Compostage urbain : comment impliquer les citadins ? MOTE !

&

À Nancy et ses alentours, une designer a conçu et expérimente un îlot de compostage urbain pédagogique et paysager, pour un usage collectif en ville.

Au-delà du dispositif physique, des ateliers de sensibilisation visent à transmettre le savoir-faire et fédérer les usagers en communautés pérennes.

Ce que vous allez apprendre

  • En quoi consiste le compostage
  • Quels sont les enjeux du compostage
  • Comment composter comme il se doit
  • Quelles singularités le contexte urbain apporte à la pratique du compostage
Theodor Wiesengrund Adorno
Les musées préservent notre passé, le recyclage préserve notre avenir.

Brûler de l’eau

Déchets organiques compostables
Déchets organiques compostables Ben_Kerckx

Environ 75 000 tonnes d’ordures ménagères résiduelles sont collectées chaque année par les services du Grand Nancy.

Cette poubelle, dite « normale », regroupe indistinctement des déchets non recyclables et des déchets organiques.

Ces derniers représentent 30% du poids humide des poubelles des ménages.

Un foyer produit en moyenne 125 kilogrammes de déchets organiques par an. Une fois remplis, les sacs poubelles sont collectés puis incinérés.

Ce transport encombre le trafic routier, déjà très dense en ville, crée une dépense en carburant d’origine fossile (80 litres pour 100 kilomètres par camion) et participe à la pollution atmosphérique.

Les déchets organiques sont composés à 80% d’eau. Leur incinération revient donc à brûler de l’eau.

À la redécouverte du compostage

Si Eugène Poubelle avait déjà prévu, en 1884, une collecte différenciée des déchets ménagers, il faudra attendre le choc pétrolier pour que soient mises en place les premières campagnes de tri sélectif des déchets recyclables.

Le Grand Nancy lance en 1997 sa première opération de compostage individuel. La collecte est évitée puisque le traitement est local.

Les usagers recueillent dans leur cuisine, à l’aide d’un seau ou d’autres types de contenants, leurs déchets de fruits et de légumes, les coquilles et les boites d’œufs, les rouleaux de papier toilette, les sachets de thé, le café avec son filtre, les croutes de fromages, les miettes de pain, les cheveux, les ongles coupés, les restes de repas sans sauce, etc.

Lorsque le seau est plein, il est vidé dans le composteur, réparti uniformément à la surface puis mélangé.

Pour assurer l’équilibre entre azote et carbone du compost, il faut recouvrir l’apport avec l’équivalent d’un tiers du seau en matière carbonée : feuilles mortes, copeaux de bois, broyat de branchages, etc.

Le saviez-vous ?

Plusieurs bacs à composts
Plusieurs bacs à composts Antranias
  • Il est important de fragmenter les éléments à composter pour une décomposition saine, rapide et homogène.
  • Les agrumes produisent, en se décomposant, des huiles essentielles bactericides. Or, les bactéries jouent un rôle crucial dans la decomposition, tout comme les champignons. Il vaut donc mieux les éviter dans le composteur.
  • Les déchets de viande et de poisson émettent des odeurs extrêmement nauséabondes en se décomposant, en plus d’attirer les rongeurs. Il vaut donc mieux les éviter dans le composteur, comme dans le lombricomposteur.
  • La clef d’un compost de qualité, c’est l’aération. Il faut brasser le compost à chaque apport.

Compostage urbain : le retour d’une pratique oubliée

Endroit adéquat pour un emplacement de composteur
Endroit adéquat pour un emplacement de composteur M.O.T.E.

Un composteur a besoin d’être posé sur un sol naturel (terre ou pelouse), afin que les organismes remontent pour assurer la décomposition.

Cette solution nécessite un jardin excluant de fait les administrés résidant en habitat vertical (70% des administrés de la métropole du Grand Nancy).

En 2011, le Grand Nancy démarre le développement du compostage partagé. Le transfert d’un jardin privatif ou individuel vers un espace vert collectif implique la collectivisation de la pratique elle-même.

Se crée ainsi une communauté d’usage. C’est dans cette potentialité de lien social que réside la singularité de cette solution.

Néanmoins, les usagers ont été déresponsabilisés du traitement de leurs déchets depuis plus d’un siècle !

