Le Crabier blanc : un petit héron en voie d’extinction

Connaissez-vous le Crabier blanc ? Petit héron nichant uniquement sur quatre îles au monde, cet oiseau est présent en grand nombre sur l’île de Mayotte où plusieurs acteurs font le nécessaire pour le protéger à travers un programme européen, le LIFE BIODIV’OM.

Partez dans les Outre-mer français à la découverte de cette espèce menacée, à la fois discrète, mystérieuse et emblématique de l’île de Mayotte.

Ce que vous allez apprendre

  • Quel est le comportement du Crabier blanc
  • Pourquoi l’espèce est si emblématique
  • Par quoi cet oiseau est menacé
  • Comment la France fait en sorte de le protéger
Florent Bignon
Actuellement la population mondiale est estimée entre 2000 et 6000 individus et l’espèce est classée en danger d’extinction (EN) selon l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN)

Généralités sur le Crabier blanc

Aire de répartition du crabier blanc
Aire de répartition du crabier blanc Birdlife International 2013

Le Crabier blanc (Ardeola idae) est un petit héron qui se reproduit uniquement sur quatre îles au monde : à Madagascar, Aldabra aux Seychelles et sur deux territoires français, l’île d’Europa dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises et Mayotte.

Espèce migratrice, certains individus font le voyage jusqu’en Afrique de l’Est et Centrale après la nidification pour y passer l’hiver austral, de juin à août. Cependant, des individus ne migrent pas et restent à Madagascar et à Mayotte durant l’hiver austral et certains jeunes restent également en Afrique durant leur première année.

Actuellement la population mondiale est estimée entre 2 000 et 6 000 individus et l’espèce est classée en danger d’extinction (EN) selon l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN). A Mayotte, la population est estimée à environ 280 couples en 2019, soit presque 40% de la population mondiale.

Sa morphologie

Crabier blanc en plumage nuptial à gauche et internuptial à droite
Crabier blanc en plumage nuptial à gauche et internuptial à droite Gilles ADT

Ce petit héron trapu mesure entre 45 et 48 centimètres et ne présente pas de dimorphisme sexuel, ce qui signifie que le mâle et la femelle ne sont pas différents physiquement mais possède cependant des plumages variés en fonction de la saison.

Ainsi en période de reproduction, le Crabier blanc arbore un plumage dit nuptial, entièrement blanc et de longues plumes qui ornent toute la tête jusqu’à l’arrière du cou. Il possède également un bec bleu vif à pointe noire. L’iris de l’œil est jaune et les pattes sont roses.

Une fois la période de reproduction terminée, l’oiseau se transforme et présente un plumage dit internuptial, la tête composée de plumes beiges striées de marron, le dos brun strié de blanc contrastant fortement en vol avec les ailes restées blanches. Le bec est gris-vert et les pattes sont verdâtres.

Crabier chevelu et Crabier blanc

Le Crabier blanc est morphologiquement assez semblable au Crabier chevelu (Ardeola ralloides), commun à Madagascar et observé occasionnellement à Mayotte. Il est cependant facilement distinguable en reproduction puisque il n’est pas totalement blanc comme le Crabier blanc mais son dos, sa nuque et les côtés de sa poitrine sont de couleur cannelle. En plumage non nuptial, la distinction est plus délicate : le Crabier chevelu est plus fin, le bec est moins gros, les stries noires du cou sont moins franches et le dos est moins foncé.

Comportement

S'il y a crabier et crabier, le crabier chevelu se distingue aisément
S'il y a crabier et crabier, le crabier chevelu se distingue aisément Derek Keats

Le Crabier blanc est un oiseau discret et craintif. Solitaire, il est rarement observé dans des groupes de plusieurs individus mais s’établit cependant en héronnière lors de la période de reproduction avec d’autres espèces de hérons comme le Héron garde-bœufs ou le Crabier chevelu.

Ce petit héron, majoritairement diurne, est principalement observé en début ou fin de journée, en lisière de végétation aquatique ou dans des eaux peu profondes.

