Comment maîtriser le mildiou et l’alternariose de la tomate sans pesticides
Ingénieur en agroenvironnement
La tomate occupe une place importante dans nos jardins. Ce légume fruit tant apprécié en cuisine, riche en vitamines A, B, C et E, fait l’objet de la plus grande attention des jardiniers.
Contenant plus de 90% d’eau, il constitue un hôte de prédilection pour les maladies, notamment le mildiou et l’alternariose. Sa durée de culture l’expose dès le printemps aux contaminations, mais c’est en été, lorsque les fruits charnus se forment, que les dégâts sont les plus importants.
La connaissance de la biologie et des symptômes de ces maladies, permettent de mettre en place des mesures préventives pour assurer de belles récoltes !
Ce que vous allez apprendre
- Comment prévenir l'alternariose et le mildiou de la tomate, deux redoutables maladies estivales dans les potagers
- Quelles sont les bonnes pratiques de culture de la tomate
- Quelles sont les variétés résistantes, méthodes prophylactiques et produits de biocontrôle utilisables contre l'alternariose et le mildiou de la tomate
Jérôme Jullien
Si ces étapes sont bien respectées, l’alternariose et le mildiou de la tomate ne devraient pas vous poser de problèmes et vous pourrez déguster à coup sûr de beaux fruits !
L’alternariose plus fréquente que le mildiou de la tomate
Commune dans les potagers familiaux, l’alternariose des Solanacées (Alternaria solani) est préjudiciable en plein air comme sous tunnel plastique. Contrairement au mildiou, cette maladie fongique est capable de se déclencher en période peu humide, mais demande des températures plus élevées. Elle est donc naturellement présente lors des printemps doux et pluvieux, ainsi qu’en été où elle profite des rosées matinales, des petites pluies ou des averses orageuses pour se développer.
Le champignon évolue au fur et à mesure des précipitations, les dégâts s’accentuant lorsque la culture est en condition de stress (carences nutritives, etc.). L’intensité de la maladie n’est pas liée à la pression de l’inoculum à chaque cycle, mais à la succession de cycles rapprochés. Sous abri, son apparition est précoce grâce aux gouttelettes de condensation formées sur le film plastique simple paroi qui permettent la sporulation du champignon.
Dans un potager, il est important de surveiller les tomates primeurs qui sont exposées aux premières contaminations et qui risquent ensuite de propager la maladie sur les plantations plus tardives.
Symptômes d’alternariose
L’alternariose peut contaminer la tomate dès le stade plantule. Elle forme une ceinture brune autour des tiges, entraînant la mort de nombreux jeunes plants. Les feuilles jaunissent avant de tomber. Mais d’ordinaire, la maladie se manifeste plus tard en pleine terre, d’avril à octobre.
Elle provoque d’abord des petites taches brunes, sèches, de tailles variables sur les folioles. Ces macules, souvent entourées d’un halo jaunâtre, s’agrandissent et présentent des motifs concentriques. Le feuillage infecté se dessèche rapidement, surtout après les pluies. Sur les tiges, on constate des taches ovales concentriques, grises ou brunes. Les sépales se nécrosent et les fruits (même les tomates vertes) accusent des taches marron au centre noir. Certaines plages noires, concaves, de 1 à 2 centimètres, se forment à la base du calice (point d’attache du pédoncule, en haut du fruit). La durée d’incubation du champignon est au minimum de deux jours.
Le bon diagnostic de maladies pour vos tomates
Parmi le cortège de maladies de la tomate, la cladosporiose (Cladosporium fulvum) peut se manifester dans les mêmes conditions que l’alternariose, mais elle produit une moisissure brun violacé à la face inférieure des feuilles.
Le chancre noir du collet (Dydimella lycopersici) et la verticilliose (Verticillium spp.) provoque un flétrissement similaire du feuillage, mais les folioles ne présentent aucun symptôme.
Sur taches débutantes, il est possible de confondre l’alternariose avec d’autres maladies fongiques des taches brunes, telles que la stemphyliose (Stemphylium spp.) dans le sud-ouest de la France, des bactérioses (Xanthomonas axonopodis pv. vesicatoria, Ralstonia solanacearum) ou encore certaines viroses.
Mildiou : de graves symptômes
Provoqué par un organisme aquatique proche des algues, le mildiou (Phytophthora infestans) sévit dès le printemps sur les jeunes plants, puis se dissémine avec le vent et la pluie, avant d’infecter les tissus en présence d’eau ou d’une forte humidité et de températures comprises entre 10 et 25° Celsius. Dans ces conditions, il suffit de 2 heures d’humectation des feuilles pour déclencher une infection.
