Le nom de Pachyrrhynchus n’est pas très facile à prononcer.
À vrai dire, la plupart des personnes sur terre peuvent vivre une vie longue et heureuse sans jamais l’avoir entendu. Il en va de même en ce qui concerne un grand nombre de groupes d’insectes.
Pour ce qui est du groupe de ce petit insecte forestier nommé Pachyrrhynchus, on ne se doute pas que derrière ce nom barbare se cache l’un des plus beaux coléoptères au monde. Il ne serait pas exagéré de les nommer « merveilles du monde naturel ».
Ce que vous allez apprendre
- Pourquoi leur couleur est si intéressante
- Comment on peut étudier
- Comment est produite la couleur dans le règne animal
- Où trouver le genre sur la planète
- Quelles sont ses particularités
Walt Disney
Rêve ta vie en couleurs, c'est le secret du bonheur !
Note : Cet article a été rédigé en anglais sous le titre « Meeting the 6-legged Jewels of Asia's forests » et traduit en français par Grégoire Llorca, de DEFI-Écologique.
Au commencement, il y avait Pachyrrhynchus
J’ai été suffisamment chanceuse pour passer deux années à étudier une sélection de la centaine d’espèces de ce genre. Je suis donc particulièrement satisfaite de constater qu’il existe maintenant un site internet les mettant sur le devant de la scène, en plus d’un e-book remplit d’illustrations !
Pour moi, le site Salagubang, administré par un philippin passionné et collectionneur de scarabées, Stanley Cabigas me remémore pourquoi je suis tombée amoureuse de ces adorables petites créatures à six pattes.
Pour toute personne le visitant, c’est une chance unique de vivre une expérience similaire !
Les charançons Pachyrrhynchus, qui n’ont pas de nom commun, se trouvent dans les forêts et les espaces sauvages, sur une bande traversant toute l’Asie du sud-est, des Îles Ryukyu au Sud du Japon et jusqu’aux Philippines.
Le nom est parfois écrit Pachyrrhynchus, et parfois Pachyrhynchus (avec un seul R). Cette ambiguïté serait un héritage de la mauvaise calligraphie ou d’une certaine paresse lors de l’écriture des étiquettes sur les échantillons d’insectes collectés il y a longtemps.
Il existe d’autres exemples d’animaux dont les noms scientifiques s’écrivent avec plusieurs orthographes, pour les mêmes raisons historiques.
Morphologie
Mais revenons-en aux charançons : ils sont larges, avec un corps grand comme un haricot blanc.
Cependant, ce sont leurs couleurs particulières et leurs motifs chargés, plutôt que leur taille, qui les rendent particuliers. Ces couleurs frappantes sont attribuables à un ensemble d’écailles vives arrangées en formation, à l’extérieur du corps du scarabée (thorax et abdomen).
N’ayant pas d’ailes, ces insectes ont des élytres fuselés (sortes d’ailes de protection), pour renforcer la protection de leurs corps.
En 1876, le célèbre naturaliste Alfred Russel Wallace , contemporain de Charles Darwin, les a décrits de manière poétique.
Alfred Russel Wallace
Elles surpassent tout ce que l’on peut trouver dans l’hémisphère Est, si ce n’est dans le monde entier !
Quelques années plus tard, il entra plus dans les détails en expliquant les raisons de leur résistance, avant d’évoquer plusieurs autres créatures ayant évolué pour mimer ces beaux scarabées.
Extrait de « An Exposition of the Theory of Natural Selection with Some of its Applications », par Alfred Russel Wallace.
Une des principales caractéristiques de cet insecte réside dans sa carapace aussi dure que légère, qui le protège efficacement de ses prédateurs. Plusieurs genres de charançons sont ainsi protégés des attaques, ce qui voit souvent la technique imitée par des espèces de groupes moins équipées et plus appétant.
Aux Philippines donc, toutes les espèces du genre Pachyrrhynchus sont ornés des couleurs métalliques des plus brillantes, bandées et mouchetées de curieuses manières, et qui sont très lisses et résistantes.
D’autres genres de charançons, qui sont généralement très différemment colorés, ont des représentants aux Philippines qui imitent les Pachyrrhynchus.
