La réintroduction du lynx dans la réserve de biosphère Vosges du Nord-Pfälzerwald

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La réserve de biosphère Vosges du Nord-Pfälzerwald a été reconnue réserve de biosphère transfrontalière en 1998 par l’UNESCO.

Cette vaste forêt de 230 000 hectares n’est pas fragmentée par des infrastructures pénalisantes pour la circulation des grands mammifères, mais elle est coupée du reste du massif Vosgien par l’autoroute Paris-Strasbourg (A4) au niveau du col de Saverne, ce qui est handicapant pour une efficace réintroduction du lynx.

Ce point noir a été identifié comme une priorité nationale et internationale pour la connectivité entre les massifs forestiers et montagneux de l’Est de la France, notamment pour les grands carnivores.

La création d’un éco-pont au-dessus de l’A4 au col de Saverne est un élément clé de la négociation entre l’Etat et la SANEF, société concessionnaire de l’A4.

Ce que vous allez apprendre

  • Ce qu’est la réserve de biosphère Vosges du Nord-Pfälzerwald
  • Ce qui a déjà été entrepris dans le cadre du programme de réintroduction du lynx
  • Comment le parc des Vosges du Nord participe à ce projet Allemand
  • Quelles sont les premiers succès du projet
Georges Louis Leclerc, comte de Buffon
Le lynx est un animal fabuleux, aussi bien que toutes les propriétés qu'on lui attribue.

La situation du lynx en Europe occidentale

Lynx en pleine forêt
Lynx en pleine forêt Ole Anders-retourne

Le Lynx boréal ou Lynx d’Eurasie (Lynx lynx) était autrefois largement répandu dans les forêts européennes.

À partir du XVIIe siècle, le félin s’est progressivement raréfié, victime d’une chasse intensive, avant de disparaître totalement d’Europe occidentale au milieu du XXe siècle.

Actuellement, l’espèce est présente essentiellement en Europe de l’Est et du Nord ainsi qu’en Asie.

Plusieurs projets de réintroduction ont eu lieu en Europe occidentale depuis les années 1970, des petites populations ont alors été recréées dans certains pays, comme l’Italie, la Suisse ou l’Allemagne.

Dans les Vosges, le lynx a également été réintroduit entre les années 1983 et 1993, mais depuis quelques années les effectifs semblent à nouveau décliner et la survie de l’espèce sur ce massif n’est plus assurée.

Actuellement on estime qu’il y aurait environ 500 lynx en Europe occidentale, tous issus de réintroductions.

Les faibles effectifs et l’isolement des populations de lynx font que sa situation en Europe occidentale reste défavorable.

Carte d’identité du lynx boréal

  • Répartition : Europe et Asie

  • Habitat : grands massifs forestiers

  • Territoire : de 100 à 400 kilomètres carrés

  • Vie solitaire

  • Logévité : 15 ans

Reproduction

  • Gestation : 70 jours

  • Nombre de petits : entre 1 et 4

  • Naissances : de Mai à Juin

  • Maturité sexuelle : 2 ans

Menaces

  • Destruction de son habitat naturel

  • Braconnage, tirs illégaux

  • Collisions avec les véhicules

  • Dérive génétique

Statut

  • Espèce protégée

  • Espèce éradiquée d’Europe occidentale au XXe siècle

  • 15 projets de réintroduction en Europe depuis les années 1970

Effectifs en Europe

  • 4 800 dans les pays nordiques

  • 2 800 en Europe de l’Est

  • 400 en Europe occidentale (issus d’animaux réintroduits)

Situation en France

  • Liste rouge : espèce en danger

  • Répartition : surtout dans le Jura

  • Statut précaire dans les Vosges

Le projet de réintroduction du lynx

Premiers lâchers dans la forêt du Palatinat
Premiers lâchers dans la forêt du Palatinat SNU_MartinGreve

Le projet Life Lynx Pfälzerwald, porté par la Fondation Nature et Environnement de Rhénanie-Palatinat et soutenu par l’Union Européenne, a débuté au 1er Janvier 2015.

Le projet prévoit la réintroduction de 20 lynx dans la forêt du Palatinat, sur une période de 5 ans (de 2016 à 2020). Les lynx réintroduits proviendront pour la moitié d’entre eux des Carpates slovaques et pour l’autre moitié du Jura suisse.

Chaque lynx libéré dans le cadre de ce projet porte un collier GPS et une puce électronique et peut donc être localisé et identifié. Ainsi, les déplacements et les territoires des lynx pourront être suivis durant l’année qui suit le lâcher.

Au-delà du suivi GPS, un monitoring précis des animaux, à l’aide de pièges photographiques et par la recherche d’indices de présence tels que des empreintes, des poils ou des restes de proies est réalisé.

Les partenaires du projet, qui participent activement à la mise en œuvre des actions sont le WWF (Fond Mondial pour la Nature), l’Office des Forêts de Rhénanie-Palatinat et côté français le SYCOPARC (Syndicat de Coopération pour le Parc Naturel Régional des Vosges du Nord).