L’expression des symptômes est ensuite rapide, voire fulgurante après la phase d’incubation : taches foliaires translucides, puis plages d’aspect huileux avec un centre noir et une marge livide, brunissement de la nervure principale, flétrissement des folioles, taches brunes encerclantes sur les pétioles, les pédoncules et les tiges. Sur le pourtour des fruits, des taches brunes marbrées peuvent apparaître, avec un bosselage cuivré et un duvet blanchâtre.
Lorsque la température dépasse 30° Celsius, le mildiou est inactivé, mais non détruit. Il peut ainsi redevenir virulent dès que les facteurs météo lui sont à nouveau favorables.
Le Grand Livre du potager sans pesticides
Le guide d’Elisabeth et Jérôme Jullien s’inscrit dans une démarche agroécologique, sans recours à des produits chimiques de synthèse. Véritable outil d’aide à la décision, il décrit les bonnes pratiques de jardinage et de permaculture, de diagnostic et méthodes de soins sans pesticides de synthèse. Il accompagne les jardiniers jusqu’à la récolte et même au-delà, puisqu’il offre de nombreux conseils pour bien conserver les légumes.
Si certains aspects peuvent être discutés comme l’utilisation de variétés hybrides, l’ouvrage reste un formidable tour d’horizon efficace et pragmatique d’une mise en culture qui a bien plus de sens que ce que l’agriculture avait à nous proposer jusque-là.
Mesures préventives, prophylactiques et biocontrôle
Respectez une rotation des cultures de 4 à 5 ans sans solanacées (aubergine, piment, poivron, pomme de terre, tomates, etc.).
Utilisez des semences et des plants sains.
Ne semez pas trop tôt pour éviter de fragiliser les plants. La levée doit être rapide (6 à 8 jours entre 20 et 25° Celsius). Puis, conservez les plantules de 15 à 18° Celsius le jour et de 11 à 12° Celsius la nuit.
Semez à la densité prescrite et repiquez des plants trapus, bien durcis, en bannissant les étiolés.
Employez des couches de semis neuves et du terreau sain pour confectionner les mottes.
Ne plantez jamais à une température de sol inférieure à 15° Celsius.
Distancez les plants tous les 45 à 50 centimètres sur la ligne, en laissant au moins 60 centimètres entre-rangs pour limiter le confinement de végétation et l’humidité.
Supprimez les feuilles basses à mesure de l’élongation de la tige, en laissant un étage foliaire au-dessous du premier bouquet floral.
Proscrivez l’irrigation par aspersion, surtout en fin de journée, à la faveur d’un paillage et d’arrosages localisés au pied.
Associez à la tomate, ail, asperge, carotte, tétragone, basilic, céleri, chou, cresson, haricot à rames, oignon, persil, etc.
Fertilisez surtout en potasse.
Respectez les doses d’engrais azotés, même organiques. La tomate exporte pour 1 000 kilogrammes de fruits : de 2 à 3 kilogrammes d’azote, 1 à 2 kilogrammes d’acide phosphorique, de 4 à 6 kilogrammes de potasse, de 0,5 à 1 kilogrammes de magnésie.
Les pieds trop chargés en tomates sont plus exposés aux maladies.
Désinfectez les piquets d’une année sur l’autre avec de l’alcool à brûler ou du vinaigre blanc (50 millilitres par litre d’eau) avant tuteurage.
Sous tunnel, évitez la condensation en aérant la journée, notamment à partir de 20° Celsius.
Supprimez les repousses de pomme de terre et de tomate dans votre potager et à côté du tas de compost, car ce sont des hôtes primaires du mildiou et de l’alternariose.
Cul noir
Sans danger pour la culture, cette nécrose apicale compromet la qualité de la récolte.
Attention, on peut la confondre avec l’alternariose, mais celle-ci débute au niveau du pédoncule (haut du fruit), tandis que le cul noir se situe à l’opposé. De plus, la nécrose apicale provoque une tache brune bien sèche, en creux (tache dite « en coup de pouce ») ce qui n’est pas le cas pour l’alternariose.
Sur fruits verts, la tâche est d’abord vert foncé, puis vire au brun au fur et à mesure de la maturation du fruit pour devenir totalement noire sur les fruits mûrs. Facteurs favorisants : carence en calcium, arrosage irrégulier ou à l’eau fraîche en période chaude.
