Les mycorhizes ont une importance capitale dans nos cultures !
Mycologue et formateur en agroécologie
Les mycorhizes, résultat de l'association symbiotique entre des champignons et les racines des plantes, sont l'une des composantes majeures de l'ensemble des organismes vivants des sols.
Pourtant elles ne sont pour ainsi dire jamais prises en compte par l'agriculture. Nous allons voir ce que sont les mycorhizes et à quoi elles servent dans nos cultures.
Ce que vous allez apprendre
- Que les mycorhizes servent grandement aux plantes
- Ce qu'est une symbiose
- Les différents types de symbioses mycorhiziennes
- L'utilité de la symbiose mycorhizienne dans nos cultures
Coluche
Le champignon le plus vénéneux, c'est celui qu'on trouve dans les voitures.
Les mycorhizes, c’est quoi ?
Des champignons qui prélèvent la matière organique sur un organisme vivant avec bénéfice réciproque pour l’hôte, qui devient un « partenaire ».
Les autres bénéfices pour les plantes sont variables selon les partenaires et les conditions du milieu, de la protection des racines par le champignon à la fabrication par celui-ci de facteurs de croissance pour la plante.
Certaines plantes pérennes peuvent entretenir plusieurs types de symbioses avec des champignons différents pour de courtes périodes et à différents moments de leur vie.
La symbiose est une relation complexe d’équilibre entre les partenaires, qui peut glisser vers le parasitisme si l’hôte végétal est affaibli, puis vers la saprotrophie (le recyclage de matière morte) après sa mort.
La symbiose mycorhizienne est continuellement instable, la croissance permanente des racines obligeant les champignons à les coloniser au fur et à mesure tout en livrant un combat permanent avec leurs concurrents.
D’autres facteurs peuvent venir accentuer cette instabilité, comme des changements environnementaux, les saisons, les interventions dans le milieu (coupe d’arbre, passage d’engins, tempête, etc.) ou l’action de la microfaune mycophage (animaux consommateurs de champignons et inférieurs à 0,1 millimètre).
De plus, les mycorhizes ne sont fonctionnelles que pendant quelques mois à quelques années, ce qui implique un renouvellement et permet à la concurrence de s’installer.
La symbiose mycorhizienne
La symbiose mycorhizienne est indispensable à la vie des végétaux terrestres : 80% des plantes supérieures (plantes à racines) doivent obligatoirement être mycorhizées pour leur alimentation en eau et en sels minéraux.
À quoi servent les mycorhizes dans nos cultures ?
Comme nous l’avons vu ci-dessus, la première grande famille de champignons mycorhiziens sont les Glomeromycota.
Ce sont eux qui vont essentiellement intervenir dans nos cultures. Aujourd’hui les bienfaits des mycorhizes ne sont plus à démontrer dans la sylviculture, l’horticulture et plus récemment dans l’agriculture.
La mycorhization permet aux plantes de compenser leur absence de mobilité et leur faible emprise racinaire, les mycorhizes prolongent le rayon de prospection des racines et permettent de puiser plus d’éléments nutritifs.
Silvio Gianinazzi
Nous estimons que les engrais minéraux pourraient être réduits d'un tiers à un quart selon les types de sols et la nature des cultures si la mycorhization était pleinement valorisée !
Le réseau d’hyphes
Il peut atteindre des dimensions importantes, on estime que pour 1 mètre carré de surface de prairie, la surface de contact du mycélium (ensemble du réseau d’hyphes) déployé peut représenter 90 mètres carrés.
Absorption des éléments minéraux
C’est la fonction première des mycorhizes, notamment le phosphore, le cuivre, le calcium, le potassium, le magnésium, le zinc, etc.
L’altération des minéraux par les champignons en association avec les bactéries à été mise en évidence chez les champignons ectomycohriziens des arbres forestiers, cependant il est fort probable que les autres types de mycohrizes en soient également capables.
Les champignons mycorhiziens interviennent également dans la décomposition de matières organiques, qu’elles soient végétales ou animales ; et ainsi donnent accès aux plantes à d’autres minéraux, l’azote en premier.
Les mycorhizes s’associent à des bactéries du sol pour dissoudre des minéraux et rendre accessible le phosphore aux plantes.
