Muriel Pénicaud : fer de lance de l’Économie Sociale et Solidaire ?
Formateur en sobriété numérique — DEFI-Écologique
Le 04 Janvier, la ministre du travail Muriel Pénicaud déclarait qu’elle investirait dans un fond solidaire l’argent que la suppression de l’ISF lui fait économiser.
A travers ce geste, deux notions transparaissent :
Il semblerait que la ministre considère qu’un individu est plus qualifié qu’un gouvernement pour gérer ses impôts.
Ces investissements représentent un geste de soutien fort à l’Économie Sociale et Solidaire (dont DEFI-Écologique fait partie).
Devrions-nous nous réjouir de ce soutien public ?
Au contraire, devrions-nous nous méfier et nous demander si nous ne sommes pas un prétexte pour un peu de démagogie à l’ancienne ?
Muriel Pénicaud est-elle le nouveau fer de lance de l’ESS ?
Ce que vous allez apprendre
- Quel est le parcours de Muriel Pénicaud
- Pourquoi les impôts sont plus judicieux que les investissements privés
- Comment les notions d’économie, de socialité et de solidarité sont visibles à travers le parcours de la ministre
- De quelles autres manières elle pourrait soutenir l’ESS
Philippe Kaminski
L'économie sociale française sou re de façon chronique de ne pouvoir s'incarner dans des ensembles moteurs su samment forts. Sa représentation politique, intermittente et mal assurée, n'a jamais eu les moyens de la tirer en avant.
Qui est notre ministre du travail ?
Muriel Pénicaud, ancienne directrice générale de Business France, ancienne DRH de Danone, ancienne cadre de Dassault Systèmes et membre de plusieurs conseils d’administration de grandes entreprises est nommée ministre du travail le 17 Mai 2017.
Le début de son mandat est marqué par l’objectif de réformer le code du travail par l’utilisation d’ordonnances.
Suite à la suppression de l’ISF, Muriel Pénicaud (la plus riche de tous nos ministres, avec un patrimoine de près de 7,5 millions d’euros) économiserait donc 62 000 euros en 2018.
Le 04 Janvier, elle déclarait sur France Inter son intention d’investir cet argent à sa guise, de manière responsable et solidaire.
Muriel Pénicaud
Cette même somme, je vais l'investir dans des entreprises à travers un fonds qui soutient l'économie sociale et solidaire
Investir, c’est mieux que payer des impôts ?
J’imagine que Mme Pénicaud, comme tout le monde, en a marre de constater que l’argent de l’état est mal géré…
Récemment, on a vu de l’argent public utilisé pour un vol en avion hors de prix. On a aussi vu de l’argent public détourné à des fins personnelles. Mais aussi les allocations chômage exorbitantes des députés sortants (alors que les chômeurs ne sont même pas encore contrôlés). Tous ces exemples ont probablement convaincu la ministre qu’il est temps d’arrêter de financer la machine à gaspiller l’argent issu de son dur labeur.
Qui pourrait lui jeter la pierre, sachant que même les représentants de notre peuple doivent désormais manger des pâtes et ressortir leurs vêtements de la cave ?
Ainsi, les plus riches peuvent désormais décider eux-mêmes où ira l’argent de leurs anciens impôts.
Bien entendu, ce sera vers l’Économie Sociale et Solidaire et nous en sommes tous ravis. Mais est-ce une si bonne idée ?
Impôts et libre choix font-ils bon ménage ?
L’ESS, c’est un mouvement, une philosophie, que nous portons du mieux que nous pouvons, chez DEFI-Écologique.
Pour autant, nous considérons que ce n’est pas le seul modèle économique important pour la société.
En effet, le service public reste d’une importance capitale. Mais il est impossible de réaliser des investissements privés dans une école publique, un hôpital universitaire ou même dans une caserne de pompiers.
Dès lors, les impôts sont indispensables. Ils permettent également une réflexion de toute la société sur l’orientation budgétaire et pas uniquement une volonté d’augmentation des profits privés.
De plus, livrés à eux-mêmes, les personnes émettrices de ces fonds ne font pas toujours les choix les plus pertinents.
Il ne faut pas non plus perdre de vue le fait que rien n’oblige une personne à investir son argent pour qu’il bénéficie à notre société. Elle peut tout aussi bien le dépenser à l’étranger ou dans des produits à faible valeur sociale, environnementale, etc.
