Arribada : la ponte des tortues olivâtres est là !
Jean-Olivier Pichot du Mezeray
Chargé d'études biodiversité
Chaque année au Costa Rica, sur plusieurs plages de la côte Pacifique, au moins une fois par saison de ponte, des dizaines de milliers de tortues olivâtres (Lepidochelys olivacea) se regroupent dans l’océan.
Selon le calendrier lunaire, elles entament ce magique et incroyable événement appelé « Arribada ».
Ce que vous allez apprendre
- Quelle est la biologie de l’espèce
- Comment elle se reproduit
- Qu’est-ce que l’Arribada ?
- Les menaces qui pèsent sur l’espèce
Jean-Olivier Pichot du Mezeray
Le nombre impressionnant de tortues olivâtres qui viennent pondre sur les plages du Costa Rica ne doit pas nous faire oublier que cette espèce fait face à de graves menaces.
Biologie de l’espèce
De son nom scientifique Lepidochelys olivacea, elle fait partie de la famille des Cheloniidae et doit son nom à la couleur vert olive à ocre brun de sa carapace.
Elle est présente dans tous les océans tropicaux, dans les eaux intertropicales et, selon le statut UICN, elle est classée comme vulnérable.
La tortue olivâtre est parmi les tortues les plus petites en taille comparée à une tortue luth ou verte mais elle n’en est pas moins fascinante et impressionnante quand on la rencontre sur la plage. Sa dossière (carapace) mesure de 55 à 70 centimètres de long pour un poids d’environ 45 kilogrammes.
Son régime alimentaire est varié (omnivore) : méduses, mollusques, crustacés, poissons, algues et autres végétaux marins.
Principalement pélagique (de haute mer), elle peut plonger jusqu’à 150 mètres de profondeur pour chasser des invertébrés benthiques (qui vivent au fond des océans).
Proverbe Zen
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La reproduction chez la tortue olivâtre
Sa maturité sexuelle est atteinte vers l’âge de 15 ans. Les femelles pondent chaque année, deux fois par saison, entre 80 et 100 œufs : l’incubation dure généralement 45 jours.
À l’arrivée sur la plage, la femelle se met à la recherche du meilleur endroit pour déposer ses œufs dans le sable.
Ce processus de ponte se déroule en plusieurs étapes :
- D’abord la femelle va remonter la plage de l’eau vers la partie haute.
- Puis une fois l’endroit pour le nid choisi, elle va nettoyer la zone et commencer à creuser avec ses nageoires arrière (le nid de cette espèce a la forme d’un champignon renversé).
- Enfin elle va pondre et une fois terminé, recouvrira le nid pour le camoufler avant de repartir vers la mer.
L’ensemble dure entre 30 et 45 minutes.
L’Arribada, c’est quoi ?
La tortue olivâtre possède l’une des habitudes de nidification les plus extraordinaires dans le monde naturel.
De grands groupes de tortues se rassemblent au large des plages. Puis, tout à coup, un grand nombre de tortues débarquent et nichent lors de ce que l’on appelle une « Arribada ».
Au cours de ces Arribadas, des centaines de milliers de femelles débarquent pour pondre leurs œufs. Sur de nombreuses plages de nidification, la densité est telle que les couvées déjà posées sont recreusées par d’autres femelles pour y pondre leurs propres œufs.
Il existe de nombreuses théories sur ce qui déclenche ce phénomène y compris les vents offshores, les cycles lunaires et la libération de phéromones par les femelles. Malgré ces théories, les scientifiques n’ont pas encore déterminé les indices réels de ce qui provoque cet évènement incroyable.
Ce comportement est unique chez le genre Lepidochelys : les tortues Kemp et les tortues olivâtres. Bien que d’autres tortues aient été documentées comme nichant en groupes, aucune autre tortue (marine ou non d’ailleurs) n’a été observée nichant de manière aussi synchronisée et en aussi grand nombre.
Une structure pour gérer le suivi
J’ai réalisé une mission au sein de la structure Turtle Trax pendant 6, en tant qu’assistant de recherche sur la conservation des tortues marines du Costa Rica.
Turtle Trax S.A. est une SARL contractée par CREMA (anciennement PRETOMA, moins de 10 salariés) pour gérer tous les bénévoles internationaux et nationaux qui souhaitent travailler aux côtés de CREMA sur l’une de leurs quatre plages de nidification, protégeant les tortues marines de la côte du Pacifique du Costa Rica.
CREMA est une ONG à but non lucratif du Costa Rica fondée en 2012. C’est un organisme de conservation et de recherche en milieu marin qui s’emploie à protéger les ressources océaniques et à promouvoir des politiques de pêche durable au Costa Rica et en Amérique centrale.
