Les piqûres d’araignées n’existent pas : explications sur la fin d’un mythe

Nous aurions bien voulu vous parler de la « mygale aux hanches rouges » (qui enrichit la pharmacopée des villageois et les débarrasse des blattes et autres scorpions, comme l’explique brillamment Yann Hénaut dans le numéro 19 d’Espèces).

Nous pourrions également évoquer le comportement de reproduction chez ces arthropodes, mais non… Il semblerait qu’encore un peu de pédagogie en matière d’arachnophobie soit de mise, comme le développement de notre banc Refuge nous le prouve au quotidien avec des questions souvent ubuesques.

Ainsi soyons clair : les piqûres d’araignées cela n’existe pas.

Ce que vous allez apprendre

  • Pourquoi les araignées ne peuvent pas piquer
  • Quelle est la place des araignées dans nos écosystèmes
  • Comment les araignées peuvent nous aider
Jonathan Swift
Les lois sont semblables aux toiles d'araignées, qui attrapent les petites mouches, mais laissent passer guêpes.

Araignée : animal à 8 pattes

Schéma descriptif d'une araignée
Schéma descriptif d'une araignée Malik

Apparues sur terre il y a plus de 305 millions d’années, les araignées (Araneae) constituent la majeure partie des arachnides, aux côtés des acariens et des scorpions.

On compte actuellement environ 46 000 espèces dans le monde, dont 1 600 françaises.

Huit pattes, un abdomen et un céphalothorax les caractérisent autant que leur glande à venin directement liée à leurs crochets.

À l’exception d’une seule espèce connue d’araignée herbivore (Bagheera kiplingi), les araignées sont carnivores, se nourrissant principalement d’autres arthropodes.

Leurs techniques de chasses sont souvent impressionnantes de technicité, entre toiles tendues pouvant prendre de nombreuses formes de tissages, et autres pièges, affûts, chasse collective ou encore lancé de toile, comme dans la vidéo ci-dessous.

Technique de lancée de toile d'une araignée Deinopis

Araignée Deinopis lançant sa toile sur une proie

Regarder la vidéo sur YouTube

On a longtemps cru que les araignées étaient uniquement solitaires, la vérité est à nuancer. Plusieurs espèces se réunissent en colonies sociales (temporaires ou non) que ce soit pour chasser, élever les petits, se protéger mutuellement ou pour fabriquer et exploiter une toile commune.

En France, seule une seule araignée est considérée comme dangereuse : la veuve noire qui vit en Corse et sur le pourtour méditerranéen.

Pourquoi les piqûres d’araignées sont-elles un mythe ?

Chélicères d'un cadavrede Segestria florentina
Chélicères d'un cadavrede Segestria florentina Lamiot

Morphologiquement, les araignées ne sont pas dotées d’organes « piqueurs ».

En somme, rien qui puisse ressembler de près ou de loin à un dard ou autre rostre.

Sémantiquement et biologiquement, les piqûres d’araignées sont donc un mythe.

Par ailleurs, les araignées sont munies de chélicères (crochets) reliées à une glande à venin qui ne leur sert qu’à immobiliser ou prédigérer une proie.

On parle donc là d’un organe dont le but n’est ni d’attaquer, ni de se défendre, mais avant tout d’un moyen de se nourrir.

Il faut également noter que, pour les rares cas où l’araignée est suffisamment taquinée pour se sentir acculée au point de mordre, encore faut-il qu’elle soit capable de transpercer la peau. Beaucoup en sont tout bonnement incapables.

Toujours est-il que les cas avérés de morsure d’araignées sont rarissimes et, quoi qu’il en soit, largement moins fréquents que les orteils cognés dans un montant de lit !

Ajoutons à ceci une notion de perception. Si les araignées ont très certainement et pour beaucoup une vue panoramique du fait de leur œil composé (yeux à facettes), ce sont surtout les sens de l’odorat et du touché qui sont développés chez elles.