Le projet Life Lynx a été approuvé par de nombreuses structures et associations, notamment l’UICN, la Fédération des Chasseurs de Rhénanie-Palatinat et le Syndicat des Eleveurs d’ovins et de caprins de Rhénanie-Palatinat.

La réintroduction de lynx dans la forêt du Palatinat est financée à 50% par le programme européen LIFE et a un budget global de 2,75 millions d’euros.

A côté de la Fondation et ses partenaires de projet, le Land de Rhénanie-Palatinat, la Fondation allemande de la Faune Sauvage, les associations NABU et BUND, la Fondation HIT Umwelt ainsi que d’autres organismes participent au financement du projet.

Les premiers lâchers de lynx

Réserve de Biosphère Transfrontalière Vosges du Nord-Pfälzerwald
Réserve de Biosphère Transfrontalière Vosges du Nord-Pfälzerwald RBT

Le 30 juillet 2016, trois lynx, originaires des Carpates slovaques, ont été lâchés dans la forêt du Palatinat.

Ce vaste massif forestier, situé dans le prolongement de la forêt des Vosges du Nord, forme la Réserve de Biosphère Transfrontalière Vosges du Nord/Pfälzerwald.

Les trois animaux, un mâle et deux femelles âgés de 1 an, 3 ans et 5 ans ont été libérés à Waldleiningen, à une quarantaine de kilomètres de la frontière française. Leurs noms (Kaja, Luna et Lucky) ont été choisis par des écoliers du Palatinat et des Vosges du Nord.

Ces trois individus représentent les premiers lynx du projet de réintroduction Life Lynx Pfälzerwald.

Relâché du lynx Arcos

Réintroduction du lynx dans la réserve de biosphère Vosges du Nord-Pfälzerwald

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Un article fruit d’une coopération transfrontalière

Cet article a été rédigés par deux auteurs, l’une travaillant au Fondation pour la Nature et l’Environnement de Rhénanie-Palatinat (Allemagne) et l’autre pour le Parc National des Vosges du Nord (France).

Les auteurs

  • Christelle Scheid

    Portrait de Christelle Scheid
    Portrait de Christelle Scheid Christelle Scheid

    Titulaire d’un doctorat en éthologie de l’Université de Strasbourg, elle dirige depuis 2013 le bureau d’étude Ecofaune.

    Spécialisée dans l’observation et l’étude du comportement animal, ses travaux visent à préserver l’environnement et les espèces, ainsi qu’à sensibiliser le public à l’importance de la protection de la nature et de la biodiversité.

  • Jean-Claude Génot

    Portrait de Jean-Claude Génot
    Portrait de Jean-Claude Génot Jean-Claude Génot

    Ingénieur écologue chargé de la protection de la nature au Parc naturel régional des Vosges du Nord, il s’occupe entre autres de la prise en compte de la nature dans la gestion forestière.

    Il s’occupe également de la protection des sites et des espèces remarquables et coordonne les actions en faveur de l’acceptation du lynx du côté français dans le cadre du programme Life lynx.

Les actions du PNR des Vosges du Nord

  1. L’opération « œil de lynx »

    Réalisée avec l’association d’éducation à l’environnement Les Piverts, à l’origine de ce projet pédagogique destiné aux classes primaires des écoles du Parc.

    En 2015 et 2016, dix classes ont été concernées sur le Parc, en parallèle avec dix classes du côté allemand.

    Une journée du lynx qui clôture les travaux avec les classes a été organisée le 28 juin 2016 en présence des parents et des habitants intéressés.

    Ce programme pédagogique va se dérouler jusqu’en 2020 avec dix nouvelles classes du Parc chaque année, ce qui participera activement à la valorisation du programme de réintroduction du lynx.

  2. Médiation avec les chasseurs

    Une étude sociologique a été confiée à l’Université de Strasbourg sur les représentations du lynx par les chasseurs du Parc.

    Une quarantaine d’interviews avec le sociologue a montré le fort attachement de nombreux chasseurs à leur lot de chasse et au gibier considéré comme un patrimoine, d’où un sentiment de défiance vis-à-vis du lynx, considéré comme un élément perturbateur.

    Les freins à l’acceptation du lynx ne sont pas seulement d’ordre culturel. Ils traduisent également des enjeux plus « politiques » car le lynx se retrouve embrigadé au sein de controverses d’acteurs, notamment celles entre chasseurs et forestiers sur le déséquilibre entre forêt et cervidés.

  3. Parlement du lynx

    Un parlement du lynx animé par des médiateurs professionnels qui réunit tous les principaux acteurs concernés par le lynx : chasseurs, éleveurs, forestiers, scientifiques, associations de protection de la nature, élus, administrations et usagers de la forêt (Club Vosgien).

    Le parlement s’est réuni à quatre reprises au cours de l’année 2016. Les réunions du parlement ont permis une écoute réciproque et respectueuse entre les membres et une compréhension des intérêts et contraintes de chaque acteur.

    Cette compréhension a été rendue possible grâce un jeu de rôle entre les acteurs et des travaux en groupe.

