Interview de Vincent Munier, un photographe animalier qui nous fait voyager

Amoureux des grands espaces sauvages et voyageur de l’extrême, Vincent Munier a choisi la photographie comme outil pour exprimer ses rêves, ses émotions et ses rencontres.

Inspiré par les estampes des peintres japonais et l’art minimaliste, son travail met en scène l’animal au cœur de son environnement.

Les espèces de l’Arctique telles que le loup blanc, l’ours polaire, le harfang des neiges ou le bœuf musqué font partie de ce bestiaire qu’il continue d’explorer à travers des expéditions engagées, en solitaire et en autonomie.

Il est aujourd’hui l’auteur d’une douzaine de livres et ses photographies sont également publiées dans la presse. Elles font aussi l’objet d’expositions et sont montrées dans des galeries d’art en France, en Suisse, en Italie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Passionné par l’univers du beau livre, Vincent Munier a fondé les éditions Kobalann en 2010.

Ce que vous allez apprendre

  • Comment son regard se porte sur le monde animal et la nature
  • De quelle façon il aime à travailler et pourquoi
  • Ce que Vincent Munier aimerait voir évoluer
Dostoïevski
La beauté sauvera le monde

« Lutter pour la nature, c’est éviter la condamnation de l’homme » citation terriblement pertinente de Robert Hainard que vous avez faite vôtre.
Le Grand Hamster d’Alsace et sa problématique de conservation ne vous sont de loin pas étrangères, vous avez même réalisé plusieurs clichés de l’animal.
Que pensez-vous de la situation actuelle de cette espèce notamment en ce qui concerne la protection de son aire de répartition et de son milieu ?

On ne parle pas suffisamment de cette espèce, mais c’est vrai qu’elle est en danger de disparition totale en France !

J’ai fait seulement quelques jours d’affût au grand hamster (avec un boîtier insonorisé, car il est hyper sensible au bruit). Toujours au crépuscule, à la sortie des terriers…

Je trouve triste de voir si peu de place pour lui en Alsace : je l’ai chaque fois observé dans des mouchoirs de poche, entre autoroute, lotissement et culture intensive.

Qui est Vincent Munier ?

Vincent Munier en pleine action !
Vincent Munier en pleine action ! Jean-Marie Triboulot

Originaire des Vosges, Vincent Munier se passionne très tôt pour la nature. Il découvre la photo-graphie animalière à l’âge de 12 ans aux côtés de son père.

Depuis 2002, il a réalisé de nombreux voyages photographiques, dans sa quête de montrer la beauté des vastes espaces sauvages, où la nature n’est pas encore transformée par l’Homme.

En 2013, il passe un mois sur l’île d’Ellesmere (Arctique canadien), dans des conditions de froid extrême. Une meute de neuf loups blancs vient à sa rencontre : il vit alors l’un des moments les plus forts de sa carrière.

Vincent Munier et le loup blanc

L'histoire de Vinvent Munier avec le loup blanc

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Votre région natale, les Vosges, a vu naître votre passion naturaliste aussi sûrement que votre père naturaliste vous a vu naître.
Depuis lors vous n’avez pas perdu cette fibre-là, ce qu’on peut facilement comprendre.
Comment ces influences d’origine nourrissent-elles aujourd’hui encore votre travail de photographe ?

Ces influences sont encore très présentes car je vis toujours dans les Vosges. Je continue de parcourir les forêts où j’ai réalisé mes premières images et mon père m’accompagne parfois.

Je reste fidèle à des moments incontournables pour un naturaliste comme le brame du cerf, où mon oncle et mon père m’emmenaient enfant, ou simplement à des promenades sur les crêtes des Vosges.

Si une rencontre plus que de proximité avec des loups blancs vous a particulièrement touchée, vous préférez habituellement être distant de la faune sauvage, pourquoi ?

Ours brun du Kamtchatka, devant le volcan Ilinski
Ours brun du Kamtchatka, devant le volcan Ilinski Vincent Munier

Garder ses distances avec les animaux sauvages est essentiel : il ne s’agit pas de les habituer à la présence de l’homme.

Je recherche donc le moins possible la proximité avec les bêtes : ma démarche est, au contraire, de les observer sans être vu, de me fondre comme eux dans le paysage.

Il est très important à mes yeux de conserver et d’accepter une peur envers des prédateurs comme l’ours ou le loup, car elle est saine et utile.

DEFI-Écologique a dans ses amis plusieurs photographes animaliers qui ne sont pas tous, et loin s’en faut, à la fête financièrement.
Comment arrivez-vous à faire tout ce que vous faites tout en tirant tout de même votre épingle du jeu ?