La théorie du ruissellement
Depuis les années 1980, ce principe consiste à considérer que lorsqu’un pays a un haut taux d’imposition, les personnes les plus fortunées le fuient. Ainsi, le peuple se retrouverait privé des richesses possédées par les plus riches.
En supprimant les impôts, la conséquence attendue est une augmentation des investissements, directement au bénéfice des salariés français.
Seulement, cette théorie est invalide.
Tout d’abord, il semblerait que l’ISF n’ait pas réellement fait fuir les plus fortunés. La perte théorique s’élèverait à moins de 10% de ce que l’ISF aurait pu rapporter.
Il est également intéressant de noter que même le FMI constate l’inefficacité de cette méthode.
FMI
Lorsque les riches s'enrichissent, les avantages ne se répercutent pas sur le revenu.
Gestion des impôts par l’état ?
La meilleure solution consiste sûrement à nommer des experts, formés pour gérer les sommes d’argent taxées aux plus riches, afin d’en assurer une redistribution équitable et utile pour la société.
Cette idée saugrenue n’est pas nouvelle, c’est en fait ce que l’on appelle plus couramment le budget de l’état.
Une part de ce budget est attribué à chaque ministre, y compris Muriel Pénicaud, qui se retrouve donc à gérer directement l’argent issu de nos impôts. Et donc, de ses impôts aussi.
Toutefois, le budget consacré à l’ESS dépend du ministère de la Transition écologique et solidaire, ce qui pourrait peut-être expliquer pourquoi Muriel Pénicaud, ministre du travail, préfère la souplesse d’un choix personnel.
Notons que le budget 2018 pour l’ESS est loin de satisfaire les besoins du secteur, d’après l’UDES (Union des Employeurs de l’Économie Sociale et Solidaire).
UDES
Le budget proposé pour l’économie sociale et solidaire en 2018 apparaît déséquilibré et en décalage avec les besoins du secteur.
L’UDES propose trois mesures :
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Augmentation du crédit d’impôts
La différence entre le CICE (crédit d’impôts de 6% pour les entreprises privées à but lucratif) et le CITS (crédit d’impôts de 4% pour les entreprises associatives) pose de sérieux problèmes de compétitivité du secteur non-lucratif.
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Maintien des contrats aidés
La baisse des ces contrats pose énorméments de problèmes au monde associatif, tant d’un point de vue financier que dans la gestion de projets. L’UDES souhaite que le gouvernement revienne sur sa décision et maintienne le niveau de soutien de 2017.
-
Maintien du financement des DLA
Les dispositifs locaux d’accompagnement (DLA) permettent de dévelloper les structures associatives et de péreniser leur modèle économique. Le budget alloué aux DLA a été réduit de 2 millions d’euros (soit environ 18%) en 2018.
Peut-on facilement investir dans l’ESS ?
Malheureusement, investir dans l’Économie Sociale et Solidaire n’est pas si aisé que ça. Pour devenir « épargnant solidaire » tout en étant employée de l’état, il semblerait que Mme Pénicaud n’ait pas beaucoup d’options.
L’épargne et les fonds d’investissement sont gérés par les banques. Or, BNP Paribas, banque de Mme Pénicaud, est notoirement connue pour ne pas soutenir l’ESS, en plus de pratiquer l’évasion fiscale.
La banque de la ministre propose l’investissement dans un fonds nommé « BNP Paribas Social Business France ». Or, celui-ci ne comporte que 5% à 10% d’investissements dans des entreprises de l’ESS. Sur les 49 000 euros qu’elle déclare vouloir réinvestir, seulement 2 450 à 4 900 euros devraient réellement être consacrés à l’ESS.
Irrintzina — Le cri de la génération climat
Ce film documentaire, c’est l’histoire de la renaissance d’un mouvement pour la justice climatique, ces dernières années.
De 2013 (naissance du tour Alternatiba) à 2017 (fin du film avec le procès des faucheurs de chaise en janvier 2017), des militants se sont unis pour informer, débattre et lutter contre l’évasion fiscale et le financement des énergies fossiles.
Leur objectif consiste également à mettre sur le devant de la scène les alternatives citoyennes à la crise climatique, que tout un chacun peut développer localement.
La BNP occupe une place de choix dans ces images. C’est notamment suite à toutes ces actions que la banque a annoncé qu’elle ne soutiendra plus un grand nombre de projets directement liés au réchauffement climatique.