  • Les processus de décomposition nécessaires au compostage sont méconnus du grand public et sont victimes d’idées reçues péjoratives.
  • Les infrastructures ne sont pas mises à disposition de manière systématique par les collectivités territoriales et ne sont pas conçues pour une pratique collective.
  • L’ADEME offre des formations « Guide composteur » mais elles ne sont suivies, la plupart du temps, que par des militants et les personnes déjà sensibilisés à l’environnement.

Alors comment amener d’autres types de populations vers cette pratique ?

Démocratiser une pratique peu séduisante : le compostage urbain

Lorsque les composteurs sont installés dans l’espace public, l’exigence esthétique est accrue. Ils doivent faire paysage.

Le directeur du parc Sainte-Marie de Nancy a accepté d’accueillir une batterie de compostage classique, à condition que celle-ci soit bien à l’abri des regards, afin de ne pas « dénaturer » le parc, sacrifiant ainsi la vertu pédagogique.

Nous avons une relation malsaine avec nos déchets :

  • Nous culpabilisons d’en produire trop.
  • Nous préférons donc vite les voir disparaître.
  • Se faire surprendre par un voisin en train de vider sa poubelle est vécu comme une situation dégradante.

Adopter la pratique du compostage nécessite alors un glissement psychologique de la notion péjorative de « déchet » vers celle plus positive de « matière précieuse ».

Matières Organiques Très Expressives (M.O.T.E.)

Projet MOTE d'Aliénor Morvan
Projet MOTE d'Aliénor Morvan M.O.T.E.

Le projet M.O.T.E., conçu par Aliénor Morvan, fraichement diplômée en design de l’ENSA Nancy, a pris le parti de la transparence pour exhiber cette matière, plutôt que de la cacher.

C’est une fenêtre sur le vivant, qui invite à découvrir le processus de décomposition. Les strates deviennent un motif dans la ville.

Les spécialistes émettront bien sûr quelques réserves sur la photosensibilité des organismes, mais il s’agit là moins de rechercher une haute qualité de compost que de proposer un objet-vitrine de médiation.

Par ailleurs, le compost se réalisait jusqu’il y a peu en simple tas, sans entraver le processus de décomposition.

  • Les fonctions des différents bacs sont identifiables par la variation de leur hauteur et créent ainsi un rythme paysager.
  • La base des modules est hexagonale, pour permettre un agencement organique qui s’adapte à la topographie du lieu.
  • L’îlot est muni de bacs de plantation, pour rappeler le rôle final d’engrais du compost, incarnant ainsi l’ensemble du cycle du végétal de sa croissance à sa décomposition.

Commander un composteur urbain MOTE

Faire vivre l’îlot

Petit happeing de compostage urbain
Petit happeing de compostage urbain M.O.T.E.

Le porteur de projet peut être une commune, une association de quartier ou encore un établissement privé.

Une convention de mise à disposition est alors signée entre lui, la communauté de commune responsable des déchets ménagers et l’association M.O.T.E.

L’îlot ne peut pas à lui seul fédérer et former la communauté d’usage.

Ainsi, des permanences sur le futur site sont effectuées afin de présenter le projet de compostage urbain aux habitants du quartier et constituer ainsi une liste d’usagers potentiels.

Ils sont conviés à un programme d’ateliers proposés en amont de l’installation, pour apprendre le savoir-faire mais également apprendre à se connaître.

Un atelier de dessin permet d’assimiler les instructions. Les plus évocateurs sont reproduits sur le couvercle des bacs et sur des torchons pour conserver l’information dans les foyers.

Un deuxième atelier propose la personnalisation des bio-seaux, en rappelant l’importance de la fragmentation des éléments.

Atelier Cuisine ta Poubelle
Atelier Cuisine ta Poubelle M.O.T.E.

L’atelier « Cuisine ta poubelle » amène les usagers à transformer les épluchures et les fanes en délicieuse recettes, pour le buffet de l’inauguration.

Le point d’orgue de celle-ci se situe dans le baptême de l’îlot, symboliquement chaque usager vide pour la première fois son seau dans le bac d’apport.

Les référents sont désignés, le registre leur est confié et l’ensemble de la communauté signe une charte de bon usage.

Suivront dans l’année des ateliers sur les « intra-terrestres », les « invisibles » qui sont eux basés sur les craintes et les réticences observées, comme les insectes, les odeurs, etc.

Il s’agit de construire collectivement un imaginaire riche et réjouissant autour de la pratique du compostage urbain.

Pour DEFI-Écologique, Terravox vous accompagne !