J’ai la chance d’avoir fait de la photographie mon métier, peut-être parce que je m’y suis mis très jeune… Parce que je me suis toujours accroché, même dans les moments difficiles des débuts !

Je pense aussi qu’il faut savoir prendre des risques, oser aller là où l’on ne nous attend pas et être toujours en action !

Arctique, une exposition de Vincent Munier

L’exposition « Arctique » de Vincent Munier est visible jusqu’au 10 avril 2018 à l’Espace des mondes polaires.

« Arctique » cherche à dévoiler le respect que la nature impose, une véritable invitation au voyage mais également à la réflexion sur ces espèces aujourd’hui menacées par les dérèglements climatiques touchant de plein fouet leur environnement naturel.

Une amie intervenant actuellement au Jeu de Paume n’a eu de cesse d’apprécier votre travail depuis qu’elle a appris que nous allions vous interviewer.
Pourriez-vous lui expliquer plus avant, au-delà de l’inspiration tirée des travaux des photographes Michio Hoshino et Hannu Hautala, ce que vous considérez comme étant votre « sens artistique » ?

Il est difficile de définir son « sens artistique », tant il est le produit d’une culture visuelle (mais pas seulement), qui s’enrichit chaque jour depuis notre enfance…

Il est la somme de nombreuses influences : celles que nous découvrons au hasard, celles que nous choisissons et celles que nous ne contrôlons pas du tout et que nous subissons même (surtout dans un monde d’images comme le nôtre).

De manière générale, je dirais que je suis de plus en plus sensible au minimalisme d’une image, mais aussi au noir et blanc.

Je m’en rends compte avec le temps : mon œil d’artiste a tendance à vouloir effacer les couleurs.

Robert Hainard
Une forêt sans ours n’est pas une vraie forêt

Bon nombre de vos clichés donnent une réelle impression de mouvement et placent l’animal dans son environnement de façon très particulière, autant à travers des effets graphiques que par d’autres biais.
Comment vous y prenez-vous et les résultats sont-ils prémédités ?

Manchot empereur photographié en Terre Adélie, en Antarctique.
Manchot empereur photographié en Terre Adélie, en Antarctique. Vincent Munier

Difficile de préméditer ce que sera une rencontre avec un animal (ou même si elle adviendra) !

Mais lorsque j’évolue sur le territoire d’un prédateur comme l’ours, le loup ou le lynx, je le cherche et je m’attends à le voir.

J’ai donc des images en tête, qui naissent dans mon esprit. Mais elles ne forment qu’un horizon d’attente et rien n’est jamais gagné !

Parfois, je parviens à me rapprocher d’une image dont j’ai rêvé et je suis heureux.

Le reste du temps, chaque rencontre est une surprise, mais il y a bien sûr une intention dans chaque cadrage photographique.

De milieux qui disparaissent en espèces qui s’éteignent, vous êtes bien placé pour rendre compte des enjeux environnementaux de notre temps.
Si vous pouviez promulguer une loi internationale, laquelle serait-elle ?

Peut-être une loi de protection pour les espèces encore injustement classées ou considérées comme nuisibles, comme le renard.

Ou une autre pour créer de nouveaux parcs nationaux et espaces naturels protégés !

Il est toujours plus efficace de penser à l’échelle des milieux, pour espérer un impact bénéfique sur des paysages et sur toutes les espèces qui les habitent ou les traversent…

Pour conclure

Même s’il aura fallu du temps pour avoir cet échange, voilà qui en valait la peine !

Difficile de rater l’amoureux de nature et encore plus compliqué de ne pas comprendre rapidement que la simplicité l’anime.

Vincent Munier nous apporte un regard sur le règne animal et la nature dont nous avons aujourd’hui grand besoin.

Loin des exigences de sensationnalisme, c’est à travers un œil passionné de nature qu’il nous permet de voir le monde.

À bientôt sur les crêtes !

Portrait de l'auteur

Et vous, aussi passionnés de photographie naturaliste ?

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Portrait de l'auteur

Julien Hoffmann

Rédacteur en chef — DEFI-Écologique

Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.

Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.

 Julien est membre de DEFI-Écologique.

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Une réponse à “Interview de Vincent Munier, un photographe animalier qui nous fait voyager”

  1. Bonjour et merci pour cet interview.
    Vincent Munier, que je suis depuis plusieurs années, est certainement, en tout cas pour moi, le photographe animalier et naturaliste le plus emblématique au monde, au même titre que Laurent Baheux.
    J’envie ces hommes qui ont su faire de leurs vies cet enchantement au contact de la Nature.
    Merci encore pour cet article
    Alain

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