Le Nénuphar blanc des étangs : un précieux allié pour conserver les zones humides sahéliennes

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Pour tout propriétaire de bassin d’agrément, le Nénuphar est l’espèce à posséder absolument pour la beauté de ses fleurs. Faisant l’objet d’une sélection rigoureuse, il fournit des variétés qui rivalisent en couleurs, en taille des fleurs, en facilité de culture.

Mais combien de détenteurs de cette jolie fleur savent que les nénuphars possèdent de nombreuses vertus, que tout ou presque se consomme dans la plante et qu’en Afrique le Nénuphar blanc des étangs fait l’objet de toutes les attentions en raison des découvertes sur les vertus de cette plante aquatique ?

Ce que vous allez apprendre

  • Ce qu’est le Nénuphar blanc des étangs
  • La valeur energétique et pharmeceutique des graines de Nénuphars
  • L’importance des graines comme ressource alimentaire partagée entre les oiseaux et les humains
  • Le rôle que pourrait jouer le Nénuphar blanc des étangs dans la conservation des zones humides
Fatou Kiné Gueye
Il est traditionnellement utilisé comme aphrodisiaque, astringent, cardiotonique, sédatif, émollient, analgésique et comme agent anti-inflammatoire, les vertus étant variables selon les organes considérés de la plante.

Le Nénuphar blanc des étangs

Graines rouges de Nénuphar blanc des étangs
Graines rouges de Nénuphar blanc des étangs F. Kiné

Le Nénuphar blanc des étangs Nymphaea lotus est un macrophyte tropical et subtropical à la répartition initiale d’origine africaine, vivace et à grandes fleurs blanches qui vit dans les eaux douces, calmes et de faible profondeur. Il est la version africaine du Nénuphar blanc trouvé dans les eaux européennes.

  • Les feuilles sont plus ou moins circulaires de 10 à 30 centimètres de diamètre, coriaces, légèrement ciselées.

  • Le pédoncule est large et généralement glabre.

  • Le calice comporte 4 sépales ovales-oblongs à oblongs-lancéolés, de 5 à 9 centimètres de long.

  • Les pétales sont au nombre de 16 à 20, oblongs ou oblongs-lancéolés, arrondis ou aigus à l’apex.

  • Les étamines jaunes sont au nombre de 40 à 60, voire 75.

  • Les fruits, sphériques, font 4 à 6 centimètres de diamètre.

  • Les graines font 0,9 à 1,2 millimètres de long, sont ellipsoïdes et présentent de lignes longitudinales portant des papilles.

  • Les rhizomes peuvent être ramifiés ou pas, érigés ou ovoïdes.

La multiplication du nénuphar s’effectue par rhizomes ou par graines. Les fleurs s’ouvrent la nuit et ne se ferment qu’en milieu de matinée. Les abeilles et les autres pollinisateurs, et plus particulièrement des coléoptères, commencent à chercher du pollen en grande quantité sur la plante au lever du soleil. Les fleurs s’ouvrent pendant trois à quatre nuits consécutives. Elles sont protogynes, fonctionnant comme femelles la première nuit et comme mâles les deux nuits suivantes. La première nuit, les fleurs sont généralement ouvertes entre 19h00 et 22h00.

Fatou Kiné Gueye
Parce que ses racines peuvent absorber les substances toxiques telles que le mercure, le plomb, le phénol, etc. et filtrer les micro-organismes dans l’eau, le nénuphar joue un rôle important dans la décontamination de l’eau.

La valeur énergétique et pharmaceutique des graines de Nénuphars blancs

Les graines présentent une valeur énergétique allant de 350 à 375 kilocalories pour 100 grammes. Elles sont ainsi de même apport énergétique que d’autres espèces couramment consommées dans l’alimentation humaine telles que le riz (370 kilocalories pour 100 grammes), le maïs (365 kilocalories pour 100 grammes), le sorgho (339 kilocalories pour 100 grammes) et le mil (378 kilocalories pour 100 grammes).

Ceci montre que les graines de nénuphar peuvent participer à la diversification de l’alimentation et constituer une très bonne source énergétique surtout en période de soudure, quand les autres végétaux viennent à manquer.

