compenser).

    Exemple concret : Pour les viticulteurs, le Rolofaca® est un outil permettant de limiter le nombre de passages entre deux rangées de vignes. Entre autres avantages, l’utilisation d’un tel outil permet de limiter son impact écologique direct.

  2. Bonne volonté ou bonne opportunité

    Certaines entreprises disposent d’espaces ou de déchets qu’il est possible de valoriser, afin de favoriser la biodiversité ou de limiter le gaspillage, par exemple. De telles mesures ne rendent pas un projet fondamentalement écologique, mais elles permettent de planter les graines de futures actions potentiellement plus ambitieuses. De plus, certains travaux impliquent des expériences techniques qui peuvent être utiles à de multiples niveaux.

    Exemple concret : La compagnie aérienne Hop! a une activité économique parmi les principales émettrices de CO2, entre autres impacts environnementaux. Pour autant, les aéroports contiennent des centaines d’hectares d’espaces verts abritant de la biodiversité, en zone souvent péri-urbaine. Si l’aviation est incompatible avec les luttes contre le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité, une gestion technique pertinente de la biodiversité hébergée dans les aéroports est forte d’enseignements et de résultats positifs.

  3. Greenwashing et capitalisme vert

    Certaines mesures ou campagnes n’ont aucun réel fondement écologique. Certains projets sont écocides par nature (comme la production de pesticides, par exemple) et d’autres n’ont simplement pas l’opportunité de gérer des espaces naturels ou d’éviter des déchets. D’autres entreprises, comme PornHub, ne font rien pour limiter leur impact direct mais lancent des campagnes de communication en grandes pompes.

    La Lexus LS 600HL Landaulet lors de son unique utilisation
    La Lexus LS 600HL Landaulet lors de son unique utilisation

    Exemple concret : En 2011, pour le mariage d’un prince monégasque, la marque automobile Lexus a produit une voiture de luxe blindée. La « Full Hybrid LS 600h L Landaulet » a été créé spécialement pour un usage unique, ce qui n’empêche pas le fabricant de mettre en avant sa peinture à base d’eau respectueuse de l’environnement. Dans le communiqué de presse annonçant la production de cette voiture unique, la marque rappelle que, lors de son unique utilisation, la voiture était en mode électrique, « réaffirmant les exigences environnementales de Lexus Hybrid Drive ».

Des évolutions techniques inquiétantes

L’industrie pornographique est particulièrement lucrative. Encore une fois, trouver des chiffres précis est loin d’être aisé. Lors de nos recherches, nous avons trouvé des estimations variant de 6 à 97 milliards de dollars de chiffre d’affaire annuel ! Pour comparer, en 2019 le budget annuel de l’éducation nationale est d’environ 50 milliards d’euros.

Ces chiffres ont de quoi faire tourner la tête… et il semblerait que ce soit le cas ! Les nouvelles technologies permettent de diversifier et d’enrichir l’offre disponible et l’ère de la masturbation assistée par ordinateur s’annonce encore plus gourmande en ressources naturelles.

Réalité virtuelle

La pornographie est l'utilisation principale de la réalité virtuelle
La pornographie est l'utilisation principale de la réalité virtuelle

Comme le minitel ou internet, la réalité virtuelle est une technologie qui doit une grande partie de son essor à la pornographie. Si les chiffres donnent le vertige, les retours d’expérience trouvés sur internet sont plutôt mitigés, dénonçant surtout un effet d’annonce et un bon marketing.

Plusieurs articles et entreprises présentent la réalité virtuelle comme un formidable outil de sensibilisation et d’économies diverses au quotidien. Dans le cadre d’une utilisation à caractère purement ludique, l’utilité de cette technologie se résume aux deux piliers justifiant toute entreprise écocide : le confort et l’envie de nouveauté.

Big data et Intelligence Artificielle

Un robot tentant d'identifier les actrices d'une vidéo pornographique
Un robot tentant d'identifier les actrices d'une vidéo pornographique

Comme expliqué précédemment, le stockage de données est très gourmand en ressources naturelles. L’exécution d’algorithmes sur ces données est également une source de dépense énergétique importante. Plus il y a de données à traiter, plus les algorithmes sont gourmands en ressources.

Les chiffres dévoilés par PornHub indiquent une quantité de données très importante. L’entreprise vient également d’annoncer être en phase de test d’algorithmes parcourant les vidéos pour en décrypter le contenu.

Concrètement, l’objectif de cette Intelligence Artificielle dans la pornographie consiste à proposer des contenus pertinents aux utilisateurs, en fonction des paramètres de recherche et des historiques personnels. Ainsi, pour déterminer l’identité des actrices ou les positions sexuelles filmées sur chaque vidéo, des algorithmes vont consommer une quantité de ressources faramineuse !