Pluie de billets dans la BNP
Une présentation du film et des actions des Faucheurs de chaise à la BNP, par la chaine Partager c'est sympa.
Ses investissements jusqu’ici ?
Avec un tel patrimoine, son soutien financier à l’ESS ne peut être uniquement le fruit d’une économie liée à la suppression de l’ISF.
Alors, avant cette déclaration, à quelle hauteur Muriel Pénicaud avait-elle effectué des placements solidaires ?
D’après Laurent Joffrin, de Libération :
Laurent Joffrin
Manifestement elle n'y avait pas pensé avant !
L’Économie Sociale et Solidaire en chiffres
Muriel Pénicaud et l’Économie Sociale et Solidaire
L’ESS est en opposition directe au capitalisme. Ainsi, mesurer le soutient d’une personne à ce mouvement à travers le prisme du capital est incohérent (je reviendrai là-dessus plus loin dans l’article).
Analysons donc les mesures prises par Mme Pénicaud en tant que ministre et à travers ce que nous connaissons de son parcours.
Solidarité
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Droit du travail et ordonnances
Un point très important, c’est l’objectif annoncé de la ministre de réformer le code du travail en utilisant des ordonnances.
Ce processus n’est clairement pas démocratique, puisque le principe même consiste à se passer de l’approbation du peuple pour faire dicter une loi.
Rappelons qu’un des principes fondateurs de l’ESS, c’est « une personne, une voix ».
Peut-on défendre la solidarité sans s’opposer aux ordonnances ?
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Danone : divers scandales
Durant son parcours chez Danone, Muriel Pénicaud s’est illustrée par un manque de solidarité flagrant : le fameux scandale des stock-options !
Outre le fait de gagner une somme monstrueuse grâce à un licenciement massif, le principe même des stock-options relève pratiquement de la spéculation. Ce qui n’est pas vraiment un principe en cohérence avec les valeurs de l’ESS.
Notons également que l’une de ses priorités fut la lutte contre l’illettrisme au sein de l’entreprise.
Initiative louable, il semblerait toutefois qu’elle ne fut pas menée avec le bien-être des employés concernés à cœur, mais plutôt dans un souci de culpabilisation des personnes coûtant de l’argent à l’entreprise par leur incompétence.
Sur ce dernier point, nous aimerions trouver plus de témoignages et de données, alors n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires.
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Business France et l’augmentation de salaire
Pour finir sur la solidarité, notons que lors de sa nomination à la tête de Business France, sa première mesure fut d’augmenter son salaire (ainsi que celui de certains proches) alors que les syndicats étaient en pleines négociations salariales.
Son passage à Business France soulève également d’autres points intéressants quant à sa gestion du personnel ou des budgets, abordés plus loin dans cet article.
Danone, social et solidaire ?
Ce groupe a provoqué plusieurs scandales. N’hésitez pas à vous renseigner quant à leurs stratégies de marketing qui poussent les mères à abandonner l’allaitement dans des pays qui manquent d’eau potable (au bénéfice du lait en poudre), leur politique environnementale désastreuse ou leurs publicités mensongères (et leur lobbying) conduisant à une augmentation de l’obésité.
Outre ses actions personnelles, à travers son intégration à ce groupe, Muriel Pénicaud a contribué à un système injuste, infanticide et écocide.
Peut-on travailler pour Danone et soutenir l’ESS ?
Économie
L’ESS et le capitalisme ont en commun le fait de devoir gérer des richesses afin d’apporter une plus-value à l’ensemble de la société.
Voyons donc comment Muriel Pénicaud gère des budgets, dans le but de réaliser des économies.
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Finances personnelles
Etant donné qu’elle possède un patrimoine de 7,5 millions d’euros, on peut sans hésiter dire qu’elle sait gérer son budget personnel à merveille.
D’ailleurs, il semblerait que le fait d’investir l’argent économisé sur l’ISF dans un fond d’investissement solidaire lui permettrait de réaliser une seconde économie d’impôts !
Cependant, le patrimoine médian des français étant de 158 000 euros, il n’est pas exagéré de se demander dans quelle mesure une personne possédant plus de 47 fois les richesses d’un français moyen est capable de comprendre les problèmes économiques auxquels la majorité des citoyens font face.
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Business France
Un élément étonnant, c’est l’affaire du repas de Las Vegas, qu’elle aurait organisé sans demander le moindre devis aux prestataires potentiels.