Et il y a aussi plusieurs coléoptères de longicornes qui les imitent. En outre, il existe des longicornes et des cétoines qui reproduisent les mêmes couleurs et les mêmes marques.
Il y a même un criquet (Scepastus pachyrhynchoides) qui a pris la forme et la coloration particulière de ces coléoptères pour échapper aux ennemis qui les considère alors comme immangeables.
Que de couleurs !
Beaucoup de coléoptères du genre Pachyrrhynchus ont des corps noirs ou très sombres qui contrastent avec les teintes brillantes de leur carapace. Cependant, certaines espèces comme Pachyrrhynchus gemmatus purpureus et Pachyrrhynchus regius, ont une couleur de fond unie et métallique à leur tête, thorax, abdominaux et jambes.
Leurs antennes partagent ce brillant des plus attrayants. En réalité, à la loupe, ils ressemblent presque à de petits coléoptères-robots métalliques.
La belle apparence de ces créatures n’est pas limitée à l’œil nu : un examen approfondi de leurs écailles révèle une géométrie magnifique, presque architecturale, visible uniquement à l’aide d’un microscope électronique.
La taille et la forme très précises de cette architecture en écailles est une merveille biologique, car elle produit une forme complexe d’interférences lumineuses, filtrant toute la lumière qui atteint le corps des insectes et reflétant certaines couleurs (ou longueurs d’onde) de la lumière, tout en permettant à d’autres de traverser sa structure en étant simplement absorbées par des pigments.
Les couleurs que l’on peut voir en regardant ce coléoptère sont le résultat de ce processus réfléchissant.
Ceux qui ont des structures qui reflètent la lumière bleue et qui permettent aux autres longueurs d’ondes de les traverser ou de se faire piéger dans leurs structures microscopiques apparaissent bleus à l’observateur.
Ceux qui reflètent la lumière rouge apparaissent rouges, et ainsi de suite !
Afin de les examiner, il est possible d’enlever une par une les écailles de ces insectes, une fois morts, et ce avec une lame de rasoir et une pince à épiler.
Ce faisant et en éclairant les écailles individuellement, en les examinant sur un fond sombre, la lumière se réfléchit, permettant de mieux étudier le phénomène.
Puisque que la couleur est quelque peu subjective, l’étude scientifique implique l’utilisation d’instruments tels que les spectromètres, pour donner une lecture universelle et objective des différentes longueurs d’ondes (ou des couleurs) reflétées par les échelles.
Nous avons tendance à parler d’un scarabée reflétant une lumière de « 590 à 600 nanomètres », par exemple, plutôt que de l’appeler « orange », bien qu’il s’agisse radicalement de la même chose.
En quoi ces couleurs sont-elles intéressantes ?
A ce stade, on peut se demander en quoi la recherche sur ces coléoptères peut être intéressante.
Qui se soucie de la couleur qu’ils ont ou de leur localisation géographique avant qu’ils soient collectés, étiquetés et épinglés dans un tiroir avec plusieurs centaines d’autres au milieu de quelques boules de naphtaline ?
La réponse réside dans le fait que diverses industries et entreprises ont un fort intérêt pour les couleurs naturelles.
Il a par exemple été suggéré que certaines couleurs naturelles puissent être utilisées pour remplacer les colorants très toxiques actuellement utilisés dans l’industrie du vêtement.
De même, la coloration inspirée par des organismes vivants a été utilisée pour certains papiers, billets de banque, verres spécialisés et peintures de camouflage pour du matériel militaire, tel que les avions.
À l’origine des couleurs
Nous avons tendance à penser que la couleur est produite par des pigments ou, à la limite, par une bioluminescence naturelle (dans le cas des lucioles et des vers luisants). Mais il existe un troisième mécanisme, « structurel », par lequel la nature produit de la couleur.
En clair, il s’agit de structures strictement régulières et constituées d’un matériau qui serait transparent s’il était juste dans un bloc solide, prises indépendamment l’une de l’autre.
