Concilier biodiversité et pratiques agricoles : le projet LIFE Biodiv’Paysanne

Le LIFE Biodiv’Paysanne : un projet ambitieux

Le projet LIFE Biodiv’Paysanne, orchestré dans la région Occitanie, a vu le jour fin 2021 afin de proposer des outils et des méthodes pour la prise en compte de la biodiversité dans les milieux naturels et agricoles de la région. Il s’achèvera en 2027.

Ce projet s’appuie sur un réseau d’experts des secteurs de la gestion des espaces naturels ainsi que de l’agriculture. Le Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie, coordinateur du projet, s’est ainsi entouré de Solagro, Terre de Liens Midi-Pyrénées, Terre de Liens Languedoc-Roussillon, de l’ANA-Conservatoire d’espaces naturels d’Ariège, de la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels ainsi que du Conservatoire Botanique National Pyrénées et Midi-Pyrénées. Le projet est cofinancé par la Commission européenne, la Région Occitanie, l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (DREAL Occitanie).

L’ensemble de ces acteurs œuvrent pour une amélioration de la prise en compte de la biodiversité et pour une transition agroécologique du territoire.

En quelques chiffres, le LIFE Biodiv’Paysanne comprend près de 300 sites, soit plus de 25 000 hectares, repartis sur l’ensemble de la région.

Les milieux naturels concernés par le projet sont des espaces représentatifs de la diversité des écosystèmes régionaux tels que des landes, des pelouses sèches, des forêts ou encore des zones humides (tourbières, mares, etc.).

Ces milieux naturels abritent des espèces et des habitats aux enjeux écologiques patrimoniaux importants, qu’il est donc nécessaire de préserver.

Les milieux agricoles, quant à eux, incluent des productions animales et végétales variées, et sont répartis sur les treize départements de la région. Tous s’inscrivent dans une démarche de pratiques plus respectueuses de l’environnement, avec notamment la prise en compte de la biodiversité dans ces milieux agricoles.

Les milieux naturels : une biodiversité fragile à préserver

Sur les 25 000 hectares concernés par le projet, de nombreuses espèces et habitats sont jugés respectivement dans un mauvais état de conservation. Il s’agit donc d’un réseau de sites importants pour la préservation de la biodiversité.

11% de la surface de ce réseau est jugé en mauvais état de conservation, soit 2 645 hectares.

Ainsi, le projet va se concentrer sur des actions phares :

• Restaurer les milieux naturels

  Des travaux de restauration de milieux naturels (zones humides, prairies naturelles, pelouses sèches, vieilles forêts, etc.) sont réalisés en vue de préserver la biodiversité et les services écosystémiques associés de 992 hectares du réseau.

  

  La nature des travaux varie en fonction des enjeux et des objectifs du plan de gestion du milieu (débroussaillage manuel et mécanique, gestion des espèces exotiques envahissantes, fauche avec exportation de la biomasse, restauration et entretien de mares, coupe des ligneux, installation d’un troupeau pour maintenir les milieux ouverts). Certaines parcelles à restaurer sont ensuite gérées avec des agriculteurs locaux.

  

  Cette restauration des milieux naturels consiste à redonner un état de conservation favorable aux sites, en fonction de leurs enjeux écologiques.

• Élargir le réseau d’aires protégées

  Le but de cette action est de contractualiser par des conventions, des baux ruraux environnementaux (BRE) ou encore des obligations réelles environnementales (ORE) ; ou acquérir 2 700 hectares supplémentaires à forts enjeux de biodiversité.

  Elle vise ainsi à contribuer à une protection plus étendue de la biodiversité et de l’environnement et à construire un réseau cohérent d’aires protégées en Occitanie.

  

  Marc San Francisco, maire du village de La Fajolle (Aude)
  Le projet LIFE Biodiv’Paysanne nous apporte des financements afin de continuer notre travail de réouverture des milieux naturels et de préservation de la biodiversité. Pour nous, la protection de l’environnement est un devoir envers les générations futures. L’idée est de laisser un paysage et un milieu naturel aussi propres que nous les avons trouvés, voire en meilleur état de conservation.

• Acquérir les connaissances, identifier les enjeux et élaborer des plans de gestion

  La gestion de milieux naturels ne peut se faire sans la réalisation d’un plan de gestion, qui précise les orientations et les objectifs de gestion d’un site. Le but est de réaliser des inventaires faune, flore, habitats pour réaliser des plans de gestions adaptés aux sites.

