La mobilité du canidé sauvage est une nécessité à la survie. L'espèce est soumise à la pression du milieu, naturelle ou humaine. Ses déplacements sont en rapport avec les rythmes naturels et les saisons, alors que les interactions humaines fortes perturbent des cycles indétectables et peu connus. Comprenons-nous pourquoi le loup disperse-t-il ?
Ce que vous allez apprendre
- Pourquoi le loup disperse
- Une illustration de la dispersion du loup à travers un exemple lorrain
- Quelle est l’influence de la chasse sur ce comportement
- Comment la concurrence entre meutes y joue un rôle
Gustave Proulx
Quand on se tient avec les loups, on hurle.
Pourquoi le loup disperse-t-il ?
Comme il est souvent reconnu, la variabilité génétique est un impératif à la survie de l’espèce. Le degré d’audace des individus aurait son importance, selon Laetitia Becker. Il est important de comprendre que « le canidé n’a pas besoin d’être formé à la chasse, il agit et réagit par expérimentations et adaptations ».
Cependant, il est avéré que certains procédés pour accéder aux parties nobles sont démontrés aux jeunes individus qui ne savent pas exactement comment « ouvrir » une proie.
Dans la Marne, l’individu braconné en janvier 2014 semblait se contenter de lagomorphes. Une analyse du contenu de son estomac le confirme, alors que deux autres individus en groupe dispersaient sur le même secteur géographique, à la même époque !
La capacité d’un individu à s’auto former à la prédation et le caractère hardi qui le pousse à rester en retrait des conventions naturelles de la meute pourrait donc permettre à l’étude de déterminer par observations, le ou les individus aptes à quitter le groupe de manière définitive. Ces individus étant les futurs dispersants et fondateurs éventuels d’un nouveau groupe qui entrera (ou pas) en concurrence avec la meute d’origine.
En dehors des contraintes liées à l’accès à la nourriture et à la reproduction de l’espèce, il est établi que les modes de chasse du canidé sauvage influent sur ses déplacements. Le déplacement du gibier en période d’ouverture de la chasse, ou sous l’influence de la prédation du loup, déterminent les futurs déplacements du canidé.
Tout comme l’augmentation de la pression humaine sur les milieux naturels. L’anthropisation est en rapport avec la modification des zones vitales, le canidé sauvage adapte ses dispersions aux ressources. Présence d’eau, de proies vulnérables et facilement accessibles, d’aires de repos isolées, aires de reproduction sécurisantes, toutes modifications des milieux engageant des réactions naturelles rapides, provisoires ou définitives.
Le cas lorrain
En 2016, dans les départements des Vosges et de Meurthe et Moselle, il est constaté qu’une zone vitale de 50 000 hectares en 2014 bascule vers l’est et le sud de la zone vitale primaire en 2015, avant de se scinder en deux zones distinctes en surface durant l’année 2016. Près de 15 000 hectares au sud de la Meurthe et Moselle sont réinvestis de manière contiguë à une autre zone plus vaste, au nord-ouest du département des Vosges.
A l’étude des nombreuses données, en 2016, il ressort qu’un individu isolé, éventuellement apparenté au groupe qui se situe sur la zone positionnée au sud de la commune d’Harmonville (délimitée en jaune sur la carte), s’est provisoirement établi au nord.
Il est présent de février à juin 2016, alors que deux individus sont présents sur une surface de 28 000 hectares positionnée plus au sud. Officiellement, c’est le même individu qui est présent sur les deux secteurs. Toutefois, cette zone vitale sud est occupée de janvier à septembre 2016 !
Le 19 février 2016, un individu est présent sur la commune de Saulxerotte, sur la zone nord et sur la commune de Soncourt en zone sud à une distance de 10 kilomètres. Il est présent le même jour sur la commune de Chef-Haut toujours en zone sud et encore à une distance de 10 kilomètres.
Si cet individu était isolé, il aurait parcouru le même jour près de 100 kilomètres, afin de chasser à trois reprises. Ce qui, bien entendu, n’est absolument pas dans les normes habituelles connues.
Le canidé est présent le 30 mars sur les communes de Soncourt et Rainville. Le 28 avril, le loup est présent à Greux, dans le département vosgien, et le 29 avril sur la commune d’Aroffe à une distance de 18 kilomètres à vol d’oiseau.
Ce déplacement est hors norme, tout comme le sont deux actes de chasse en moins de 48 heures. En mai et juin 2016, les individus recensés semblent moins mobiles en zone nord tout comme en zone sud. Cet état de fait correspond vraisemblablement à la présence de faon et de marcassin, proies vulnérables et abondantes à cette période de l’année.