Moyens de lutte
En cas d’attaque de mildiou, éliminez rapidement les parties malades avec ensachage sur le terrain. Désinfectez les outils de coupe et utilisez des gants lessivables. Cultivez à bonne distance des variétés tolérantes ou résistantes (voir encadré plus bas). Si besoin, appliquez des lécithines (1,5 grammes par litre d’eau, 7 jours d’intervalle entre deux pulvérisations), du bicarbonate de soude (5 grammes par litre d’eau), une bouillie bordelaise (sulfate de cuivre) ou une solution d’oxychlorure de cuivre (à 50% de cuivre métal), en intervenant tous les 10 jours durant la pousse active à l’annonce de pluie, mais en respectant les délais d’emploi avant récolte.
Les mesures prises contre le mildiou limitent l’alternariose. Vous pouvez aussi cultiver des variétés tolérantes comme cerisette Brin de Muguet, Carmello F1, Paola F1 ou pulvériser des extraits de prêle dès l’apparition des premières fleurs, en renouvelant le traitement toutes les deux semaines, surtout à l’annonce de pluie, car une fois les contaminations faites, il n’existe aucun traitement biologique curatif.
En cas d’alternariose, repérer les foyers et supprimer les pieds les plus touchés. Eliminer scrupuleusement les feuilles tachées, ainsi que tous les débris végétaux. Puis, traitez les tomates restantes sans tarder.
Variétés de tomates résistantes au mildiou
Pour limiter les attaques de mildiou, il est judicieux de mélanger des variétés à fruits gros ou moyens de précocités différentes, rustiques et tolérantes, à des hybrides F1 résistants. N’oubliez pas d’y ajouter des variétés cocktail ou cerise, dont certaines tolèrent fort bien les maladies !
Sélection de tomates à fruits gros ou moyens
Variétés non hybrides mais tolérantes : De Berao, Handy Lady, Indigo Apple, Rose de Berne.
Hybrides F1 résistants : Bali, Erophily, Fandango, Fantasio, Ferline, Gourmandia, Honey Moon, Jennifer, Magnus, Maestria, Matias, Phantasia, Ombretta, Piline, Plum Regal, Potis, Prévia, Pyros, Ringo, Ristine, Sixtina, Tango, Uragano.
Tomates cerise ou cocktail peu sensibles
Bacchus, Crimson Crush, Dorada, Jasper, Matt’s Wild Cherry, Mountain Magic, Philovita, Sixtina.
Pour conclure
En général, l’alternariose de la tomate est plus fréquente dans les potagers que le mildiou. Mais ce constat varie d’une situation à l’autre, notamment selon la sensibilité des variétés cultivées et les facteurs météo. En tout cas, les jardiniers ont intérêt à prévenir ces deux maladies très préjudiciables, dont la soudaineté d’apparition, l’intensité et le potentiel de dissémination, sont élevés.
Leur maîtrise repose sur de judicieuses associations végétales (pensez à établir un plan de potager dès le début de saison), le choix et la diversité des variétés, la mise en œuvre de bonnes pratiques de culture telles que la rotation culturale et le respect des distances de plantation, ainsi que sur les mesures prophylactiques et les traitements de biocontrôle en cas de risques avérés.
Si ces étapes sont bien respectées, l’alternariose et le mildiou de la tomate ne devraient pas vous poser de problèmes et vous pourrez déguster à coup sûr de beaux fruits !
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François Couplan
Jérôme Jullien
Ingénieur en agroenvironnement
Il travaille depuis plus de 30 ans dans les domaines de la santé et protection des végétaux et de l’agroécologie pour le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, où il exerce la fonction d’expert national en surveillance biologique du territoire, horticulture, jardins et espaces verts.
Avec son épouse Elisabeth, investie depuis 20 ans à l’INRAE sur l’analyse des semences et la botanique, il a publié 13 ouvrages sur les arbres, les arbustes, les fruitiers, les légumes, le gazon et les pelouses fleuries, le diagnostic et les soins aux plantes du jardin, aux éditions Ulmer, Eyrolles et Sang de la terre.
Tous deux ont créé en Anjou un jardin de 60 ares avec potager, verger, pinède, pelouses, haies bocagères, massifs de plantes d’ornement, où ils pratiquent assidûment le jardinage.
Beaucoup de choses intéressantes dans cet article.
Mais est-ce bien raisonnable de conseiller encore l’utilisation du cuivre quand on sait que ce métal s’accumule dans le sol et qu’il y tue tous les champignons ? Est-il encore nécessaire de rappeler que les filaments mycéliens sont indispensables à la gestion de l’eau et des éléments nutritifs au profit des plantes ?