Chez DEFI-Écologique, nous avons également mené des réflexions sur les meilleures manières d’organiser et de trier nos contenus. Nous avons publié 131 articles à ce jour et nous comprenons bien que pour trier ne serait-ce que les 4 791 799 vidéos ajoutées sur PornHub en 2018, des moyens techniques considérables sont nécessaires. Mais, en considérant la manière dont sont « consommés » ces contenus, nous parvenons à la conclusion qu’une telle finesse de tri n’est simplement pas nécessaire sur une plateforme de streaming pornographique.

Par ailleurs, ces plateformes utilisent des technologies similaires pour traduire les titres et étiquettes des vidéos.

Objets connectés et Internet 3.0

PornHub est décidément la Rolls-Royce des sites pornographiques. Toujours à la pointe de l’innovation, l’entreprise a publié une nouvelle catégorie de vidéos directement synchronisées avec un sex-toy masculin.

De manière générale, le marché des sex-toys connectés est en pleine expansion et la pornographie n’y joue un rôle que marginal, pour l’instant. Mais en cumulant la multiplication des vidéos en ligne, de la réalité virtuelle et de l’ensemble des nouvelles expériences promises par les promoteurs du high-tech, imaginer un futur où l’érotisme est 100% interactif n’est pas de la science-fiction : les frères Coen l’ont fait il y a plus de vingt ans !

The Big Lebowski (1998)
Les nouvelles technologies nous permettent de réaliser des choses très intéressantes dans le domaine de l'érotisme interactif. On arrête pas le progrès, Duc. L'avenir sera 100% électronique.

Pornographie et écologie : fondamentalement incompatibles ?

Une personne pratiquant la dendrophilie est sexuellement excitée par les arbres
Une personne pratiquant la dendrophilie est sexuellement excitée par les arbres

Si PornHub tente clairement de masquer son impact environnemental à travers des opérations de communication ponctuelles, des « activistes érotiques » (ou « écophiles ») tentent de surfer sur le succès de la pornographie pour lever des fonds.

Par exemple, l’association Fuck For Forest diffuse des contenus payants de couples amoureux plus chauds que le climat. L’argent collecté via le site est ensuite offert sous forme de dons à diverses associations.

Contrairement à PornHub, FFF publie plusieurs exemples précis de campagnes qu’ils ont financées, comme la création d’un refuge pour dendrophiles (personnes sexuellement excitées par les arbres) au Costa Rica ou encore l’achat de plusieurs hectares de forêt en Slovaquie pour un programme de protection des lynx.

Certes, le visionnage de ces vidéos consomme de l’énergie, mais la pornographie sert ici un objectif foncièrement écologiste. Elle est un moyen, plus qu’une fin en soi.

En outre, le site ne pousse pas à la surproduction et à la surconsommation de contenus, mais invite les visiteurs à apprécier l’amour des acteurs et actrices pour leurs partenaires et pour la nature. Une meilleure manière de « dédiaboliser » la pornographie ?

D’une certaine manière, la démarche de Fuck For Forest est l’exact inverse des programmes de greenwashing de PornHub. Dans la course effrénée à la visibilité qui peut épuiser les plus résilients écologistes, on pourrait presque accuser FFF de pornwashing !

Quelles mesures réellement écologiques faudrait-il envisager ?

Comment réduire l’empreinte carbone d’une session sur un site pornographique ?

Privilégier les supports physiques est un bon moyen d'éviter la prolifération des Data Centers
Privilégier les supports physiques est un bon moyen d'éviter la prolifération des Data Centers evertonpestana

Dans une logique de sobriété, la meilleure mesure à prendre consiste à suivre le conseil de Duc, qui en 1998 déjà préconisait de « se secouer à la main ».

Mais de plus en plus de personnes souffrent d’addiction à la pornographie et, en attendant de se défaire de ce fléau, il existe déjà plusieurs possibilités pour réduire l’empreinte carbone d’une session de visionnage audiovisuel :

  • Privilégier les vidéos sur supports physiques

    Il vaut mieux télécharger une fois une vidéo que de la regarder plusieurs fois en streaming, à condition de limiter le nombre de vidéos sauvegardées, bien entendu.

  • Éviter la course à la nouveauté

    Qu’il soit question de technologies ou de films, lorsque l’on considère l’objectif d’une session sur une plateforme de pornographie, il n’est pas raisonnable ou nécessaire de multiplier et varier les expériences.

  • Désactiver les publicités et les très hautes résolutions

    Ces technologies ne changent rien ou très peu à l’expérience de navigation, mais alourdissent beaucoup les pages web, consommant ainsi beaucoup d’énergie.