Rappelons que le mot « économie », à l’origine, signifie une utilisation parcimonieuse des ressources.
Ce principe est au cœur de l’ESS (et du développement durable), mais pas de la gestion de la ministre, semblerait-il.
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Économie d’état
Si elle brille au niveau de ses finances personnelles mais semble insouciante au niveau d’une gestion professionnelle, qu’en est-il du point de vue de la gestion des fonds publiques ?
Encore une fois, encourager les réductions d’impôts et promouvoir une gestion personnelle des fonds en résultant ne semble pas cohérent.
Concrètement, la ministre du travail se trompe complètement lorsqu’il s’agit de calculer le coût des emplois aidés pour l’état.
Ainsi, un emploi aidé ne coute que 10 000 euros à l’état, contre 40 000 pour un emploi sauvé grâce au CICE.
On en revient un peu à la solidarité, mais notons que lorsqu’il s’agit d’économie, la ministre du travail privilégie directement les grandes entreprises plutôt que les ressortissants de l’ESS.
Malgré des données pourtant sans équivoque.
Social
Il est difficile de mesurer l’engagement social d’une personne. Personnellement, je considère que c’est une question d’éthique, avant d’être une question de finances.
Voyons comment ces deux aspects se retrouvent dans le parcours et l’impact social de la ministre.
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Ses engagements
Comme nous avons pu le voir précédemment, Muriel Pénicaud a beaucoup œuvré pour lutter contre l’illettrisme dans le groupe Danone, mais d’une façon controversée.
Chez Danone, elle a également lancé le programme Dan’Cares, dont le but est de fournir une protection sociale aux employés du groupe, dans les pays qui n’en ont pas.
Notons qu’il y a une forme de cohérence dans son parcours, puisque cet exemple illustre encore une fois une volonté de se soustraire à l’impôt dans le but de gérer soi-même les investissements sociaux.
La ministre a également toujours voulu porter la parole et les droits des femmes, en militant notamment pour l’égalité au sein de l’entreprise.
45 ans que la loi pour l'égalité des salaires existe et pourtant, encore 9% d'écart entre les femmes et les hommes pour un même travail. C'est inadmissible, nous agirons ! #LeGrandRDV
— Muriel Pénicaud (@murielpenicaud) 7 janvier 2018 -
Controverse chez Dassault
Dassault Systèmes est un groupe géant qui tire ses bénéfices de plusieurs secteurs et notamment l’armement, l’énergie nucléaire ou les « sciences de la vie » (c’est-à-dire les pesticides).
Encore une fois, peut-on travailler chez Dassault Systèmes et soutenir l’ESS ?
Mais la controverse ne se situe pas là.
En parallèle de cet emploi, Mme Pénicaud a également été nommée présidente de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP), l’école des inspecteurs et des contrôleurs du travail. Une nomination qui a fait polémique !
UNSA
C'est l'inspection du travail offerte au MedefCe qu’il est intéressant de noter, c’est que depuis, elle n’a pas hésité à faire la chasse à la contestation au sein même des inspecteurs du travail !
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Scandales chez Business France
Comment Muriel Pénicaud traite-elle les gens avec qui elle travail ? Et surtout, ceux qui travaillent pour elle ?
On a pu le voir avec le lien ci-dessus, elle n’aime pas la contestation !
Mais aussi, elle aime bien les titres pompeux, obligeant ses employés à l’appeler « ambassadrice aux investissements internationaux », y compris dans les communications internes.
Jean-Paul Bacquet
Il y a eu beaucoup de départs de gens très compétents, parce qu'ils ne pouvaient pas travailler avec elleTout sauf humaine
Muriel Pénicaud vue par des salariés de Business France - extrait de l'emission Complément d'enquête
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Réforme du code du travail
Bien qu’on ne puisse pas lui donner la responsabilité directe de l’intégralité des ordonnances, le fait qu’elle les mette en œuvre ne peut qu’illustrer son approbation.
Plafond lors de licenciements, profusion des contrats de chantier et massacre des contrats aidés ne peuvent que susciter de l’inquiétude quant à l’utilité sociale de ces mesures.
Il existe d’autres manières de soutenir l’ESS !
Comme je le disais précédemment, soutenir l’Économie Sociale et Solidaire, ce n’est pas qu’une question de sous.