Plat de poissons et graines de Nénuphars blan des étangs
Plat de poissons et graines de Nénuphars blan des étangs M. Cissoko

Il est traditionnellement utilisé comme aphrodisiaque, astringent, cardiotonique, sédatif, émollient, analgésique et comme agent anti-inflammatoire, les vertus étant variables selon les organes considérés de la plante.

Le Nénuphar est non seulement une plante ornementale, mais également une importante station d’épuration de l’eau. Parce que ses racines peuvent absorber les substances toxiques telles que le mercure, le plomb, le phénol, etc. et filtrer les micro-organismes dans l’eau, le nénuphar joue un rôle important dans la décontamination de l’eau.

Fatou Kiné Gueye
Dans la catégorie médicinale, les deux types de graines servent à la même chose : elles sont consommées par les diabétiques pour éviter la montée du taux de sucre dans le sang.

Les graines de nénuphar blanc dans l’alimentation des oiseaux comme des humains

Bon fonctionnement des zones humides
Bon fonctionnement des zones humides P. Triplet

Le rôle des graines dans l’alimentation de différentes espèces d’anatidés, en particulier du Canard pilet Anas acuta et de la Sarcelle d’été Spatula querquedula a été étudié.

Une analyse de 18 oiseaux tués à la chasse au Sénégal a montré que tous les contenus stomacaux contenaient des graines de nénuphars et chacun d’eux contenait en moyenne 400 graines. Dans 60 contenus stomacaux de Sarcelles d’été, il y a été jusqu’à 50 graines par contenu, ce qui atteste que les graines de Nénuphars sont recherchées en priorité par les deux espèces d’anatidés.

Le nénuphar entre dans l’alimentation humaine et toutes les parties en sont consommables. Les graines séchées et pilées servaient dans l’Egypte ancienne pour la fabrication du pain. Les Égyptiens consommaient également les rhizomes. Les graines, les rhizomes, les pétioles et les pédoncules des nénuphars sont actuellement consommés dans différents pays tropicaux quand les ressources alimentaires sont rares.

Les rhizomes peuvent être consommés crus ou bouillis comme un légume. Ils peuvent également être séchés et broyés en une farine qui entre dans la composition de nombreux mets. Les tiges se consomment crues ou cuites. Les fruits non mûrs sont consommés crus en salade.

Dans l’alimentation humaine, les graines de nénuphars ont longtemps été considérées dans certains pays d’Afrique comme le Sénégal comme pouvant permettre aux populations les plus défavorisées de pouvoir se nourrir avec un aliment leur apportant ce qui est nécessaire pour assurer leur équilibre alimentaire.

Dans ce pays, la récolte et la transformation des graines des Nénuphars sont faites par les femmes. Les graines sont rouges quand elles se forment et deviennent noires à la fin de la maturation. Une fois récoltés, les fruits sont séchés au soleil pour éliminer leur épicarpe avant de les piler. Les rhizomes sont séchés dès la cueillette après découpage pour faciliter leur transformation en farine.

Poudre de graines de Nénuphar blanc des étangs
Poudre de graines de Nénuphar blanc des étangs F. Gueye

Plusieurs recettes les intègrent à la place des céréales. Les graines noires servent à faire du couscous et des produits dérivés (beignets, bouillie, etc.) après fermentation. Les graines rouges remplacent le riz dans divers mets traditionnels après précuisson. Dans la catégorie médicinale, les deux types de graines servent à la même chose : elles sont consommées par les diabétiques pour éviter la montée du taux de sucre dans le sang.

Les bulbes sont aussi utilisés pour faire de la bouillie utilisée pour l’alimentation ou pour traiter diverses maladies dont la toux et le rhume. Ils sont réduits en une poudre consommée avec ajout de sucre pour diminuer l’amertume causée souvent par des substances chimiques qui procurent un goût désagréable.

