Le lierre, une arme pour la biodiversité et contre le réchauffement climatique

Le lierre grimpant (Hedera helix), aussi commun qu’il puisse paraître, est en réalité assez méconnu et jouit encore d’une (fausse) réputation de parasite.

Pourtant, non content de jouer un rôle de premier ordre dans le maintien de tout un cortège de la petite faune sauvage il est également un outil de taille pour contrer les effets du réchauffement climatique.

Ce que vous allez apprendre

  • Le lierre grimpant est porteur de biodiversité
  • Le lierre n'est pas un parasite
  • Il peut nous être utile pour lutter contre la chaleur urbaine
  • Il a des propriétés dépolluantes
Julien Hoffmann
La Nature n’en finit plus de nous le démontrer, les solutions face aux problématiques telles que le réchauffement climatique sont inévitablement multiples.

Qui est le lierre ?

Lierre en fleur butiné par une abeille domestique
Lierre en fleur butiné par une abeille domestique MurielBendel

Aux fleurs en ombelles, comme la carotte sauvage, le lierre grimpant est une plante de la famille des Araliacées qui se fixe sur un support vertical selon ce qu’elle a à disposition. Du latin haerere « être attaché » et elein « s’enrouler », Hedera helix porte ainsi bien son nom.

Privilégiant les supports auxquels le lierre peut grimper, cette liane arborescente peut atteindre les trente mètres de haut, cent mètres de long et se fixe à l’aide de petits crampons.

Ses feuilles persistantes possèdent de 3 à 5 lobes triangulaires qui ont la caractéristique de changer de forme avant la floraison, sur les rameaux fertiles, quand la plante devient reproductrice.

Les fleurs, hermaphrodites, apparaîtront selon les endroits de fin août à fin octobre ce qui place le lierre dans la catégorie des plantes les plus tardives en la matière. Les baies qui suivront les fleurs apparaissent alors de novembre à juin de l’année d’après et sont à leur maturité aux alentours du mois de janvier.

Enfin, plante grimpante particulièrement efficace, le lierre va se déployer au petit bonheur la chance jusqu’à ce que ses petites racines, faisant office de crampons, trouvent une accroche et s’y fixent. Ces racines se lignifient alors tout en gonflant légèrement pour affermir leur prise. Ces mêmes racines sont pourvues de poils microscopiques qui vont alors sécréter une substance adhésive, avant d’eux-mêmes se solidifier en se vrillant sur eux-mêmes, finissant d’établir une prise remarquablement efficace.

Julien Hoffmann
Le lierre étant une des plantes à fleurir le plus tard dans la saison, il est essentiel pour bon nombre de pollinisateurs qui préparent tardivement leur hiver.

Le lierre et son arbre hôte

Énorme arbre à lierre, véritable réservoir verticale de biodiversité
Énorme arbre à lierre, véritable réservoir verticale de biodiversité Herzi Pinki

Les crampons du lierre lui servent de point d’ancrage et non à se nourrir du support sur lequel elles se fixent. Ce n’est donc pas une plante parasite car elle se nourrit bien, à travers ses feuilles, grâce à la photosynthèse. Sur un tronc d’arbre où l’on voit le plus souvent le lierre évoluer, ce dernier ne cause en effet aucun dégât.

Il est d’ailleurs à souligner que le lierre reste toujours à l’intérieur du houppier, n’empêchant jamais son arbre hôte de réaliser sa propre photosynthèse. La croissance des « arbres à lierre » a d’ailleurs elle aussi été éprouvée (Trémolières et al., 1988) sans qu’il y ait de différence avec les arbres qui n’en avait pas.

Si l’arbre sert de support de croissance au lierre pour qu’il puisse croître et trouver assez de lumière pour fleurir et se reproduire, le lierre protège quant à lui l’arbre des variations de températures, notamment hivernales.

Enfin, les feuilles du lierre se renouvellent environ tous les trois ans mais au printemps. Or, à cette période, il n’y a pas grand monde pour perdre ses feuilles ce qui veut dire que l’apport nutritif au sol, au moment où l’arbre recommence quant à lui un nouveau cycle, est loin d’être anodin et va permettre à l’arbre tuteur du lierre de croître encore plus.

Faire de la lessive avec du lierre

Si vous trouvez que votre lierre grimpant envahi par trop votre arbre, vous pouvez le tailler et en profiter pour réaliser votre propre lessive…

La toxicité du lierre est en grande partie due aux saponosides qu’il contient en grande quantité, saponosides qui sont de puissants dégraissants !

  1. Faites bouiller deux litres d’eau, jetez-y cent grammes de feuilles fraîches avant de laisser bouillir dix minutes.

  2. Sortez du feu et laissez reposer jusqu’à 24 heures avant de mixer le tout à l’aide d’un mixeur à légumes.

  3. Laissez reposer quinze minutes avant de filtrer le tout à l’aide d’un chinois ou d’une gaz, puis stockez en bouteille.