Ce qui confirme que les habitudes de déplacements du canidé changent selon les périodes de l’année, en fonction des proies disponibles et de la présence humaine dans les milieux naturels.
Concurrences et interactions
La concurrence entre les meutes influe sur les naissances, tout comme la pression humaine de chasse sur l’espèce. Les naissances de louveteaux influencent les comportements de déplacements du groupe. Les ressources étant limitées dans un milieu naturel sauvage(1), les interactions avec le monde de l’élevage favorisent souvent la reproduction du canidé, les tirs de destruction orchestrant de nombreuses dispersions, tout comme une augmentation des naissants, par portée.
Cette donnée constatée par le réseau loup n’a jamais été rendue publique ! Il y a moins d’adultes à nourrir quand les dispersions intra-zone ou hors zone ont eu lieu, ces dispersions étant le plus souvent provisoires.
Les périodes de mai à août sont propices à la chasse sur la faune cynégétique. A l’inverse, un secteur de chasse habituel devenu inaccessible pousse le canidé à chercher de nouvelles ressources, alors que l’absence provisoire de gibiers accessibles, en toute sécurité, pousse les individus à disperser en dehors des secteurs géographiques connus. Seuls ou en groupe !
Laetitia Becker, scientifique alsacienne qui a réintroduit de jeunes individus orphelins en Russie explique : « Les variables liées à la couverture forestière et la densité humaine, tout comme le nombre de proies disponibles, sont les facteurs déterminants au maintien du canidé sauvage. »
En l’absence d’une meute organisée, l’eau et la nourriture étant présentes toute l’année et en fonction de la présence de prédateurs concurrents.
Le canidé sauvage connaît donc, en France, toutes les opportunités nécessaires à une forte dispersion, sur une grande échelle. Les effectifs mobiles étant pour la plus-part non recensés, voire totalement inconnus !
Peu de prédateurs concurrents, ou pas du tout ! Des proies domestiques très accessibles en plaine. La présence d’un gibier sauvage abondant, toute l’année. La présence d’espèces exogènes comme le mouflon, provisoirement mal adapté à la chasse du prédateur. Le manque total d’anticipation, en termes de mise en protection des troupeaux, permet à l’espèce de trouver toutes les ressources indispensables à la fondation d’un groupe et à une reproduction fréquente. Tout en favorisant de futures dispersions. Alors que la politique de tir actuelle favorise encore le flux de dispersion, par un effet de cascade évident !
L’Observatoire du loup
« L’Observatoire du loup » a pour but de collecter, rassembler et croiser toutes les informations en rapport avec la présence du loup. Localiser et alerter sur sa présence afin d’anticiper son retour est un impératif.
Faciliter l’approche des phénomènes de dispersion et dénoncer les freins à sa compréhension sont aussi notre credo. Mettre en œuvre une prospective de dispersion probante est une finalité.
La pression de chasse sur le canidé influence-t-elle les dispersions ?
Il faut se rendre à l’évidence, toute interaction humaine forte avec le canidé sauvage implique des dispersions. Les tirs de destruction du loup, en 2015, sur le département des Hautes Alpes, ont pour première conséquence une dispersion du canidé vers l’ouest et le département de la Drôme.
Ce département connaît, en 2016, une forte augmentation de ses prédations sur domestiques, alors que les actions de chasse du loup sur troupeaux dans le département des Hautes Alpes sont en forte augmentation (+20%).
Les constats
Dans la Drôme, on constate une augmentation des prédations sur domestiques de 17%. Cette donnée connue est la conséquence d’un flux de dispersion important généré par les tirs de destruction de 2015.
Les 20 août, 11 novembre et 12 décembre 2015 sur le secteur ouest de la commune de Lus-la-Croix-Haute, il est constaté de nombreuses prédations sur la façade ouest du département drômois en 2016, sur un axe nord-sud. Ce front de prédations est de plus de 60 kilomètres. Les distances de dispersion sont de l’ordre de 15 à 45 kilomètres vers l’ouest, en provenance du département voisin.
Concernant le sud de cette zone, la dispersion d’un canidé isolé vers cette même zone de front est évoquée au paragraphe « l’exemple du Ventoux » dans la première partie de cet article. Cette dispersion, dont l’origine est un groupe de canidés établi sur le Ventoux, constitue un potentiel de fondation de meute important. Il est probable qu’une forte pression de chasse sur le canidé implique l’augmentation du potentiel de fondation de nouvelles meutes.
