Des salades mangeuses de limaces ? Découvrez les plantes carnivores !
Rédacteur en chef — DEFI-Écologique
Elles chassent, digèrent, développent des armes, s’adaptent à des milieux particulièrement pauvres… Les plantes carnivores, bien sûr !
Toutes les espèces de plantes carnivores mériteraient un article dédié pour donner la mesure de ces incroyables plantes. Un spécialiste en la matière s’y attellera peut être un jour mais, en attendant, abordons ici cette grande famille de plantes et ses capacités d’adaptations étonnantes.
Ce que vous allez apprendre
- Comment les plantes carnivores digèrent
- De quels pièges elles se sont munies pour chasser
- Comment les plantes carnivores seraient apparues
François Moreau
L'instinct du chasseur : prévoir l'intention immédiate de l'adversaire afin de conserver l'avantage de l'offensive.
Pourquoi les plantes carnivores n’ont-elles pas choisi le véganisme ?
La quasi-totalité des plantes carnivores, quelles qu’elles soient, se retrouvent dans des milieux particulièrement pauvres en nutriments. Quand la nourriture disponible est maigre, voire quasi inexistante, il faut bien développer une stratégie pour s’en procurer.
On peut aisément comprendre que l’élevage paraissait trop abstrait aux premières pionnières de cette belle famille qu’est celle des plantes carnivores, mais pourquoi pas la chasse ?
Et le temps remplit alors son œuvre, voyant apparaître bien des dispositifs différents, souvent très ingénieux, pour leur permettre de capturer des proies, mais aussi pour les digérer.
La digestion, justement, se fait à l’aide d’enzymes sécrétées par la plante dès la capture d’une proie. Ces enzymes, relativement proches de celles que nous utilisons nous-mêmes pour notre digestion, varient selon l’espèce et vont permettre d’absorber la proie en quelques heures… Ou plusieurs semaines !
Si la durée de la digestion varie selon la nature et la taille de la proie capturée (un gecko ne vaut pas une blatte), il est cependant rare que la chitine des insectes soit digérée. Si elle l’est ce n’est que grâce à l’action de microbes présents dans le piège, mais sans garantie que la plante l’ait réellement absorbée.
La spécialisation par la fourchette
Petits insectes, bien sûr, araignées, mais aussi grenouilles, daphnies ou même petits rongeurs sont autant de proies potentielles pour les 680 espèces de plantes carnivores actuellement connues à travers le monde.
Ce que l’on sait moins c’est qu’une bonne part d’entre elles ont également besoin de capturer des grains de pollens et autre débris végétaux pour arriver à équilibrer leurs menus.
Et oui, dans un milieu pauvre il ne faut pas gâcher… Même soi-même ! En effet, avant d’abandonner une feuille à sa fin de vie de décomposition, une plante carnivore va en tirer un maximum de ses constituantes.
Ainsi, avant de laisser tomber une feuille trop vieille, une drosera tirera jusqu’à 80% de son NPK (azote, phosphore, potassium) avant d’abandonner sa feuille sénescente.
Sans entrer dans les détails des différentes classifications des plantes carnivores, il est tout de même intéressant de voir la capacité de cette famille à développer différents types de pièges pour différents types de proies.
Ambrose Bierce
Carnivore : qui s'adonne à l'action cruelle de manger l'infortuné végétal, ainsi que ses usufruitiers et continuateurs.
Piège à mouche Venus
Sir David Attenborough nous présente certaines des plantes carnivores les plus célèbres, en action !
Voici quelques genres de plantes carnivores qui regroupent tous les types de pièges que l’on peut trouver dans cette grande famille :
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Les Utriculaires sont spécialisées dans les milieux aquatiques et, si elles ont besoin d’équilibrer leur alimentation par la consommation de pollens, elles se nourrissent pour moitié de copépodes, daphnies et autres protozoaires.
Ce genre a choisi le piège actif (qui bouge) sous forme de petites poches ou outres quasi transparentes qui aspirent les proies en utilisant un système de pression et dépression à l’aide d’un clapet.
Des poils sensitifs placés devant indiquent à la plante qu’une proie est prête à être piégée.
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Les Népenthes, les Dorlingtonia et les Sarracenias ont opté pour le piège passif (immobile, en comparaison au piège actif) sous forme d’ascidie, un tube plus ou moins long et large qui se remplit d’eau et permet à la plante de digérer les proies qui s’y noient et ne peuvent en ressortir.
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Les Droseras et les Pinguiculas (également nommées Grassettes) ont pris le parti du piégeage actif avec de petites gouttes le long de leurs feuilles et faisant office à la fois de glue et de substance attractive.