Notre expérience à nous, dans le jardin partagé de Limoges, c’est que la meilleure méthode consiste à sélectionner, d’une année à l’autre, les semences des plants les plus sains. Nous n’avons pratiquement plus de problèmes de maladies. Evidemment c’est impossible quand on cultive des F1.
Et bien sûr, pailler très épais et arroser le moins possible, c’est une bonne solution, à la fois contre les maladies et pour le respect des restrictions d’eau qui arrivent chaque année.
Enfin je témoigne : cultiver plusieurs sortes de végétaux en mélange sur la même planche, c’est très efficace. C’est d’ailleurs un des principes de la permaculture potagère 😉
Bonjour pour mes tomates je fais pousser des oeillets dans mes rangs de tomates je n ai jamais de problemes
Bonjour,
A ma connaissance, les œillets n’ont aucun effet avéré pour lutter contre le mildiou et l’alternariose de la tomate. Il s’agit probablement d’une coïncidence.
Les tagètes, notamment l’œillet d’Inde (T. patula), la rose d’Inde (T. erecta), le tagète citron (T. tenuifolia) et le tagète des décombres (T. minuta), ont des propriétés nématicides reconnues scientifiquement dans plus de 130 articles issus de la recherche, publiés dans le monde entre 1938 et 2019.
Lorsque ces plantes florales annuelles sont cultivées à proximité de végétaux sensibles à des nématodes nuisibles, tels que des solanacées potagères (aubergine, poivron, pomme de terre, tomate…) ou des cucurbitacées (concombre, melon…), elles émettent des exsudats racinaires contenant des substances biochimiques naturelles qui empêchent, soit l’éclosion ou la pénétration des larves dans les racines, soit le développement ou la reproduction des nématodes, et parfois les éliminent, en particulier les espèces à galles et ceux responsables de lésions racinaires.
Même s’il existe des nématodes bénéfiques dans le sol, l’utilité des tagètes dans un potager (à apprécier au cas par cas) est liée au risque d’infestation par des nématodes phytoparasites : ancienne attaque (diagnostic difficile, rarement fait par les jardiniers), monoculture ou rotation courte (moins de quatre ans pour la tomate, par exemple), culture sous abri, sol sablonneux se réchauffant vite au printemps.
Attention à respecter des distances suffisantes entre les plants pour ne pas entraîner une concurrence entre eux. On peut aussi intercaler les tagètes dans la rotation (jachère) entre deux cultures sensibles.
Bon jardinage,
Jérôme JULLIEN
Bonjour, Pourriez-vous me distinguer les symptômes du virus ToBRFV, de ceux de l’oïdium et de l’alternariose svP? Merci
Bonjour,
Les symptômes provoqués par le virus ToBRFV (Tomato brown rugose fruit virus – organisme nuisible soumis à des mesures d’urgence phytosanitaire dans l’UE) se manifestent en général sur la tomate sous la forme de décolorations associées à une déformation des tissus végétaux. Les fruits deviennent impropres à la consommation. On observe en particulier les manifestations suivantes :
– mosaïques foliaires ;
– déformations des tissus ;
– maturation irrégulière et taches jaunes sur fruits ;
– taches nécrotiques brunes des folioles, du pédoncule, des bouquets floraux et des fruits (brunissement marqué des sépales).
Cette maladie infecte aussi le poivron-piment et se propage très vite mécaniquement par simple contact, ainsi que par les semences. Le virus peut survivre plusieurs années dans les graines, les résidus de culture et le sol.
Le mildiou des solanacées, provoqué par un organisme fongiforme (Phytophthora infestans – Oomycètes), n’entraîne pas de déformation sur les fruits (contrairement au ToBRFV : aspect bosselé sur tomates vertes ou en début de coloration), ni de marbrure (vs ToBRFV : décoloration des fruits – alternance orange clair et orange foncé), mais les fait pourrir (larges taches brunes). En revanche, les deux maladies peuvent entraîner un noircissement des tiges en les ceinturant.
Quant à l’oïdium (Leveillula taurica, Pseudoidium neolycopersici), il est provoqué par un champignon qui produit des taches blanc poudreux sur la face supérieure des folioles de tomate. Les tissus infectés se décolorent et brunissent, mais sont d’aspect desséché. Des taches comparables peuvent être observées sur tige et pédoncules, mais les fruits ne semblent pas affectés, excepté les sépales.
Bon jardinage,
Jérôme JULLIEN