    Le parlement a établi un livre blanc des propositions de chaque acteur visant à une meilleure acceptation du lynx. Ces propositions engagent tous les acteurs et un porte-parole du parlement a rencontré le préfet de région en avril 2017 pour lui présenter notamment les propositions qui engagent les services de l’Etat.

    Il existe également un parlement du lynx transfrontalier qui s’est réuni une fois en 2016.

Entre communication et transparence

Gros plan d'un lynx en train de se reposer
Gros plan d'un lynx en train de se reposer Zoosnow

En 2017, le Parc des Vosges du Nord a continué à informer de façon transparente sur le déroulement du projet de réintroduction dans le Palatinat.

Il a organisé une réunion sur la transparence de l’information au cas où un lynx allemand traverserait la frontière.

Il a constitué un groupe de travail sur le lynx avec des chasseurs et entend travailler également avec les éleveurs.

En parallèle, le Parc va engager une campagne de communication auprès du grand public sur le lynx pour faire de cette espèce un emblème des forêts de la réserve de biosphère.

De plus, une campagne d’information sur le programme Life a lieu depuis 2015 et jusque fin 2018 côté français.

Cette mission a été confiée l’association franco-allemande Luchs Projekt Pfälzerwald-Vosges du Nord, qui organise des conférences pour les élus, les chasseurs, les habitants, qui traduit en français les communiqués de presse émanant de l’équipe de projet Life et a rédigé les pages en français sur le site web du programme.

Jean De La Fontaine
On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain, lynx envers nos pareils et taupe envers nous.

Actualités du projet

Suite aux trois premiers lynx lâchés en 2016, six nouveaux individus ont été réintroduits dans la forêt du Palatinat en 2017.

Lynx réintroduits en 2017

  • Arcos, un mâle provenant de Suisse, lâché le 7 mars.
  • Bell, une femelle provenant de Suisse, lâchée le 5 avril.
  • Rosa, une femelle provenant de Suisse, lâchée le 13 avril.
  • Cyril, un mâle provenant de Slovaquie, lâché le 22 avril.
  • Labka, une femelle provenant de Slovaquie, lâchée le 15 décembre.
  • Alosa, une femelle provenant de Suisse, lâchée le 20 décembre, mais qui a dû être euthanasiée quelques semaines après son lâcher, à la suite d’une blessure à la patte.

Ce sont au total neuf individus, six femelles et trois mâles qui ont été lâchés jusqu’à présent.

Si sept d’entre eux se trouvent toujours dans la forêt du Palatinat, un mâle, Arcos, a parcouru, dès les premiers jours qui ont suivi son lâcher, de longues distances en direction du Sud et s’est retrouvé après quatre semaines de pérégrination dans les Hautes-Vosges.

Il a ainsi parcouru 350 kilomètres, traversant plusieurs autoroutes et rivières, au sein de milieux ouverts.

Actuellement Arcos est toujours dans les Vosges du côté de Gérardmer et est suivi par le CROC (Centre de Recherche et d’Observation des Carnivores) et l’ONCFS.

Pour conclure

L'année 2017 restera marquée par un heureux événement : la naissance des premiers lynx du projet !

En effet, la femelle Kaja et le mâle Lucky se sont retrouvés à plusieurs reprises en février 2017.

C'est au mois de mai que Kaja a donné naissance à deux petits mâles, nommés Filou et Palu.

En novembre 2017, la petite famille se portait toujours bien, comme le révèle un cliché fait par un piège-photo placé dans la forêt.

Portrait de l'auteur

Vous avez déjà pu assiter à un relâché à des fins de réintroduction ?

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Portrait de l'auteur

Christelle Scheid

Docteure en éthologie — SNU RLP

Titulaire d'un doctorat en éthologie de l'Université de Strasbourg, elle dirige depuis 2013 le bureau d'étude Ecofaune.

Spécialisée dans l'observation et l'étude du comportement animal, ses travaux visent à préserver l’environnement et les espèces, ainsi qu’à sensibiliser le public à l'importance de la protection de la nature et de la biodiversité.

Portrait de l'auteur

Jean-Claude Génot

Ingénieur écologue — PNR Vosges du Nord

Ingénieur écologue chargé de la protection de la nature au Parc naturel régional des Vosges du Nord, il s’occupe entre autres de la prise en compte de la nature dans la gestion forestière.

Il s’occupe également de la protection des sites et des espèces remarquables et coordonne les actions en faveur de l’acceptation du lynx du côté français dans le cadre du programme Life lynx.

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Une réponse à “La réintroduction du lynx dans la réserve de biosphère Vosges du Nord-Pfälzerwald”

  1. Pour la situation dans les Vosges suite aux lâchers des années 80 – 90 , il y a visiblement eu un gros problème avec les chasseurs qui l’on éliminé (il n’y a plus de lynx dans les Vosges à part les « allemands »). Le lynx est assez vulnérable à la chasse au mirador car il peut rester immobile longtemps sur une place à observer ; si en face il y a un chasseur mal intentionné , il a tout son temps pour le tirer. Il faut donc espérer que le travail de communication a bien été fait avec les chasseurs allemands.

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