Une fois la proie prise au piège, la feuille et la tige s’enroulent sur la malheureuse proie qui n’a alors plus aucune chance de s’en sortir.
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Les Genlisea se nourrissent de protozoaires, soit sous terre, soit en milieu aquatique et ont développé pour cela un système de pièges en tire-bouchon.
Ces derniers sont constitués de longs filaments torsadés et creux qui capturent ces petits organismes souvent unicellulaires que sont les protozoaires.
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Les Dionées sont certainement les genres de plantes carnivores les plus connues, surtout grâce à leur impressionnant piège à mâchoires, appelés aussi « piège à loup ».
Ce piège fonctionne avec la stimulation de 3 cils qui indiquent à la plante la présence d’une proie dès que 2 cils sont touchés dans un intervalle court.
Les Aldrovandas ont exactement le même mode de fonctionnement mais sont moins connues. Et pourtant, elles disposent du même type de pièges, mais incroyablement plus petits et munis de 20 cils cette fois.
À la différence que ce piège se ferme en seulement un cinquantième de seconde, ce qui n’est autre que le mouvement végétal le plus rapide au monde.
Les plantes d’appartement
Jean-Marie Pelt
Faute de pouvoir suffisamment fréquenter la nature, nous l’attirons à nous. Les plantes peuplent aujourd’hui serres et appartements, qui deviennent autant de laboratoires de la nature dans lesquels les carnivores ont leur place.
Curiosité, outil pédagogique, photo macro, beauté de la plante et même, efficacité contre les petits indésirables à ailes de vos lombricompostes : les plantes carnivores méritent un peu d’attention mais vous le rendront bien.
Elles ont un mode de fonctionne si particulier dans le règne du vivant qu’elles vous interrogeront autant qu’elles vous fascineront.
L’origine des plantes carnivores
Dans un milieu dont les disponibilités en minéraux sont très basses, l’apport de nutriments extérieurs au biotope, comme peuvent l’être les insectes, est un moyen de compenser la pauvreté relative des lieux.
C’est certainement pour cette raison que ces plantes sont devenues carnivores, même si le mécanisme évolutif n’est pas encore connu exactement.
La théorie la plus plausible actuellement met en rapport les plantes carnivores utilisant des « colles » comme moyen de chasse avec les plantes glutineuses qui collent elles-aussi, mais sans tuer, uniquement pour se défendre (aulne glutineux, géranium, tabac, etc.).
L’apparition des plantes carnivores se situerait quelque part entre les deux, tout du moins pour une bonne part d’entre elles.
Reste alors la question d’un patrimoine génétique à l’image des milieux dans lesquels ces plantes évoluent : très pauvre. Certaines représentantes de la famille ont même décroché des records mondiaux !
Peut-être que les recherches à venir nous en diront plus sur les origines de ces espèces que Linné appelaient alors des « miracles de la nature » et qui eurent même droit à un ouvrage de Charles Darwin pour elles toutes seules.
Les tourbières
Si le milieu de vie de ces plantes est très particulier, il est également très menacé. Les tourbières sont des lieux privilégiés pour bien des espèces souvent inféodées à ces milieux.
Or, depuis plusieurs décennies, ces milieux sont soumis à un rythme de disparition incroyable, souvent au profit d’une activité humaine qui ne fait pas état de leur qualité biologique.
Plus de la moitié des tourbières aurait ainsi disparu depuis la moitié du XXe siècle en France.
Désormais plus au fait de l’intérêt écosystémique des tourbières (filtration naturelle des eaux, indicateur de réchauffement climatique, etc.), de nombreux dispositifs voient le jour.
Si c’est là une excellente chose, qui nous donne le sourire, on regrette néanmoins que leur protection soit davantage basée sur un intérêt anthropomorphique que pour ce qu’ils sont intrinsèquement : des milieux naturels peu courants et particulièrement foisonnants de vie, méritant largement qu’on leur laisse une place.
Pour conclure
Avec ce simple survol des plantes carnivores, on comprend bien qu’il y a beaucoup à apprendre sur cette famille.
Sans forcément parler des Nephentes rajah, mangeuses de rats, ou de toutes les espèces que l’on peut trouver près de chez nous, la seule façon dont ont été et sont encore perçues ces plantes est tout bonnement fascinante.
Vous avez déjà eu une expérience de terrain avec un plante carnivore ?
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Julien Hoffmann
Rédacteur en chef — DEFI-Écologique
Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.
Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.
Julien est membre de DEFI-Écologique.
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