Cette capacité de réguler le flux de phosphore du sol à la plante est la principale fonction de la mycohrize dans les échanges symbiotiques. Dans le cas des légumineuses, la symbiose mycorhizienne et l’association avec les bactéries du genre rhizobium (fixation de l’azote), sont en fait indissociables.
La plante n’aurait en effet pas suffisamment de ressources pour faire circuler l’azote jusqu’au nodule pour la transformation par les bactéries.
Elle a besoin du soutient énergétique de la mycorhize qui lui apporte le phosphore nécessaire au transport de l’azote (transport réalisé par des molécules spécialisées contenant beaucoup de phosphore (P)). On parle alors de « métasymbiose », association mutualiste entre la plante hôte et ses champignons et bactéries symbiotiques associés.
Absorption de l’eau
C’est la seconde fonction des mycorhizes. L’augmentation de la surface d’absorption permet l’accès à l’eau dans les plus petits interstices du sol et ainsi de protéger la plante des stress hydriques.
On estime à 1 000 le rapport longueur de mycélium sur longueur de racine. Lorsque le champignon détecte un manque d’eau, il envoie un signal chimique à la plante pour provoquer la fermeture des stomates au niveau des feuilles, afin de prévenir un dessèchement irréversible.
Protection des racines contre les substances toxiques
Les racines sont fréquemment en contact avec des substances toxiques qui peuvent perturber leur fonctionnement, allant jusqu’à entraîner la mort de la plante.
Cela peut-être, par exemple, des ions d’aluminium, des métaux lourds comme le nickel ou des molécules émises par d’autres plantes pour nuire à leurs compétitrices (interaction allélopathique).
A cela se rajoutent les polluants émis par l’activité humaine, d’une part les métaux lourds (plomb, mercure et cadmium) et d’autre part une concentration local d’hydrocarbure pétrolier, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP, hautement cancérigène), les biphényles, les dioxines et les pesticides utilisés en agriculture qui sont aujourd’hui les plus importants.
Les champignons jouent alors un rôle de « filtre » en stockant les composants toxiques ou, dans d’autres cas, en neutralisant les molécules toxiques sous forme de complexes insolubles dans le sol rhizosphérique (région du sol formée et influencée par les racines et les micro-organismes) à l’extérieur de ces tissus.
Agrégation des sols
Elle est favorisée par la croissance continue du mycélium de quelques millimètres par jour qui contribue à agglomérer les particules entre elles et à renforcer la cohésion de l’ensemble.
Cet effet structurant est dû entre autre à l’exsudation de mucilage (substance visqueuse sécrétée en particulier par les micro-organismes qui facilite l’agglomération des bactéries) qui joue le rôle de colle.
Les hyphes externes des Gloméromycota sécrètent de la glomaline en grande quantité, une glycoprotéine (protéine contenant du sucre, glucose en partie), qui contribue à l’adhésion des constituants du sol.
La glomaline est hydrophobe, ce qui confère une résistance des agrégats à l’eau ; de par son caractère hydrophobe la glomaline est lentement biodégradable par les bactéries et les champignons du sol. Elle est également thermo tolérante, résistante aux fortes chaleurs superficielles du sol subies en été dans les pays chauds.
De plus, ce réseau se renouvelle continuellement, et le champignon a la capacité d’abandonner la colonisation d’un secteur devenu trop pauvre en nutriments.
Le cytoplasme (partie interne du mycélium) migre vers les parties encore en croissance, ne laissant que la paroi vide du mycélium. Le mycélium mort contribue aux stocks de matières organiques et de liant physique participant à l’agrégation des sols.
L’abondance des mycorhizes, en augmentant la stabilité des sols, favorise la rétention de l’eau. La glomaline joue un rôle essentiel dans la formation et la stabilité de la structure des sols.
Régulation de la croissance
Les régulateurs de croissance sont des hormones végétales ou phytohormones.