Un suivi de l’espèce pour comprendre et entreprendre
Le programme de conservation des tortues marines Turtle Trax gère quatre sites de nidification (Corozalito, Bejuco, San Miguel et Costa de Oro) situés sur la côte Pacifique.
Chaque nuit durant trois heures de patrouille, les œufs pondus sont récupérés pour être ramenés à l’écloserie présente dans le village. Chaque œuf est méthodiquement placé selon un protocole reproduisant un nid à l’état naturel.
Il faut à peu près 50 jours pour voir les œufs éclore et les bébés tortues sortir du nid. Ils passeront alors de l’écloserie à la nurserie.
Lorsque que des traces de tortues au sol sont observées, on remonte le long des traces jusqu’au nid : deux traces indiquent que la tortue a fini de pondre et est retournée à la mer. Une seule trave permet de remonter jusqu’à la tortue en train de pondre mais doit se faire avec prudence pour ne pas la déranger.
Chaque tortue rencontrée est inspectée puis les œufs sont collectés dans un sac, la carapace de la tortue est mesurée en longueur et largeur de même que la profondeur du nid.
Enfin, après 60 à 70 œufs pondus, la tortue est baguée sur chaque nageoire postérieure avec un code unique permettant de la suivre.
Toutes les informations utiles à leur suivie sont alors notées (numéro de bague gauche et droit, traces de bagues antérieures, cicatrices, nombre d’œufs, etc.) et répertoriées.
Jean-Olivier Pichot du Mezeray
Les principales menaces pesant sur la tortue olivâtre sont d'ordre anthropique
Les menaces qui pèsent sur l’espèce
Les principales menaces pesant sur la tortue olivâtre sont d’ordre anthropique (humain) :
Les captures accidentelles dans les chaluts sont certainement la première d’entre-elles.
De même, les chiens errants sont responsables chaque année de la destruction de centaines de nids et de milliers de nouveau-nés sans compter la mort de dizaines de femelles.
L’urbanisation des sites de ponte induit également des menaces comme la pollution lumineuse, la circulation motorisée sur les plages ou bien encore les enrochements pratiqués par les riverains pour se défendre de l’érosion.
La cause du déclin historique et mondial de l’espèce est la collecte à long terme des œufs et l’abattage des adultes sur les plages de nidification.
Parce que les Arribadas concentrent les femelles et les nids dans le temps et l’espace, elles permettent de tuer en masse des femelles adultes ainsi que de prendre un nombre extraordinaire d’œufs. Ces menaces se poursuivent dans certaines régions du monde aujourd’hui encore, compromettant les efforts pour préserver l’espèce.
De plus, les captures accidentelles dans les engins de pêche, principalement dans les palangres et les chaluts, mais aussi dans les filets maillants, les sennes coulissantes et les hameçons et les filets, constituent une importante source de mortalité qui nuit au rétablissement de l’espèce.
La capture accidentelle de tortues marines dans les chaluts de crevettes le long de la côte de l’Amérique centrale est estimée à plus de 60 000 tortues marines par an, dont la plupart sont des tortues olivâtres.
Les tortues marines sont fortement impactées par la pollution des océans notamment les déchets présents en masse (sacs plastiques, pailles, filets de pêche, hameçon, etc.)
Enfin, le réchauffement global influence l’ensemble du cycle de vie des tortues marines, de la ponte des œufs à l’éclosion sur le sable brûlant en passant par la disponibilité en nourriture et la migration vers des eaux plus propices.
Pour conclure
Le nombre impressionnant de tortues olivâtres qui viennent pondre sur les plages du Costa Rica ne doit pas nous faire oublier que cette espèce, comme toutes les espèces de tortues marines, fait face à de graves menaces.
Si son avenir est incertain, l’étude de l’espèce nous en apprend néanmoins suffisamment pour identifier et comprendre les points sur lesquels il faut agir pour lui assurer sa survie. Ne reste plus qu’à influer sur les politiques internationales pour mettre en œuvre des actions concrètes.
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Jean-Olivier Pichot du Mezeray
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Jean-Olivier Pichot du Mezeray
Chargé d'études biodiversité
Assistant de recherche durant sept mois sur le Sea Turtle Conservation Project, Jean-Olivier a réalisé le suivi de ponte, mais aussi la tenue en routine de l'écloserie et le suivi scientifique portant sur l'étude de quatre plages.
Diplômé en écologie de l'Université Paul Sabatier de Toulouse, il recherche actuellement un poste de chargé d'études biodiversité à l'international.
Certainement l’un des plus fantastiques souvenirs de mon voyage au Costa Rica en mars 2014… Et mes plus belles photos.