Habitat

Le Crabier blanc vit au sein des zones humides qui lui servent de site d’alimentation ou de reproduction comme les lacs, les étangs, les bords de mer, les ruisseaux, les marais, les fossés, les cours d’eau peu profonds, les prairies herbeuses partiellement inondées ou sèches et les mangroves.

Alimentation

Le régime alimentaire du Crabier blanc est diversifié puisqu’il se nourrit de poissons, d’insectes, de reptiles, de petits invertébrés et d’amphibiens.

Reproduction

En période de reproduction, d’octobre à mars, l’espèce construit un nid constitué de brindilles entrelacées entre 50 centimètres et 8 mètres de hauteur sur des buissons, arbustes ou sur les palétuviers des mangroves. L’espèce niche souvent en compagnie d’autres espèces de hérons formant des héronnières ou colonies pouvant atteindre mille nids.

La femelle pond deux à quatre œufs qui seront incubés par les deux parents pendant environ trois semaines. Le nourrissage et le suivi des jeunes dureront ensuite environ quatre semaines.

Florent Bignon
Le Crabier blanc fait aussi l’objet de braconnage, les œufs et les poussins étant régulièrement braconnés en dépit d’une protection préfectorale sur certains territoires.

Son état de protection

Vue aérienne de l'île Europa dans les TAAF
Vue aérienne de l'île Europa dans les TAAF Roger Kerjouan

Au niveau international, le Crabier blanc est une espèce classée en danger d’extinction (EN) selon l’UICN. A Mayotte, elle est cependant classée en danger critique d’extinction (CR), soit le dernier stade avant la disparition de l’espèce à l’état sauvage.

Cette espèce est protégée par l’AEWA, qui l’a classé depuis 2002 parmi les espèces très menacées et par la Convention de Bonn de 1979, traité international visant à protéger les espèces animales migratrices.

En France, l’espèce est présente uniquement sur l’île d’Europa, classée réserve naturelle depuis le 18 novembre 1975 par arrêté préfectoral, et sur l’île de Mayotte sur laquelle l’espèce est également protégée par la mise en place d’un arrêté préfectoral (n°361/DEAL/SEPR/2018 du 3 décembre 2018). Ce texte interdit la destruction ou l’enlèvement des œufs, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat.

Les menaces

Rat noir présent dans un nid de Crabier blanc
Rat noir présent dans un nid de Crabier blanc GEPOMAY

Une des principales causes de la disparition de l’espèce est la destruction de ses habitats. Les sites de reproduction et d’alimentation sont soumis à de nombreuses pressions telles que l’urbanisation et l’agriculture altérant ainsi l’habitat de l’espèce et participant au dérangement de cette espèce très craintive.

Le Crabier blanc fait aussi l’objet de braconnage, les œufs et les poussins étant régulièrement braconnés en dépit d’une protection préfectorale sur certains territoires.

Enfin, malgré l’absence d’études mettant en évidence la prédation des œufs et poussins par les rats, celle-ci est fortement suspectée du fait de sa présence au sein des sites de reproduction de l’espèce et de l’impact avéré des rats sur d’autres espèces de hérons. Outre la prédation, la présence importante des rats au sein des nids de Crabiers blanc a tout de même été démontrée, celle-ci pouvant causer le dérangement des nicheurs et ainsi impacter la reproduction de l’espèce.

Le saviez-vous ? Les espèces exotiques envahissantes

53% des extinctions d’espèces dans les Outre-mer français sont causées par les Espèces Exotiques Envahissantes (EEE). Ces espèces, animales ou végétales, introduites volontairement ou non par l’Homme, constituent des menaces importantes pour la biodiversité. Sur de nombreuses îles, le Rat noir, originaire d’Asie centrale, introduit par les embarcations des bateaux, menace notamment certaines espèces d’oiseaux en consommant les œufs et les poussins.

Les actions de protection en France

Sur l’île d’Europa (TAAF), le Crabier blanc n’est pas sujet à de nombreuses menaces, l’Homme ne vivant pas en continu sur cette île.