Mais quand la forme agglomérée de ces structures a exactement les bonnes dimensions, elle peut provoquer des interférences entre les ondes lumineuses qui l’illuminent ou plus simplement filtrer certaines longueurs d’ondes lumineuses (couleurs) à défaut d’autres.
Ce mécanisme est ce qui provoque la couleur argentée de la peau de poisson, le bleu de la queue d’un paon et l’éclat irisé d’un boa arc-en-ciel.
Les couleurs de fond d’un boa arc-en-ciel, un motif orange et brun, sont produites par des pigments. Mais l’irisation est due à une structure microscopique dans les écailles du serpent.
La couleur bleue vive de certains animaux peut également être le résultat d’un autre type de structuration de la couleur. Des créatures, comme la tarentule bleue bolivienne, Pamphobeteus antinous, sont connues pour avoir des poils qui ont précisément la forme et la taille appropriées pour produire leur teinte bleue vive distinctive.
Il est assez inhabituel de trouver des insectes avec une coloration structurelle orange, les bleus, les verts et les violets étant beaucoup plus fréquents. En général, les couleurs orange et jaune dans le monde naturel sont le plus souvent le résultat de pigments et de produits chimiques, comme les caroténoïdes qui donnent aux feuilles d’automne leur couleur distinctive.
La couleur chez Pachyrrhynchus
Ainsi, des exemples de couleur structurelle orange comme celle trouvée dans Pachyrrhynchus congestus pavonius sont assez rares.
Le genre Pachyrrhynchus va encore plus loin, bien sûr, lorsque l’on considère que ses différentes espèces produisent toutes sortes de couleurs structurelles, du rouge au bleu avec des effets mats et brillants en prime.
Les motifs complexes trouvés sur les coléoptères du genre Pachyrrhynchine sont également intéressants du point de vue du développement génétique.
Comme les papillons et certains serpents, ils comprennent des espèces ayant des anneaux multiples et d’autres motifs de surface complexes.
La formation de ces motifs dépend de gènes spécifiques, qui sont « activés » et « désactivés » à des points critiques lors de la croissance et du développement de l’animal, un processus biologique relativement complexe.
Le Pachyrrhynchus source d’inspiration, mais où ?
Le fait que tant d’autres insectes imitent les coléoptères Pachyrrhynchus est également source d’intérêts, car le fonctionnement du mimétisme est un sujet de fascination depuis que les premiers imitateurs ont été découverts.
Lorsque je menais mes recherches sur le sujet, il n’était pas légal d’importer des coléoptères Pachyrrhynchus au Royaume-Uni (même à des fins de recherche) à cause des règles et règlements douaniers de ce qui est maintenant le ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires Rurales (DEFRA).
Par conséquent, ces créatures, aussi charmantes soient-elles, ne feront pas partie du commerce des animaux de compagnie avant longtemps.
Certains spécialistes des insectes vendent des spécimens morts qui font la joie des entomologistes amateurs. Une solution beaucoup plus respectueuse des insectes consiste à collecter leurs images…
Pour ceux qui vivent là où l’espèce évolue ou pour ceux qui peuvent s’y rendre, il y a aussi la possibilité d’aller observer les Pachyrrhynchus.
Dans les coulisses du Musée d’Histoire Naturelle de Londres et du Musée d’Histoire Naturelle de l’Université d’Oxford se trouvent également des collections de taille respectable.
Comment étudier Pachyrrhynchus ?
Pour mon propre travail, j’ai importé beaucoup d’insectes morts de divers fournisseurs et les ai comparés aux spécimens de musées et aux descriptions originales datant des premières descriptions de ces espèces.
Les livres d’histoire naturelle de l’époque victorienne et édouardienne sont célèbres pour leurs belles illustrations et les articles décrivant ces insectes ne font pas exception, ce qui m’a bien aidé.
Deux scientifiques relativement inconnus, appelés W. Schultze et Tadao Kano, ont consacré des années de leur vie à une étude passionnante et minutieuse de ces animaux.
Les articles du Dr. W. Schultze étaient particulièrement attrayants avec des illustrations immaculées réalisées par un certain Max Bohme.