Une araignée ne comprendra donc pas qu’elle se trouve sur le bras d’un caucasien arachnophobe de 35 ans qui hurle et va l’écraser sous peu !

Elle restera certainement sur place comme elle le resterait sur n’importe quel animal de passage ou substrat mouvant, qui n’est autre que son milieu de vie habituel.

Araignée sur peau humaine
Araignée sur peau humaine Clandestino

Il faut entendre par là que, si nous avons conscience de l’araignée qui nous grimpe sur la jambe en quête d’un endroit où tendre sa toile, elle ne voit quant à elle qu’un support pour sa toile ou un quelconque animal sur lequel elle ne fait que passer.

Ce constat est quelque peu réducteur au regard des capacités sensorielles de nombreuses espèces d’araignées, mais reste vrai si l’on essaye un tant soit peu de se mettre à la place de ces animaux.

Sans faire d’anthropomorphisme déplacé, la question de la capacité d’une araignée à comprendre que vous êtes un jardinier amateur et de son intérêt à essayer de dévorer un être humain est une bonne piste de réflexion…

Des piqûres d’araignées à l’auxiliaire de vie

Toile d'araignée sur maison
Toile d'araignée sur maison pys82

Chasseuses par essence donc, les araignées se nourrissent de pléthore d’insectes contre lesquels nous pouvons pester au quotidien.

Une toile d’araignée, petit chef d’œuvre architectural conçu pour transmettre un maximum d’informations à sa propriétaire, piège tout ce qui vole et qui a une taille adéquate.

En cela, et pour ne citer qu’eux, les moustiques de tous genres ne font pas exception. Ainsi, laisser une toile d’araignée dans un coin de votre pièce plutôt que de « nettoyer », c’est laisser une place à une auxiliaire de vie qui remplira plus sûrement et plus écologiquement son office dans la lutte anti-moustiques que les plugs branchés sur une prise électrique, bougies parfumées à la citronnelle en provenance de Chine et autres produits chimiques.

Bien sûr, cela peut sembler étrange d’inviter de tels animaux chez soi.

Il n’y a pas si longtemps, on pensait également que seul ce qui se mange ou est « beau » a sa place au potager. Et pourtant, de plus en plus de gens comprennent désormais qu’il faut savoir y laisser sa place à la Nature pour quelle nous le rende bien.

Alors, pourquoi ne pas laisser vivre les araignées ?

Comment relativiser votre peur des araignées ?

Épeire diadème sur feuille
Épeire diadème sur feuille Thomas Bresson

Prenons en exemple l’Épeire diadème (Araneus quadratus), araignée relativement grosse en comparaison des autres espèces présentes sur notre territoire. Son poids est de 1,1 gramme.

Le poids moyen d’une femme française étant de 62,4 kilogrammes, soit 62 400 grammes, une femme serait donc 56 364 fois plus lourde qu’une de nos grosses araignées françaises.

Prenons le raisonnement à l’inverse : une femme française se retrouve face à quelque chose qui soit aussi imposant qu’elle l’est pour une Épeire diadème. Ce quelque chose pèserait donc 3 517 tonnes.

À la louche, un peu moins d’une demie Tour Eiffel.

Difficile de croire que, se faisant attaquer par une demie Tour Eiffel, le premier réflexe soit de la mordre, si ?

François Mauriac
Nous tissons notre destin, nous le tirons de nous comme l'araignée sa toile.

Impact écosystémique

Toile d'araignée en plein champ
Toile d'araignée en plein champ Nidan

Les araignées, de par leur nombre et leur voracité (qui les voient consommer entre 10% et 100% de leur poids en proies, chaque jour), ont indéniablement un rôle majeur dans nos écosystèmes.

Pour mieux comprendre leur place dans nos écosystèmes il suffit de les regarder à l’aune de la biomasse qu’elles représentent.

Une étude intéressante sur le sujet est arrivée à la conclusion que toutes les espèces d’araignées réunies pèseraient 25 millions de tonnes. Pour comparer, nous autres êtres humains pesons 285 millions de tonnes (soit seulement dix fois plus).