Ces éco-gestes font-ils une réelle différence ? À l’échelle d’une session, il ne s’agit pas de bouts de chandelles ! Selon les sites concernés, en suivant ces quelques petits conseils, il est parfois possible de réduire l’empreinte carbone d’une visite par dix.

Mais, comme souvent, le comportement des consommateurs n’a pas autant d’impact que les décisions prises par les producteurs et revendeurs.

Que pourrait faire MindGeek pour réduire son impact écologique ?

MindGeek est une entreprise (épinglée pour fraude fiscale en 2012) qui possède la plupart des principaux sites de pornographie en ligne et de nombreux studios de production. Cette entreprise a développé un réel monopole sur les plateformes de streaming en ligne.

Ainsi, elle possède un très important pouvoir d’action en ce qui concerne la réduction de l’impact de la pornographie sur l’environnement.

Page d'accueil de MindGeek
Page d'accueil de MindGeek MindGeek

Soutenir des apiculteurs ou des associations, comme le fait PornHub, n’est pas un geste anodin, mais une réelle volonté d’écologie passerait inévitablement par les mesures proposées ci-dessous, au niveau de tous les sites mis en ligne par MindGeek :

  • Limiter la production de contenus

    Quelle que soit la consommation de pornographie d’une personne, il lui sera impossible de voir toutes les vidéos produites par PornHub durant l’année 2018. Pour rappel, il faudrait passer 115 ans à regarder de la pornographie en continu.

    Partant de ce constat et en considérant l’ensemble de la pornographie produite ces dernières décennies, il n’est clairement pas nécessaire de continuer à produire des contenus.

  • Limiter le poids des pages web

    Pour certaines pages, la publicité peut représenter 50% du temps de chargement
    Pour certaines pages, la publicité peut représenter 50% du temps de chargement Emisoft

    Si le nombre de vidéos hébergées par MindGeek est affolant, la complexité des fichiers et des formats ne cesse d’alourdir ces pages. L’amélioration des performances de serveurs et de connexion des utilisateurs ne rends pas ce gaspillage réellement tangible, puisqu’une session de navigation semble toujours plus rapide et fluide. Il s’agit là d’un effet rebond.

    Les sites de streaming pornographique sont également truffés de publicités pour d’autres sites ayant la même finalité. Ceci alourdit énormément les pages (notamment à cause des scripts de tracking des utilisateurs) et pousse à la surconsommation. En supprimant (ou, à défaut, en limitant) la publicité sur ses sites, MindGeek pourrait avoir un impact indirect considérable sur la quantité de déchets nucléaires produits chaque année dans le monde !

  • Cesser la course aux nouvelles technologies

    La pornographie est un réel fléau pour la société, notamment pour la sexualité des couples mariés. Si l’expérience masturbatoire low-tech n’est pas du goût de tout le monde, les ressources naturelles gaspillées dans la recherche de nouvelles sensations ne se justifient pas.

    La mesure la plus écologique à prendre n’est pas celle qui consiste à isoler ses clients dans une bulle masturbatoire connectée. PornHub pourrait utiliser sa créativité et son humour pour encourager la pornographie comme art ouvrant sur une sexualité curieuse et respectueuse des personnes concernées.

Pour conclure

Les bonnes intentions et les éco-gestes sont importants. Mais l'idée de sauver la planète en se masturbant est trop belle pour être vraie ! Méfions-nous des entreprises qui exploitent la Nature à des fins productivistes, quelles que soient les mesures compensatoires mises en place.

L'exemple de l'industrie pornographique illustre les quantités invraisemblables de ressources que notre société est capable d'investir dans des activités superflues. Alors qu'il s'agirait de revoir profondément les modèles économiques des entreprises capitalistes, basés sur l'ignorance des impacts écologiques et sociaux ainsi que sur la recherche perpétuelle d'innovations techniques, les mesures concrètement prises sont loin d'avoir un impact réel et significatif.

De plus, la quasi-impossibilité d'avoir des données publiques précises à propos de l'impact écologique d'entreprises et de technologies clairement sur-consommatrices interroge quant à la possibilité même d'identifier d'importants leviers d'économies potentielles.

Et, plus encore que les mesures compensatoires, interrogeons-nous sur la nécessité même des services et produits proposés par les entreprises.

Portrait de l'auteur

Après avoir lu cet article, vous comptez ralentir votre consommation de pornographie ? Ou, au contraire, vous allez tenter de sauver le plus de pandas possible ?

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Portrait de l'auteur

Grégoire Llorca

Formateur en sobriété numérique — DEFI-Écologique

Comment communiquer sur internet de manière écologique ?