Visibilité politique
D’un point de vue politique, il est également important de lui donner du poids face aux capitalistes. Or, la ministre du travail bénéficie d’une position privilégiée pour cela, autant concrètement que symboliquement !
Par exemple, inviter un ou plusieurs acteurs de l’ESS à participer à la mission « Entreprise et intérêt général », côte-à-côte avec le président du groupe Michelin et de la présidente de Vigeo-Eiris aurait envoyé un message fort !
Privatisation sous forme de SCOP
L’ESS, c’est un excellent moyen pour concilier des problématiques d’intérêt général et d’intérêt privés.
Penchons-nous en détails sur deux exemples médiatiques :
-
La privatisation de la SNCF
On en a beaucoup parlé dans les media ces derniers temps.
D’une part, certains estiment que la privatisation de la SNCF résulterait en une réelle amélioration de la qualité du service, y compris au niveau de la sécurité.
D’autre part, les opposants à la privatisation souligne le fait qu’en mettant le profit au cœur de sa démarche, la SNCF perdrait son objectif de service public, dont l’objectif n’est pas le bénéfice financier, mais le bénéfice social.
Pour ma part, j’aimerais beaucoup pouvoir lire une analyse ou avoir des avis quant à la possibilité de transformer la SNCF en une structure ressortissante de l’ESS. Par exemple, la « Coopérative des chemins de fer ».
Ainsi, l’organisme deviendrait privé, mais les propriétaires seraient les employés. Il est fort probable que des agents répartis dans toute la France soient plus conscients de la portée sociale de leur mission que des investisseurs privés déconnectés des réalités du terrain.
La ministre du travail pourrait soutenir l’ESS en la proposant comme une solution viable et consensuelle pour des problématiques nationales.
Face à une telle proposition, on se rend bien compte que l’investissement de 49 000 euros dans un fond de solidarité ne représente pas un soutient très fort.
-
Ubérisation
Le président n’a jamais caché son enthousiasme pour le modèle économique des start-ups, de type Uber ou AirBnb.
Emmanuel Macron
On le voit avec l'exemple qu'offre Uber dans la région parisienne : des gens souvent victimes de l'exclusion choisissent l'entrepreneuriat individuel parce que pour beaucoup de jeunes aujourd'hui, c'est plus facile de trouver un client que de trouver un employeurBeaucoup d’opposants estiment qu’un tel modèle économique précarise les employés en les transformant en utilisateurs, sans couverture sociale ni cotisations.
Toutefois, il est intéressant de noter qu’effectivement, ce mode de travail ouvre la porte a plus de mobilité et de flexibilité.
N’oublions pas que le salariat, s’il est aujourd’hui considéré comme une norme, peut aussi être vu comme une simple parenthèse dans l’histoire du travail.
Dennis Pennel
Dans une économie de rente comme la nôtre, il y a forcément de la résistance au changement. Chaque profession essaye de défendre ses privilèges. Mais je pense que cela va à l’encontre de l’aspiration profonde des gens, et même de l’intérêt de la nation à long terme. Car tous ces nouveaux services créent de l’emploi, et pas seulement chez les data scientists !Alors, comment concilier la protection apportée par le salariat et la flexibilité apportée par l’artisanat de masse ?
Encore une fois, l’ESS (et en particulier la coopérative) est une bonne piste de réflexion !
Prenons l’exemple de CoopCycle, une coopérative qui tente de concurrencer Deliveroo. Leur modèle permet aux employés/utilisateurs de travailler de manière autonome tout en étant responsables de la politique sociale de l’entreprise et en se partageant les bénéfices.
Je n’ai malheureusement trouvé aucune ressource illustrant la position de la ministre du travail sur la question de la coopérative pour pallier aux problèmes liés à l’ubérisation.
Face à la nation start-up, la nation ESS ?
Le président a déclaré vouloir une nation « start-up » et sa ministre du travail semble parfaite pour la mettre en œuvre.
Si son parcours jusqu’ici ne vous en a pas convaincu, n’hésitez pas à vous referrez à la liste des investissements conseillés par Business France ou à la liste des invités du fameux diner de Las Vegas.
La « Start-up nation », une notion absurde
Le mot « start-up » est beaucoup employé dans les media, surtout pour illustrer un modèle entrepreneurial idéal.
Néanmoins, beaucoup ignorent qu’elles sont les différences entre une start-up et une entreprise classique.