  La grande première de ce projet réside dans l’expérimentation de plans de gestion multi-sites qui, au lieu de s’appuyer sur un seul et même site, intègrent un réseau de sites. C’est un total de 12 plans de gestion multi-sites sur près de 9 500 hectares qui seront élaborés.

  L’objectif de cette action est d’analyser les enjeux écologiques à une échelle pertinente, d’améliorer la fonctionnalité du réseau de sites et de mutualiser les moyens et la coopération entre les différents acteurs.

Les milieux agricoles : une biodiversité en milieu agricole à reconquérir

L’implication des agriculteurs dans la démarche de transition agroécologique est un point phare dans la réussite du projet. Avec 60 fermes représentatives des modes de productions, réparties sur l’ensemble du territoire occitan, le projet LIFE Biodiv’Paysanne vise à impliquer les acteurs afin de renforcer une agriculture œuvrant au maintien et à l’amélioration de la biodiversité dans les milieux agricoles de la région.

60 fermes ont fait le choix d’intégrer ce projet visant à proposer une agriculture plus responsable qui prend en compte la biodiversité dans leur système de production et plus généralement dans les milieux agricoles.

• La mise en place d’un diagnostic agricole innovant

  Le LIFE Biodiv’Paysanne a mis en place un diagnostic pour les exploitations agricoles qui croise trois approches : agronomique, socioéconomique et écologique.

  Le but de ce diagnostic est d’évaluer le potentiel d’accueil de la biodiversité à l’échelle de la ferme afin de l’appréhender comme une partie intégrante de l’agrosystème.

  Comment fonctionne le diagnostic LIFE Biodiv’Paysanne ? D’abord, un temps d’échange pour aborder la dimension sociale, économique et agronomique de l’exploitation puis, un inventaire écologique de la biodiversité ainsi que des infrastructures agroécologiques présentes sur l’exploitation. Enfin, des recommandations sous forme d’un document de synthèse avec des actions précises.

  

  Le but de cette action est d’apporter les outils et les connaissances nécessaires à la compréhension de la biodiversité par les exploitants, afin qu’ils la prennent en compte dans leur méthode de production. Ce diagnostic a pour finalité de démontrer que la prise en compte de la biodiversité dans le milieu agricole est possible sans altérer les rendements économiques et les conditions de vie sur la ferme.

  

  Salelles-Rieucros, ferme bio en polyculture-élevage ovin laitier avec transformation boulangère (Aveyron)
  La transformation agroécologique de nos modes de production et de notre ferme nous apparaît nécessaire et urgente. Le LIFE Biodiv’Paysanne nous offre un cadre scientifique robuste afin de co-construire ensemble les outils et les actions les plus pertinents pour améliorer la biodiversité sur notre ferme. Les services écosystémiques ainsi rendus amélioreront notre adaptabilité et notre résilience. Nous engager dans le LIFE Biodiv’Paysanne, c’est en quelque sorte passer à l’action et cela nous permet de nous sentir moins impuissants face au changement climatique, que nous ressentons au jour le jour de manière très concrète et violente du fait de notre métier de paysan et de notre proximité avec la nature.

• La création d’une Société Civile d’Exploitation Agricole (SCEA)

  Une autre innovation dans le projet est la création d’une société agricole dédiée à la valorisation des ressources naturelles et à la préservation de la biodiversité.

  Ces ressources sont le sous-produit des actions de génie écologique menées en vue de la gestion et de la restauration de milieux naturels dans un bon état de conservation.

  Deux ressources principales sont identifiées : les semences sauvages et locales collectées dans les prairies naturelles et le foin issu de la fauche de ces mêmes prairies. Leur valorisation se fera via le développement de nouvelles filières, telles que la création d’une marque « foin naturel » ou l’adhésion à la marque Végétal Local, afin de permettre à cette société agricole de s’autofinancer.

  Celle-ci pourra également réaliser des prestations de restauration écologique pour des collectivités comme la réouverture de milieux par un troupeau, le débardage par traction animale, etc.

  

  

  L’objectif d’une SCEA est double : démontrer qu’un autre modèle agricole est économiquement viable et que les zones naturelles pourtant considérées comme « non productives » ont aussi de la plus-value. Elle permettra de tisser un réel partenariat entre les gestionnaires d’espaces naturels, les structures défendant une agriculture locale, respectueuse de l’environnement, durable et paysanne, les structures agricoles plus conventionnelles et les décideurs.