Ce sont des petites molécules qui affectent le développement ou la croissance de tissus ou organe. Ils sont regroupés en cinq familles principales :
- Les auxines
- Les cytokinines
- Les gibbérellines
- L’acide abscissique
- L’éthylène
Les deux grands types de symbioses
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Les lichens ou champignons lichénisés
Les lichens sont des organismes résultant de la symbiose entre un champignon hétérotrophe (nommé mycobionte) qui représente 90% de l’ensemble, et des cellules microscopiques possédant de la chlorophylle (algue verte ou cyanobactérie autotrophe pour le carbone, nommées photobiontes).
Le thalle, symbiose entre le champignon et le photobionte, est capable de pousser à la surface de supports variés et dans des milieux souvent hostiles.
On estime actuellement le nombre de lichens à 20 000 espèces environ.
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Les mycorhizes (du grec myco, champignon et rhiza, racine)
Elles sont le résultat de l’association entre une plante autotrophe et un champignon. La mycorhize est une des composantes majeures de l’ensemble des organismes vivants des sols.
On distingue deux grands types de mycorhize : les endomycorhizes et les ectomycorhizes.
Les endomycorhizes (du grec endo, dedans ou interne)
Elles sont la forme la plus répandue. Il existe plusieurs types d’endomycorhizes, les plus courantes sont :
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Les endomycorhizes à arbuscules
Ce sont les plus répandues. Elles colonisent environ 80% des plantes vasculaires terrestres.
Elles sont pourtant peu nombreuses, moins de 300 espèces à mycorhizer plus de 400 000 espèces de plantes.
Les endomycorhizes arbusculaires sont représentées par la division des Glomeromycota.
Elles ont un potentiel d’adaptation et une large diversité génétique afin de leur permettre de s’adapter aux différentes conditions environnementales.
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Les endomycorhizes à pelotons intracellulaires ou orchidoïdes
Impliquent des Basidiomycota en symbiose avec les Orchidaceae.
Les hyphes du champignon pénètrent à travers la paroi des cellules à l’intérieur des cellules du cortex racinaire en repoussant la membrane plasmique.
La paroi des hyphes est en contact direct avec la paroi de la membrane plasmique sans la traverser, et forme des arbuscules pour augmenter la surface de contact.
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Les endomycorhizes éricoïdes
Impliquent des Basidiomycota et Ascomycota en symbiose avec les Ericales (myrtilles, rhododendrons).
Les hyphes forment des pelotons dans des racines de faible diamètre.
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Les ectendomycorhizes
Les hyphes forment des pelotons intracellulaires et un manteau autour de la racine.
Les ectomycorhizes (du grec ecto, extérieur)
Elles colonisent environs 5% des plantes vasculaires terrestres.
Il s’agit essentiellement d’arbres et arbustes représentés par quelques familles botaniques de plantes ligneuses.
On peut citer les Pinaceae (pins, mélèzes, épicéas, sapins, etc.), les Fagaceae (hêtres, chênes, châtaigners), les Betulaceae (bouleaux, aulnes, charmes, noisetiers), les Salicaceae (saules, peupliers), les Tiliaceae (tilleuls), les Juglandaceae (noyers), les Citaceae, les Myrtaceae (eucalyptus).
On estime qu’il y a environ 6 000 espèces de champignons ectomycorhiziens dans le monde, ils font tous partie des divisions des Ascomycota ou des Basidiomycota.
Les hyphes forment un manteau qui recouvre la surface de la racine, pénètrent le cortex et se placent entre les cellules sans jamais passer la paroi cellulaire, ils forment alors ce que l’on nomme le « réseau de Hartig ».
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Pour conclure
Nous avons détaillé ci-dessus les différents rôles que peuvent jouer les champignons en s'associant avec des végétaux, il est important de comprendre que cette vision simpliste « un champignon plus une plante » ne reflète en aucun cas la réalité.
Nous aborderons dans un autre article à venir la diversité fonctionnelle des mycorhizes et comment les favoriser dans nos cultures. Mais en attendant, n'hésitez pas à poser vos questions !
Avez-vous déjà pris en compte les mycorhizes dans vos cultures de plein champ ?
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Olivier Lavaud
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Olivier Lavaud
Mycologue et formateur en agroécologie
Il est également éducateur « Objectif Sciences International » (O.S.I.), pédagogie des Sciences par le projet appliquée à la recherche participative pour le développement durable.
Olivier est membre de DEFI-Écologique.