Petite explication, mise en parallèle avec la notion de nation :
-
« Start »
Une start-up, comme Spotify ou Dropbox, c’est une entreprise récente, basée sur une idée de produit ou service nouveau.
A l’inverse, Danone ou Dassault Systèmes (par exemple), sont des groupes issus de la fusion de plusieurs entreprises historiques. Ils ont ainsi débuté en héritant des produits, services, employés, process, finances, fichiers clients, données, images de marques, etc. de ceux qui les ont précédés.
En ce qui concerne une nation, on se rend bien compte qu’il est impossible de partir de rien. Même des pays récents, tels que le Soudan du sud ou le Kosovo, héritent des cultures, des religions ou de l’urbanisme locaux.
Pour être moins littéral, on pourrait parler de « renouveau ». Dans ce cas, l’idée correspond plutôt au programme de la France Insoumise et de leur envie d’une VIe république qu’au programme de la France En Marche.
-
« Up »
Puisqu’une start-up part de rien, il faut des fonds d’investissement financer son développement.
Ainsi, lorsqu’une personne créé une start-up, elle doit vendre son idée à des investisseurs et les séduire pour qu’ils apportent du capital au projet (qui permettra ensuite d’engager des employés, de payer des logiciels, etc.).
Dans le cadre d’une nation, l’investissement est plus complexe, puisqu’il n’y a par définition pas de dividendes.
Ces deux modèles ne partagent donc pas la même logique économique.
En outre, la réduction des impôts pour les très fortunés (et en particulier la suppression de l’ISF) vont à l’encontre de ce principe de levée de fonds pour financer une idée nouvelle.
Au contraire, la politique de précarisation et d’austérité est totalement opposée au fonctionnement d’une start-up, dont la croissance dépend directement de la quantité de fonds disponibles.
Muriel Pénicaud le dit elle-même : beaucoup de français rêvent de monter leur entreprise.
La France : une nation d'entrepreneur
La ministre du travail s'exprime à propos du rêve de beaucoup d'étudiants français : monter leur propre entreprise
Aujourd’hui, le seul modèle économique défendu publiquement par la ministre du travail est la start-up.
Pourquoi ne pas mentionner la possibilité d’être entrepreneur-salarié et ressortissant de l’ESS, dans cette vidéo ?
DEFI-Ecologique évolue dans une coopérative d’activités et d’emplois, aux côtés de plusieurs centaines d’entrepreneurs-salariés faisant plusieurs millions de chiffre d’affaire annuel ! Néanmoins, ça ne suffit toujours pas pour être considéré comme un modèle important. La France est peut-être une nation d’entrepreneurs, mais les entrepreneurs ne sont pas tous adeptes des start-ups et de la course au profit !
Pour conclure
Le parcours de Muriel Pénicaud et l’ensemble de ses prises de position indiquent clairement qu’elle ne soutient pas l’Économie Sociale et Solidaire.
Les différents scandales et les nombreux témoignages qui s’accumulent dressent le portrait d’une femme habile, intelligente, autoritaire, orgueilleuse et avare.
Espérons toutefois que ces récentes déclarations et le climat de tensions sociales lui feront considérer des alternatives et qu’elle puisse enfin voir que l’ESS peut être la réponse à de nombreuses problématiques actuelles et futures.
Le problème est avant tout politique et pas financier. Mais l’ESS est certes jeune et il peut compréhensible que des structures telles que les coopératives ne soient pas encore une évidence lorsque l’on envisage l’avenir d’une organisation. Néanmoins, le modèle de la start-up est encore plus récent !
l'ESS innove tout le temps, s'interroge, se remet en question, s'adapte au champ social ou économique, expérimente et le tout en revendiquant l'idée folle d'imaginer le travail différemment. Pas étonnant que nos politiques n'y comprennent pas grand chose, surtout quand ils sont de la trempe de madame Pénicaud.
Et pendant qu'ils déblatèrent, nous nous cherchons toujours des fonds pour changer le monde.
Et vous, pensez-vous que la ministre soutient l'ESS ou pratique la démagogie ? Vous pensez que cet article est trop dur envers elle ?
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Chaque jour, je travaille avec DEFI-Écologique en tentant de répondre à ces questions.
Aider les écologistes à transmettre leur connaissances et savoir-faire, c'est ça mon métier !
Je suis aussi militant pour Alternatiba et ANV-Cop21.
Grégoire est membre de DEFI-Écologique.
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