Lorsque j’ai parcouru son travail, j’ai trouvé ses articles liés en gros volumes de journaux poussiéreux, pour la plupart avec seulement une ou deux copies de ces volumes dans tout le pays.
D’un côté, c’était triste : un véritable trésor exposé page après page, en descriptions précises et belles illustrations faites à la main, qui restaient intactes depuis près d’un siècle.
De l’autre, c’était plutôt encourageant de se dire que, même après tout ce temps, le travail du Dr. W. Schultze est encore utile à la science moderne.
Depuis ces premiers travaux, le monde a changé à bien des égards.
Répartition et évolution de l’espèce
Au début de mes études sur ces animaux, j’ai trouvé des descriptions d’un certain nombre d’espèces provenant d’un endroit appelé « Kotosho ».
Puisque les espèces apparentées ont été trouvées dans les îles Ryukyu au Japon, j’étais convaincue qu’elles devaient être des espèces japonaises.
Mais à l’époque, il n’y avait aucune référence à « Kotosho » sur internet et aucune de mes cartes n’indiquaient cet endroit.
En fin de compte, j’ai cru qu’il s’agissait d’une très petite île de Ryukyu, trop petite pour figurer sur les meilleures cartes locales.
J’ai contacté l’ambassade japonaise de Londres, les offices du tourisme du Japon et d’autres structures pour voir si quelqu’un pouvait m’éclairer. Il s’avère que j’avais tort.
Quelques jours après mes prises de contact, un e-mail très poli et utile (et quelque peu timide) est arrivé dans ma boîte de réception, indiquant que Kotosho, désormais appelée « Lan Yu » ou « l’île aux orchidées » avait été militairement conquise par le Japon pendant une période entre les XIXe et XXe siècles et qu’elle appartient désormais à Taïwan.
La période de la domination coloniale japonaise coïncide avec le moment précis où ces espèces ont été le plus activement décrites et collectées, avec le plus grand soin.
Cependant, ce n’est pas seulement la géopolitique qui a changé les choses en matière de connaissance de ces espèces.
Nous avons désormais des outils d’analyse qui vont bien au-delà de tout ce que les Dr. W. Schultze ou Kano auraient pu imaginer lorsqu’ils regardaient les échantillons de leur musée ou se promenaient sur Kotosho, cherchant des scarabées dans les jungles humides de l’Empire du Japon.
Une autre triste vérité est qu’aujourd’hui, nous ne savons pas si certaines de ces espèces ne sont pas tout simplement éteintes.
Le paysage et l’écologie d’une grande partie du Japon, de Taïwan et des Philippines ont radicalement changé depuis le début du XXe siècle.
Une déforestation massive et la croissance de la population, associée à une forte industrialisation, ont certainement joué le rôle que l’on sait.
Pour conclure
Il est tout à fait possible que certaines des espèces Pachyrrhynchus, tant aimées par les Dr. Kano, Schultze et Russel Wallace soient déjà éteintes.
Cependant, si certaines espèces de Pachyrrhynchus ont déjà été perdues, nous pouvons au moins nous réconforter en sachant que d'autres sont toujours là et sont immortalisées en vidéo.
Grâce aux photographies et au travail réalisé sur le site Salagubang, tout un chacun peut désormais jouir de ces superbes insectes.
Pour vous quelles sont les plus belles couleurs du règne animal ?
CommenterAssurez-vous que votre démarche éco-responsable soit comprise et accessible à tous
Contenus sourcés et médiation
Expertise et qualité des contenus
Accessibilité et démarche pédagogique
Valorisation de l'altruisme de votre démarche
Synthèses et objectifs
Les spécialistes du sujet sont sur vos réseaux sociaux préférés
OPIE
Micropolis la cité des insectes
La Citadelle de Besançon
Gembloux Agro-Bio Tech
Victoria Neblik
Auteur Scientifique
Dr. Neblik est une ancienne Maître de Conférences en Communication Scientifique et chercheuse biologiste à l'université d'Oxford.
La majorité de ses recherches concernent les insectes et leur coloration. Plus récemment, elle a diversifié ses centres d’intérêts.
Elle travaille maintenant comme auteur scientifique tout en vivant à Jérusalem.
Laisser un commentaire