Le nénuphar au secours des zones humides

Zone à nénuphars blanc des étangs
Zone à nénuphars blanc des étangs P. Triplet

Par effet de mode, ou par recherche de nouvelles expériences culinaires, de plus en plus de monde s’intéresse aux graines de nénuphars et le constat est, qu’à l’heure actuelle, il est plus rentable de vendre un kilogramme de graines de nénuphars qu’un kilogramme de riz, les prix de vente respectifs étant de 4,5 euros au minimum pour les graines de nénuphars contre 0,5 euros pour un kg de riz.

Le prix de vente plaide donc, au premier abord, pour une récolte importante qui permettrait aux femmes de villages de tirer des revenus de cette plante sauvage. Il est également un excellent argument pour maintenir en état des zones humides sans qu’il soit nécessaire d’investir pour produire.

Contrairement au riz, le nénuphar n’a pas besoin d’engrais pour se développer. Un niveau d’eau constant lui suffit pour assurer sa croissance et sa fructification. Et dans de telles zones naturelles maintenues en eau, les poissons peuvent également se développer et permettre la production de protéines animales indispensables à l’alimentation des populations locales.

Les zones humides trouvent ainsi une valorisation économique bien plus importante que leur transformation en rizières et cela peut permettre de développer une argumentation forte pour les conserver en état… mais également pour transformer des rizières en sites de production de nénuphars, ce qui revient à créer ou à restaurer des zones humides plutôt que de voir s’installer la monoculture de riz qui menace un des plus grands sites ornithologiques au monde et qui ne permet pas d’offrir aux populations une nourriture équilibrée.

Pour conclure

Comme le dit un élu local « on a du riz, mais rien à manger avec », ce qui n’est pas le cas des mares à nénuphars offrant de nombreuses ressources exploitables.

Une seule précaution sera à prendre, celle de s’assurer que la récolte des nénuphars par les femmes permette de laisser suffisamment de ressources pour les canards et qu’à côté de l’exploitation rationnelle des ressources naturelles puisse se développer un écotourisme essentiellement fondé sur l’observation des oiseaux.

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Aviez-vous déjà entendu parler de l'utilisation des graines de nénuphar blanc ?

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Fatou Kiné Gueye

Biologiste

En dernière année de thèse au Laboratoire de Botanique-Biodiversité de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, sous la supervision de professeur Mame Samba Mbaye, Biologie Vegétale/UCAD, elle travaille dans la valorisation des espèces négligées et sous utilisées, telles que les nénuphars, pour la sécurité alimentaire et sanitaire des populations rurales.

Portrait de l'auteur

Patrick Triplet

Directeur de la réserve nationale de la Baie de Somme

Biologiste de formation, sa thèse a porté sur les relations entre les Limicoles et leurs proies en milieu estuarien. Il s'est ensuite spécialisé dans la gestion des aires protégées.

Il est l'auteur du dictionnaire encyclopédique sur la conservation de la nature.

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6 réponses à “Le Nénuphar blanc des étangs : un précieux allié pour conserver les zones humides sahéliennes”

  1. Issue d’une famille de diabetique j’avais l’habitude d’en manger étant jeune. Malheureusement on n’en trouve quasiment plus sur les étals des marchés du nord (saint-louis, dagana et podor). J’ai entendu dire qu’a cause des serpents, la production a fortement baissé. On doit valoriser davantage ce produit pour une meilleure prevention/lutte contre les maladies chroniques notamment.

  2. Oui j’en ai déjà entendu parler, nous utilisons souvent les graines de nénuphar transformées en farine pour la fabrication de jus naturels

  3. Oui pour être du Walo donc de la Mauritanie et du Sénégal. « Diakhar » j’en
    ai mangé les graines ‘ et beaucoup m’amuser en faisant des coliers de la tige au fleur. Nous avons été béni par le delta et ces etangs sans le savoir. Bravo pour cet article. Djibril BÂ.

  4. Oui pour être du Walo donc de la Mauritanie et du Sénégal. « Diakhar » j’en
    ai mangé les graines ‘ et beaucoup m’amuser en faisant des coliers de la tige au fleur. Nous avons été bénis par le delta et ces etangs sans le savoir. Bravo pour cet article. Djibril BÂ.

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