Terravox, partenaire exclusif de DEFI-Écologique en matière de médiation au compostage à travers les îlots MOTE, est une entreprise spécialiste de la sensibilisation à la prévention des déchets.

Particulièrement reconnue pour son efficacité à accompagner les collectivités locales à renforcer leur démarche de prévention des déchets, Terravox a été formé par nos soins et a parfaitement intégré les années de retours d’expériences de terrain en matière de médiation autour de MOTE.

Luc Legault
Le peuple est le compost de la bourgeoisie

Le fonctionnement en routine

MOTE en intégration 3D
MOTE en intégration 3D M.O.T.E.
  • Le bac d’apport se rempli tous les trois mois.
  • Les référents sont chargés d’organiser les transvasements suffisamment en avance.
  • Chacun apporte sa contribution dans la mesure de ses disponibilités et de ses capacités physiques.
  • Une charmante grand-mère ne donnera qu’une pelleté symbolique mais aura préparé une tarte pour le goûter qui suivra.

En revanche, cela pose problème lorsque les personnes les plus impliquées sont toutes des personnes âgées, car la maintenance du compost est physique.

C’est donc également pour attirer de jeunes utilisateurs fringants, qu’il est impératif de donner une image dynamique et séduisante du compostage.

Les erreurs du quotidien

Les « indésirables » sont écartés méticuleusement.

Il s’agit souvent d’étourderie, des classiques élastiques de bottes de carottes ou de radis aux économes, sacs en bioplastique (uniquement dégradables en composterie industrielle), quelques agrumes.

Il arrive également de retrouver des trésors plus curieux, comme une paire de lunettes.

À Laxou, arrondissement de Nancy, les usagers ont apporté beaucoup trop d’os de poulet, générant d’importantes odeurs qui ont énormément gêné le voisinage.

Des articles de rappel ont été publiés dans l’Est Républicain et dans le journal municipal, des affiches ont été accrochés dans les halls d’immeubles et sur les bacs de compostage.

Pour conclure

Le compostage est une pratique endémique en milieu rural, mais sa transposition en ville modifie considérablement sa structure.

Elle devient collective, avec des usagers à la fois inexpérimentés et très exigeants, ainsi qu’un voisinage à préserver.

Les communautés peuvent être existante ou non, à l’initiative du projet ou non.

L’organisation et la formation des usagers sont capitales et doivent induire une forte convivialité, pour attirer de nouvelles typologies d’usagers.

L’intégration du dispositif physique au milieu urbain permet d’attirer l’attention, donner envie de participer en donnant une image valorisante de ses usagers.

Portrait de l'auteur

Quelles sont vos expériences du compostage urbain ?

Commenter

Réduire et traiter les déchets organiques à la source, même en ville

MOTE : Îlot de compostage urbain

« Matière Organique Très Expressive » est un projet qui vise à promouvoir le compostage partagé en milieu urbain, à travers un dispositif physique et un programme de sensibilisation.

MOTE : Îlot de compostage urbain

en savoir plus

Les spécialistes du sujet sont sur vos réseaux sociaux préférés

Logo de Métropole Grand Nancy

Métropole Grand Nancy

Logo de École du compost

École du compost

Logo de La Ruche qui dit Oui

La Ruche qui dit Oui

Logo de CompoRecycle

CompoRecycle

Logo de Économie circulaire

Économie circulaire

Logo de Mouvement des entrepreneurs sociaux

Mouvement des entrepreneurs sociaux

Portrait de l'auteur

Aliénor Morvan

Designer — DEFI-Écologique

Aliénor est née en 1989, elle vit et travaille à Nancy. Son travail questionne l’objet à l’échelle d’un territoire tant au niveau de la production que de l’usage. Sa démarche s’appuie sur l’investigation, l’étude des flux, des gestes et des interactions sociales pour déterminer la conception formelle de ses réalisations. La production des dispositifs est envisagée de manière locale et dans une démarche d’Economie Sociale et Solidaire. L’usage vise à développer les pratiques écologiques au sein de nos usages quotidiens. Elle est membre du réseau MOUVES et du réseau guides composteurs. Aliénor est membre de DEFI-Écologique.
Portrait de l'auteur

Julien Hoffmann

Rédacteur en chef — DEFI-Écologique

Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.

Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.

 Julien est membre de DEFI-Écologique.

Vous aimerez aussi

Nous sommes navrés, mais suite à des problèmes techniques, le formulaire d'ajout de nouveaux commentaires est temporairement simplifié.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *