Des bandes fleuries pour une lutte biologique par conservation

Les agriculteurs évoluent dans leurs pratiques et sont aujourd'hui conscients que la solution unique et parfaite n'existe pas vis-à-vis de problèmes sanitaires.

Les principes de l'agroécologie leur deviennent plus familiers et ils sont de plus en plus disposés à les intégrer à leur système de culture, même si le retour sur investissement n'est pas toujours évident à cerner.

Certains producteurs sont aussi prêts à aller très loin pour pousser chez eux la biodiversité fonctionnelle, refusant tout traitement, supportant des ravageurs nécessaires au développement des auxiliaires, etc.

Dans ce contexte, la bande fleurie a une belle place à prendre !

Ce que vous allez apprendre

  • Quels sont les avantages d'une bande fleurie en agriculture
  • Comment mettre en place une bande fleurie
  • Comment l'entretenir
  • Quels sont les autres outils à disposition
  • Comment évaluer simplement l'effet dans ma culture
Hubert Reeves
L'Homme mène une guerre contre la Nature. S'il la gagne, il est perdu !

Une palette d’outils à disposition de la biodiversité ordinaire mais utile !

La bande fleurie sera d'autant plus efficace qu'elle est proche des cultures… mais ne doit pas gêner les opérations non plus !
La bande fleurie sera d'autant plus efficace qu'elle est proche des cultures… mais ne doit pas gêner les opérations non plus ! GRAB

Un certain nombre de producteurs remettent en place ce qu’on appelle des infrastructures agroécologiques utiles (IAE).

Ces IAE constituent toute une palette d’outils complémentaires à leurs pratiques culturales, plus ou moins frayeux et faciles à installer, en fonction de leurs priorités du moment.

L’installation doit idéalement être faite le plus tôt possible, étant donné l’inertie écologique des milieux cultivés.

Quelques exemples d’infrastructures agroécologiques utiles (IAE)

  • Nichoirs
  • Gîtes à chauve-souris
  • Tas de pierre (pour serpents et mustélidés)
  • Tôles (pour serpents)
  • Points d’eau
  • Perchoirs
  • Bandes fleuries
  • Haies agricoles diversifiées

Des ravageurs de plus en plus dangereux en paysages dégradés

Certains ravageurs, comme les campagnols par exemple, deviennent de plus en plus problématiques et préjudiciables, notamment dans les zones agricoles fortement anthropisées, où les refuges pour la faune sauvage deviennent trop rares et isolés.

La pression exercée par la chasse ou le piégeage sur le renard et autres animaux qualifiés de nuisibles constitue aussi une cause probable de cette pullulation.

Des aménagements parcellaires, voire supra-parcellaires, sont désormais indispensables pour aider au maintien d’un cortège dynamique de prédateurs (rapaces, serpents, renards, mustélidés).

Des refuges adaptés aux prédateurs de campagnols
Des refuges adaptés aux prédateurs de campagnols DEFI-Écologique

Les bandes fleuries plébiscitées

Une petite enquête sur les pratiques et attentes des producteurs en matière de biodiversité fonctionnelle a été réalisée.

Les bandes fleuries sont parmi les outils les plus plébiscités par les producteurs.

Relativement simples à installer, rapidement fonctionnelles, elles sont aussi un atout de communication pour les producteurs et améliorent leur cadre de travail.

Frédéric Pottecher
L'instinct paysan ? Un don qui permet à ceux qui le possèdent de percevoir les obscures machinations de la nature.

Du bon choix des mélanges fleuris pour un service optimal

Les mélanges riches en espèces annuelles sont spectaculaires en première année, mais s'appauvrissent souvent rapidement. Des vivaces doivent être associées.
Les mélanges riches en espèces annuelles sont spectaculaires en première année, mais s'appauvrissent souvent rapidement. Des vivaces doivent être associées. INRA Grignon

La diversification botanique dans les mélanges fleuris permet d’assurer une diversité de services rendus : floraisons précoces, fourniture en pollens, nectars floraux et extra-floraux, proies de substitution, diverses formes de fleurs et inflorescences, différentes hauteurs, etc.

Cet assemblage botanique est garant d’un réel intérêt agroécologique et d’une attractivité vis-à-vis des auxiliaires de cultures.

Evidemment, ces critères agroécologiques doivent être croisés avec d’autres critères plus pragmatiques : disponibilité et prix de la semence, capacité à lever facilement, rapidité d’installation, caractère invasif…

Toutefois, les mélanges fleuris, qui ont explosé sur le marché depuis 10 ans, restent globalement assez chers et dissuasifs (de l’ordre de plusieurs euros par mètre carré).

Ils sont souvent de composition aléatoire, avec des espèces exotiques, parfois peu utiles aux insectes auxiliaires, régulateurs ou pollinisateurs.

Ils intègrent trop peu de vivaces, ce qui amène l’agriculteur à semer chaque année, ce qu’il ne pourra pas forcément faire si ce n’est pas dans ses priorités.

Le projet MUSCARI

Le projet MUSCARI tend à améliorer la composition des mélanges botaniques pour augmenter leur utilisation par les producteurs.

Face à ce constat d’un marché inadapté, quinze partenaires techniques et scientifiques se sont regroupés au sein d’un projet Casdar (financé par le Ministère de l’Agriculture de 2015 à 2018) pour évaluer le comportement de nouveaux mélanges (levées, recouvrement, intérêt pour la faune auxiliaire) et leur impact sur la culture voisine.

L’objectif final est de proposer à quelques semenciers partenaires un mélange adapté à la région, moins cher, plus pérenne, facile à installer et fonctionnel !

Quelles plantes spécifiques pour réguler mes ravageurs ?

La centaurée bleuet fait partie des espèces faciles à installer, qui peut se resemer, utile car elle possède du nectar extra-floral (disponible toute l'année) et attire un puceron spécifique qui va lui-même attirer des auxiliaires
La centaurée bleuet fait partie des espèces faciles à installer, qui peut se resemer, utile car elle possède du nectar extra-floral (disponible toute l'année) et attire un puceron spécifique qui va lui-même attirer des auxiliaires Univ. Tours

Pour faciliter le choix des agriculteurs, une interface en ligne leur propose d’identifier les plantes les plus recommandées (d’après ce qu’on sait à ce jour), pour les ravageurs les plus problématiques.

Cette plateforme, appelée HERBEA, a été mise en place par Solagro, et agrège un certain nombre d’informations afin de guider le producteur ou son conseiller vers des choix optimisés, plus efficaces et motivants.

Elle doit encore être largement complétée pour beaucoup de cultures et de ravageurs.

Dans le cas des vergers de pommiers en particulier, le GRAB a édité une brochure pratique détaillée à partir de travaux allemands de l’Université d’Hohenheim.

Sur la page du projet MUSCARI, vous trouverez aussi des liens spécifiques vers des cultures en particulier.

Réussir ses bandes fleuries : quelques règles d’or et conseils !

Une bande fleurie n’est pas si simple à installer, pour peu qu’on souhaite utiliser des espèces un peu exigeantes et sensibles à la concurrence.

  • Globalement, le semis de printemps reste possible dans le Nord de la France qui bénéficie de pluies assez régulières.

    Dans une moitié sud, on conseille désormais un semis d’automne (septembre ou octobre).

  • Le faux semis reste un incontournable, qui peut même être doublé si vous anticipez suffisamment le semis.

  • Associer des espèces qui auront des vitesses d’installation différentes : une graminée (à 5% en poids) permettra d’occuper le terrain et de freiner des adventices plus rapides à lever.

    Des espèces vivaces assureront la relève après le développement des annuelles.

    Vous trouverez sur le site du projet Auximore un tableau qui présente une liste des espèces conseillées.

  • Le semis se fait classiquement à la volée, en mélangeant les graines à du sable grossier, afin de mieux répartir les graines sur la surface à semer.

  • Le sol doit être maintenu humide pendant les premières semaines après le semis, un arrosage peut donc être à prévoir en fonction des situations.

  • L’entretien de la bande a aussi son importance : si vous n’y faites rien, le risque est important qu’une espèce dominante étouffe les autres, et qu’au final la diversité floristique en pâtisse.

    Une fauche en hauteur (25 à 30 centimètres) peut donc être conseillée en début d’été pour permettre aux espèces plus lentes d’accéder à la lumière et de compléter leur cycle.

Comment savoir si mes bandes fleuries me rendent vraiment service ?

Les leucanthèmes (marguerites) sont aussi des candidats faciles à installer, et une piste d'atterrissage facile pour les visiteurs, comme les ombellifères
Les leucanthèmes (marguerites) sont aussi des candidats faciles à installer, et une piste d'atterrissage facile pour les visiteurs, comme les ombellifères INRA Grignon

Il existe une autre boîte noire liée à la complexité de la biodiversité : la difficulté à observer des effets concrets suite à la mise en place d’IAE.

Les producteurs font un pari, dans une confiance aveugle envers la Nature.

Même les scientifiques peinent souvent à établir un lien direct entre aménagements agroécologiques, faune auxiliaire en présence et effets induits sur la qualité de la culture (dégâts, rendement, etc.).

Ainsi des propositions émergent pour amener des outils simplifiés aux producteurs, leur permettant de suivre eux-mêmes la biodiversité dans leurs parcelles, en fonction de pratiques culturales différenciées.

Cet exercice, proposé dans le cadre du projet européen ECOORCHARD depuis 2016, a fait la démonstration que des arboriculteurs sont intéressés à consacrer un peu de temps, leur permettant de se former à la reconnaissance des auxiliaires, à prendre conscience des discrètes régulations à l’œuvre, et donc à réfléchir à deux fois avant de traiter.

Une présentation de ces travaux a été organisée le 22 novembre à l’INRA d’Avignon. Les diaporamas présentés sont disponibles en ligne.

Pour conclure

La biodiversité est passionnante mais complexe !

Nous avons perdu beaucoup de savoirs en simplifiant nos systèmes, en éradiquant 80% de nos insectes : il est urgent de ralentir, de réfléchir aux systèmes agricoles et à l'environnement que nous voulons pour nous et nos enfants…

Il ne s'agit plus de faire contre la Nature, mais avec elle !

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Et vous, comment utilisiez-vous les bandes fleuries, jusque-là ?

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Portrait de l'auteur

François Warlop

Agronome — GRAB

Cet agronome travaille au GRAB depuis 1998, sur l'arboriculture fruitière biologique.

Il a travaillé sur une diversité de problématiques techniques : ravageurs en vergers, conservation des fruits, gestion de l'enherbement, sélection de variétés adaptées à l'AB...

Il se concentre plus récemment sur des thématiques liées à la reconception des systèmes pour les rendre plus agroécologiques : agroforesterie, biodiversité...

Il a animé récemment un projet en agroforesterie appelé SMART.

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2 réponses à “Des bandes fleuries pour une lutte biologique par conservation”

  1. Bonsoir.

    Merci pour cet article qui appelle de ma part une précision et une critique.

    La précision concerne les campagnols. Il serait bon de préciser que le campagnol visé est surtout le campagnol terrestre pour éviter de les mettre tous « dans le même panier » des ravageurs agricoles. Pour mémoire, certaines espèces sont menacées en France. Le campagnol amphibie figure dans la catégorie « vulnérable » des listes rouges européennes et mondiales.

    Concernant la critique, je trouve regrettable qu’il n’est jamais fait mention de la provenance des espèces végétales utilisées pour la création des bandes fleuries. Certes, l’article mentionne l’effet néfaste des espèces exotiques mais au-delà n’aurait il pas été opportun de rappeler la nécessité d’utiliser des plantes d’origine locale, en particulier dans les secteurs où la richesse et la diversité des plantes messicoles est encore importante et nécessairement à préserver (y compris de la pollution génétique).

    Cordialement,

    David HAPPE

  2. Bonjour, j’adhère totalement à ce système de « régénération » (Végétaux, insectes, animaux). C’est le but que je me suis fixé sur la parcelle de terrain que j’occupe depuis une vingtaine d’années. Il est très difficile de constituer cette source d’apport diversifiée si on tient compte de la région, de la nature du sol et surtout des éléments nous entourant. (Vignes traitées etc…) J’ai lu avec attention le tableau des auxiliaires de Auximore, et je constate qu’un certain nombre de plantes attirent les Agrotis, que j’ai déjà en nombre, il faudrait donc utiliser des plantes compagnes répulsives comme au potager je pense, mais malheureusement ce tableau ne fournit pas cette indication, et pour ma part, je reviens toujours au point de départ courant d’été où tout se passe bien et en un éclair, les plates bandes sont dévorées par les limaces et agrotis … En sachant que les oiseaux, abeilles, mulots, lézards, crapauds, hérissons , chauve souris etc … sont en nombre. Comme vous le dites, la nature est passionnante mais complexe, je vous le confirme ! Merci pour votre article qui permet d’envisager de meilleures cultures dans un avenir proche, on y croit !

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