À contrario nous consommerions environ 400 millions de tonnes de viandes et de poisson alors que les araignées, d’après cette même étude, consommeraient entre 400 et 800 millions de tonnes !

Il n’y a qu’un pas pour comprendre alors que l’impact sur notre vie de tous les jours et surtout sur nos agrosystèmes est réel.

Charançons, pucerons en dispersion et tellement d’autres espèces considérées comme ravageurs de nos cultures sont ainsi régulées sans même avoir à lever la patte.

Pour conclure

Les piqûres d’araignées existent aussi sûrement que le dahu !

Les morsures d’araignées sont tout simplement rarissimes au regard, par exemple, des plus de 200 millions de cas de paludisme dus aux piqûres de moustiques.

Laissons tranquille ces animaux fascinants et arrêtons de faire perdurer cette image, somme toute basique, d’un animal qui a une place importante dans le règne du vivant.

La transition écologique est aussi affaire de conscience et de connaissances. La connaissance nous l’avons, faisons évoluer notre conscience !

Portrait de l'auteur

Ceux d'entre vous qui possèdent un élevage pourraient peut être nous en dire plus sur leur reproduction ?

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Julien Hoffmann

Rédacteur en chef — DEFI-Écologique

Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.

Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.

 Julien est membre de DEFI-Écologique.

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11 réponses à “Les piqûres d’araignées n’existent pas : explications sur la fin d’un mythe”

  1. tout à fait d’accord, toutefois quelques précisions s’imposent: chez nous les espèces du gendre Cheirachantium ont d’assez grandes chélicères pour percer la peau et ça fait mal. l’Argyronète cette extraordinaire araignée aquatique mord très bien. et même cette indolente épeire fasciée peut mordre sans conséquence toutefois. Bon faut vraiment la faire chier! n’oublions pas plus sérieux les espèces exotiques dans le sud de la France et là ça peut être sérieux: la « veuve noire » espèces du genre latrodectus, et la Segestrie nouvellement arrivée. Voilà pour être complet et oui j’adore les araignées et elles sont passionnantes à étudier Jean

    • Bonjour, Et merci pour votre intervention tout à fait utile ! Si je n’en ai pas fait mention ici c’était avant tout pour aller dans le sens du titre et arrêter avec le sensationnalisme. Quelques espèces dans des milieux spécifiques ne doivent pas, à mon sens, faire l’image de toute une famille. J’imaginais plus un article à part pour les personne plus au fait, peut être souhaiteriez-vous vous lancer dans l’exercice d’ailleurs ?

  2. un de mes patients m’a raconté qu’en ramassant des fraises, une araignée s’est jetée sur sa main et qu’il a ressenti une vive brûlure, puis dans les 10 secondes, une rougeur est apparue. l’araignée portait m’a t-il dit une croix blanche sur le dos (épeire diademe probable) qu’en pensez vous.

    • L’épeire diadème peut mordre effectivement, mais c’est non seulement très rare (à ma connaissance, seuls les personnes qui élèvent ces araignées pour le plaisir sont au fait) mais surtout ce n’est pas une douleur « vive »… On est très loin de la douleur d’une piqûre d’abeille pour exemple.

    • Il est vrai que l’on pourrait peut-être les citer encore faudrait-il toutes les connaître. Si vous avez des noms, la délation serait bien venue 🙂

  3. Bonjour et merci pour cet article qui peut aider bien des personnes. J’avais remarqué que la plupart des peurs viennent d’une méconnaissance et donc des risques réels. Pour ma part, je m’intéresse aux insectes en général mais aussi aux araignées, j’ai quelquefois été mordu par des araignées sauteuses en particulier en photographiant des fleurs en mettant le genou au sol mais rien de douloureux juste des réactions cutanées de petits boutons sur une surface allant jusqu’à une demi main. Nous avons quelques araignées du genre pholque chez nous qui vivent grâce aux moucherons et drosophiles.

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