Comment militer tout en gagnant sa croûte ?

Chaque jour, je travaille avec DEFI-Écologique en tentant de répondre à ces questions.

Aider les écologistes à transmettre leur connaissances et savoir-faire, c'est ça mon métier !

Je suis aussi militant pour Alternatiba et ANV-Cop21.

 Grégoire est membre de DEFI-Écologique.

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4 réponses à “L’invraisemblable impact écologique de la pornographie !”

  1. Pornographie vient de Pornos, prostitution et de graphie, montrer, décrire. Bref, pornographie signifie tout simplement « ce qui décrit la prostitution.À méditer…

  2. Cet article est plein de bonnes intention, mais il est dommage qu’il ne propose pas de solution viables. Je veux dire par là, que les solutions proposées passent uniquement par des sacrifices, sans aucune contrepartie. Que ce soit pour les consommateur autant que pour les producteurs de pornographie. Ne pas utiliser de supers algorithmes, réduire la consommation, réduire les pubs. Toutes ces solutions font uniquement perdre de l’argent aux producteurs, et du plaisir aux consommateurs. Evidement la récompense théorique à ce comportement c’est l’amélioration écologique qui en découle. Mais c’est bien le problème de base : ça n’interresse ni les producteurs ni les consommateurs. Cet article n’as donc comme utilité que de precher des convertis. Il reste néanmoins interressant dans la mesure où le travail de recherche a apporté des chiffres sur le sujet

    • Bonjour,
      Merci pour votre message. L’utilité de l’article était justement d’illustrer, à travers la pornographie, qu’il est extrêmement compliqué (voire impossible) de calculer l’impact écologique du numérique. L’exemple de la pornographie ne sert qu’à illustrer un sujet plus large et plus vaste.
      Personnellement, je ne vois pas l’absence de publicité comme un sacrifice, pas plus que les autres mesures que je préconise. J’imagine que chaque personne a sa propre sensibilité à ce sujet, néanmoins l’impact écologique de la publicité est réel et colossal pour tout le monde, qu’on la trouve souhaitable ou pas.
      On ne peut pas non plus affirmer avec certitude que tous les consommateurs sont unanimes quant au plaisir procuré par le fait d’avoir des titres de vidéos traduits dans sa langue maternelle par une IA très gourmande en énergie.
      L’article propose une solution viable écologiquement et économiquement : se secouer à la main. Le plaisir du consommateur lui appartiens totalement.
      Et, bien sûr, pour le plaisir de regarder de la pornographie malgré tout, n’a-t-on pas déjà, et de loin, suffisamment de vidéos disponibles pour ne pas avoir besoin d’en produire de nouvelles ?

      • Merci pour votre réponse !

        A propos du 1er paragraphe : d’accord, en lisant l’article cette dimension la m’as échappé. Si c’est le fond du sujet, dans ce cas je pense effectivement que cet article peut en donner une lecture interressante !

        Par contre, pour la suite du message, je parle de sacrifice en considérant les objectifs de chacun (sans parler de souhaitable ou non, de morale ou non). Mais il est évident que les objectifs des sites pronographiques, c’est de gagner le plus d’argent possible. Et qu’aucune des solutions exposées ici ne permet d’aller dans le sens de cet objectif. C’est donc seulement des sacrifices demandé. (On pourrait argumenter que si la planète meurt il n’y aura plus d’argent à se faire, mais c’est si long terme que ce ne sont pas des considérations que les entreprises prennent en compte). Pour les consommateurs, avoir moins de publicité serait clairement moins souhaitable, ça ennuie la majorité des gens. Mais … on ne demande pas au poisson de nous apprendre à pecher… Donc, que ça nous ennuie ou non, si c’est rentable, les Pornhub&Co ne s’en priveront pas.

        Que l’impact environnemental soit vrai c’est une chose, et les solutions proposées sont interressantes écologiquement. Economiquement, c’est justement ça que je questionne.

        A propos de votre question finale, c’est bien relatif. Personnellement, mes gouts en la matière sont si spécifiques que je me retrouve déjà à regarder les mêmes vidéos par manque de contenu. Je ne sais pas si c’est généralisable. Mais ça me fais réfléchir sur le fais que la production démesurée pourrait également être liée à des « gouts de niches » fréquents donnant l’occasion de se faire davantage d’argent en démultipliant les contenus. Et j’y pense là, mais tagger les vidéos pourraient avoir le positif de permettre de trouver les caractéristiques voulue parmi les vidéos déjà existante.

        Quoi qu’il en soit, je salue votre initiative, et malgré ces critiques, c’est avec beaucoup d’admiration pour votre cause que je vous répond !

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