L’effet de cascade
Il faut noter une éventuelle dispersion du canidé sur le département des Hautes Alpes, en rapport avec les nombreux tirs de destruction du loup en 2015, sur le département des Alpes Maritimes, la Condamine le 15 novembre 2015 et plus au sud en septembre, octobre et novembre 2015 dans la vallée de Barles. Ces tirs ont engendré des déplacements de population vers le nord.
Ainsi, il est probable que des dispersions en cascade soient la conséquence de tirs anarchiques exercés en battue durant la période de septembre à novembre 2015 dans le sud-ouest de la France.
Les tirs de destruction dans la Drôme en septembre 2016 sur la commune de Bouvante et en octobre 2016 sur la commune de Volvent vont-ils générer une nouvelle cascade de dispersion vers le département de l’Ardèche ?
Pour mémoire, sans aucun tir de destruction connu, le département de l’Ardèche connaît une baisse sensible du nombre de prédations sur les animaux domestiques, depuis deux ans. Alors que ce département fait l’objet de dispersion en provenance de la Haute-Loire et de la Lozère, doit-on envisager en 2016, une forte augmentation des dommages aux troupeaux sans protection ?
Yvan Audouard
Il y aurait beaucoup de tendresse à apprendre des loups et beaucoup de férocité des tourterelles.
Prédation du loup
Il est souvent dit que le loup ne connaît pas de prédateur. C’est totalement faux ! La présence de prédateurs en nombre, comme l’ours, le lynx ou encore l’aigle, freine de toute évidence son installation, voire peut la rendre impossible. L’inverse étant vrai également !
Ainsi, il ira disperser plus loin ou retournera à sa meute. Dans une configuration en meute, c’est le loup lui-même qui devient son propre prédateur. Alors qu’un groupe géographiquement isolé, sans aucune concurrence, comme cela est très souvent le cas en France, peut étendre un territoire utile, sans contrainte.
Ces surfaces naturellement exploitées pérennisent la survie du groupe, jusqu’au moment où le loup entre en concurrence avec le loup. Le territorialisme de l’espèce est reconnu. Tout comme chez les oiseaux. Sauf si les pressions exercées sur les milieux compromettent la survie. Chacun peut le comprendre en observant les oiseaux dans son jardin. Le loup n’est pas un animal surnaturel, bien sûr !
Pour conclure
Le territorialisme définit la naissance et la mort du groupe. Une meute naît puis disparaît, elle n'est pas éternelle. La présence commune de l'homme et du sauvage sur une même aire géographique, pour qu'elle soit pérenne, doit être réinventée ! Le chacal doré, le loup gris européen et de nombreuses autres espèces, végétales ou animales sont en train de s'installer !
Vous connaissez tous cet adage : « la nature a horreur du vide ». Cet adage vérifié implique des choix de société.
Quels choix devrions-nous alors faire pour laisser une place au loup ?
CommenterPrémunissez-vous contre les écueils habituels de montage de projets de protection des espèces
Protection des milieux et des espèces
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Alliance avec les Loups
Observatoire du loup
Jean-Luc Valérie
Photographe animalier — Observatoire du loup
Ce photographe animalier passionné est l'auteur de « L'eau de mes terres » (prix Erckman-Chatrian 2009) et de « Le retour du Loup en Lorraine ».
Conférencier et blogueur occasionnel, auteur sur « la Buvette des Alpages », il est l'initiateur de « l'Observatoire du loup » et coordinateur du regroupement de bénévoles et de spécialistes dans différents domaines liés à la géographie, le pastoralisme, les statistiques, le naturalisme, l'éthologie, le loup et la recherche d'informations.