Sur l’île de Mayotte, une association locale et ses partenaires s’occupe de protéger l’espèce, c’est le Groupe d’Etudes et de Protection des Oiseaux de Mayotte (GEPOMAY). Elle rédige ainsi en 2015 le tout premier Plan d’Action National (PNA) pour le Crabier blanc, une feuille de route faisant état de la situation de l’espèce et identifiant les différentes actions à mettre en place pour la préserver. L’objectif principal de ce document était de localiser et d’estimer la taille de la population à Mayotte en utilisant des drones et des ULM afin de recenser l’espèce sur l’île.

En 2019, un nouveau Plan National d’Action en faveur du Crabier blanc est rédigé par le GEPOMAY qui liste une nouvelle fois de nouvelles actions à mettre en place jusqu’en 2023 pour protéger l’espèce.

Qu’est-ce qu’un programme LIFE ?

Le programme LIFE (L’Instrument Financier pour l’Environnement) est l’outil financier de la Commission européenne qui soutient les projets dans les domaines de l’environnement et le climat. Il s’adresse à des porteurs de projets publics et privés et vise à promouvoir et à financer des projets innovants portant par exemple sur la conservation d’espèces et d’habitats, la protection des sols, l’amélioration de la qualité de l’air ou de l’eau, la gestion des déchets ou encore l’atténuation ou l’adaptation au changement climatique. Depuis 1992, environ 4 000 projets ont été financés dans toute l’Europe.

En parallèle, la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) lance un programme européen en 2018 pour une durée de 5 ans appelé le LIFE BIODIV’OM dans l’objectif de protéger 5 espèces mondialement menacées ainsi qu’un habitat rare sur 5 territoires d’Outre-mer : Guyane, Martinique, Saint-Martin, La Réunion et Mayotte. Sur cette dernière, la LPO travaille en partenariat avec le GEPOMAY qui met en œuvre les actions de terrain sur l’île dans le but de protéger le Crabier blanc. Ainsi, ce programme permet de mettre en place et de financer une grande partie des actions inscrites dans le dernier PNA :

  • Gestion des prédateurs

  • Amélioration des statuts de protection et de réglementation des sites d’alimentation et de reproduction de l’espèce

  • Aménagements de certains sites afin d’améliorer la sensibilisation et la protection de l’espèce

  • Restauration des certaines prairies humides, site d’alimentation de l’espèce

  • Sensibilisation de la population et travaux de concertation avec les acteurs locaux

LIFE BIODIV'OM : Le Crabier blanc à Mayotte

Le programme européen LIFE BIODIV’OM a été mis en place dans le but de protéger la biodiversité sur 5 territoires d’Outre-mer. A Mayotte par exemple : le GEPOMAY, la LPO et les partenaires locaux assurent la protection du Crabier blanc et de son habitat.

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Pour conclure

Le Crabier blanc est une espèce emblématique de par sa rareté et sa beauté. L’espèce est dite parapluie car la mise en place d’actions de protection pour cette espèce permet également d’en sauver de nombreuses autres.

Outre le rôle de site d’alimentation et de reproduction pour l’espèce, les zones humides doivent être protégées car ces dernières sont essentielles à l’être humain, pour lui fournir de l’eau, éviter les inondations ou encore le protéger des évènements climatiques.

80% de la biodiversité française est présente sur nos territoires d’Outre-mer, il est donc essentiel de protéger ces espèces déjà fortement menacées, telles que le Crabier blanc.

Portrait de l'auteur

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Portrait de l'auteur

Florent Bignon

Responsable de projet Outre-mer International — LPO France

Il a débuté son expérience en Polynésie française et à Mayotte afin d'agir pour la protection des tortues marines, puis à la Réunion pour les Terres Australes et Antarctiques Françaises où il oeuvre à la protection de la faune et la flore des îles Europa et Tromelin.

Aujourd'hui, il travaille pour la LPO France et participe à la coordination du programme européen de conservation, le LIFE BIODIV'OM sur 5 territoires d'Outre-mer.

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