Les pistes de solutions en rapport avec la dispersion du canidé sauvage au niveau national : Informatives : Supprimer le devoir de réserve des techniciens de l’Oncfs et instituer le devoir d’information. Demander aux préfets de publier dans leur intégralité les compte-rendus annuels ou bi-annuels des comités loup, dès qu’ils sont mis en place. Ouvrir et regrouper toutes les bases de données de l’Oncfs, au public. Informer, les éleveurs et le public, en temps réel, de la présence du loup, qu’elle soit probable ou certaine dès que les faits sont connus. Techniques : Supprimer le délai de « deux hivers consécutifs » de présence du loup pour déclarer l’existence d’une zone de présence permanente. Supprimer le zonage des secteurs à mettre en protection (cercle 1 et 2), qui renvoie le canidé sauvage sur les troupeaux peu protégés. La mise en protection des troupeaux doit se faire de manière plus globale. Instituer l’obligation de mise en protection des troupeaux au niveau national ou régionale dès les premiers faits qui pourraient laisser entrevoir une prédation « suspecte » sur domestiques, avec ou sans preuve formelle. Organiser une nouvelle gestion des lots de moutons en plaine et en basse montagne les aires géographiques exploitées en commun par les éleveurs et le loup demandent de nouvelles pratiques, parfaitement possibles. Indemniser les prédations du loup sous conditions: 1) Douze mois après avoir déclaré la présence probable du loup, présence de chiens obligatoires . Chiens formés, validés et dont l’habilitation qui sera contrôlées par un organisme indépendant est à jour (périodicité: 30 mois) 2) dès qu’une preuve formelle est mise à jour, présence humaine sur les sites de prédations domestiques, de jour comme de nuit pendant 30 jours au moins. La louveterie devrait être mise largement à contribution en attendant l’embauche d’un aide-berger dont le salaire doit être pris en charge à 100% la première année. 3) absence de la brigade du loup sur le secteur (zonage à déterminer, plus ou moins 15 km de rayon) Expérimentales : Étudier et établir tous les freins, administratifs et politiques à la bonne compréhension des dispersions du canidé sauvage. Expliquez tous les phénomènes liés à la présence du loup en corrélation avec l’expérimentation de la modélisation des comportements de dispersion du canidé. Développer des gestions prévisionnelles, basées sur une prospective de développement de l’espèce au plus tôt. Expérimenter de nouveaux procédés simples, passif et actif, de mise en protection des troupeaux, qui font appel aux sens du loup. Le loup est sensible des doigts et du nez. Expérimenter des filets horizontaux, non électrifié et des barrières horizontales physiques compréhensible pour le canidé. (frein au déplacement) Expérimenter de nouveaux procédés de gestion des parcs. Mélange des races ovines aux couleurs variées et contrastées. Procédé anti-panique en cas de prédation. Expérimenter de nouveaux chiens de protection. Expérimenter la mise en concurrence entre les races et leurs complémentarités dans le troupeau. Expérimenter de nouveaux procédés permettant de contester la territorialité d’une aire géographiques ou le canidé prélève des domestiques. La formation de meute de chiens de protection mobiles et formées à évoluer à l’extérieur des parcs, tout comme à l’intérieur et la formation de chiens créancés destinés à pister le canidé au moment des faits de prédations est à expérimenter afin de contester la territorialité naturelle mis en place par le loup quand il s’installe, ou en cas de crise forte sur un secteur déterminé. De formations : Former la louveterie aux procédés de pyrotechnie froide sur le piégeage des carcasses et sur le tir pyrotechnique de défense. Inciter les syndicats d’éleveurs et les chambres d’Agriculture à former les éleveurs sur la mise en place des chiens de protection, immédiatement. Engager et former une police anti-braconnage, spécifique « Grand prédateur », sans devoir de réserve et complètement indépendante des préfectures, le braconnage cryptique ne permettant pas, par nature, de comprendre complètement, les phénomènes de dispersion. Toutes pressions de chasse, sur le canidé, ayant des conséquences directes, sur l’augmentation des prélèvements sur ovins. Engager et former quelques équipes d’intervention, spécifiques « premières prédations au troupeau » avec chien de protection de prêt (2 mois maxi) pour soutenir l’éleveur et mettre en place les premières mesures de protection qui s’impose. Développer des gestions prévisionnelles, basées sur une prospective de développement de l’espèce. Former les étudiants dans les lycées agricoles à la prédation des grands prédateurs avec des modules conséquents.
Oui, très intéressant. Allez faire un stage chez les bergers qui vivent bien et avec des meutes pour voisins. Rire. C’est tout bêta. Et puis tout ce qui décrit bien, soi disant scientifiquement, par « l’observatoire du loup » (déjà cette appellation… lol…) mérite d’être comparé, analysé et vous seriez surpris. Beaucoup d’incohérences par exemple. J’ai du mal au total à savoir si c’est une opinion ou quelque chose de « sérieux ».
Madame Wagner, vous vous exprimez au nom de l’Aspas? Je vous emmène en estive l’été prochain, si vous le souhaitez, en ce qui me concerne c’est fait depuis longtemps! Il y a un éleveur qui expérimente des chiens de protection non loin de Metzeral, vous pourriez lui rendre visite, en ce qui me concerne, c’est fait! C’est très instructif. Le dernier berger avec qui j’étais en contact cet été était seul, les brebis en pâturage libre et en couchade libre, vous savez ce que cela implique? Vous souhaitez comparer votre expérience du terrain à la mienne, soit! Au plaisir de vous relire alors! N’oublier pas d’argumenter! Bavarder sur le net ne suffit pas…pour comprendre ce qui se passe sur le terrain!