Attention cependant, la lessive au lierre a tendance à « griser » les blancs, mieux vaut donc éviter.

Le lierre pour palier au réchauffement climatique

Sans lierre recouvrant sa façade, cette maison n'aurait certainement pas été prise en photo…
Sans lierre recouvrant sa façade, cette maison n'aurait certainement pas été prise en photo… MyName

Partant du principe que chaque degré supplémentaire engendre, entre autres, une augmentation de la consommation d’énergie des climatiseurs de 9 à 12,6%, il est bon de commencer à travailler sérieusement sur toutes les solutions à notre portée.

Le lierre permet de végétaliser des façades entières sans aménagement onéreux, ni à l’installation ni à l’entretien.

Dans la majeure partie des cas, un mur végétalisé est plus efficace dans la lutte contre la chaleur quand il est entièrement recouvert même légèrement plutôt que partiellement mais de manière dense.

Le lierre est pour cela idéal car il cherchera de lui-même tous les endroits colonisables, orientant ses feuilles vers le soleil tout en laissant passer de l’air entre elles et le bâtiment.

Rajouté au phénomène d’évapotranspiration dans le cadre d’une façade et le bâtiment concerné verra ses fluctuations de température dans la journée diminuer de 50% ne dépassant pas les 30° Celsius là où un mur nu atteindra les 60° Celsius.

Colonisé d’un lierre à pleine maturité, un mur orienté à l’ouest se verra réduire de 28% le pic de transmission de chaleur par rapport à un mur nu lors d’une journée d’été ensoleillée !

Emile Augier
L'amour chez les vieillards a d'étranges racines / Et trouve, comme un lierre aux fentes des ruines / Dans ces coeurs ravagés par le temps et les maux / Cent brèches où pousser ses tenaces rameaux

Préparer la venue du lierre

Le lierre a donc la capacité de facilement coloniser un milieu sans être pour autant exigent en entretien. Afin de faciliter sa croissance tout en maximisant le rafraichissement du bâtiment à travers l’air circulant et le phénomène d’évapotranspiration, l’installation de structures permettant au lierre de grimper est la meilleure des solutions.

En effet câbles spécifiques et autres treilles dimensionnées pour le lierre vont maximiser l’effet de ventilation grâce à l’éloignement du mur tout en permettant un ancrage qui répondra plus aisément aux contraintes assurantielles et de l’urbain.

Et d’autres perspectives pour les îlots de chaleur

Le béton se vit certainement mieux quand il est dissimulé sous du lierre…
Le béton se vit certainement mieux quand il est dissimulé sous du lierre… ninaavelyn

La Nature n’en finit plus de nous le démontrer, les solutions face aux problématiques telles que le réchauffement climatique sont inévitablement multiples. Ainsi si le lierre a très certainement un rôle important à jouer dans la lutte contre la chaleur en milieu urbain, il se jouera aux côtés d’autres plantes et notamment les arbres.

Le lierre poussant de manière verticale, le coupler à des plantes à croissance plus horizontale comme les arbres, semble une évidence. Et en effet, les travaux réalisés en Amérique du Nord et notamment au Québec, tendent à prouver que ce binôme est porteur de beaucoup d’espoirs.

En réalité ce binôme entre plantes grimpantes et arbres a de nombreuses ramifications, allant jusqu’à une plus-value économique étonnante, la modification des couloirs de vents, la protection contre les UV, la limitation de l’impact des fortes précipitations sans compter l’influence esthétique ou encore le phénomène de captage de la pollution comme nous allons le voir plus bas dans le cas du lierre. Que d’arguments pour que l’on s’y mette !

Si le Lierre grimpant est toxique pour les animaux il l’est aussi pour les enfants, comme de nombreuses autres plantes au demeurant. Il est également un allergisant de contact pour les personnes sensibles et peut provoquer des lésions eczématiformes, des irritations ou des érythèmes. L’allergie de contact peut être vérifiée à l’aide de patch-tests de feuilles de lierre.

Victor Hugo
La nature vient au secours de tous les abandons ; là où tout manque, elle se redonne tout entière ; elle refleurit et reverdit sur tous les écroulements ; elle a le lierre pour les pierres et l'amour pour les hommes

Lierre et pollutions

Le lierre a une capacité d’absorption des particules qui équivaut à 6 grammes par an et par mètres carré (Dunnett et Kingsbury 2004). Afin que le lierre puisse absorber autant de particules qu’un arbre adulte il ne suffit alors que de 23 mètres carrés de façade. A la différence près que le lierre, contrairement à la plupart des arbres présents en milieu urbain, a des feuilles persistantes qui filtrent les particules tout au long de l’année.

Il semblerait également, et ce n’est pas là chose anodine en milieu urbain, que les feuilles de lierre soient plus chargées en plomb et en cadmium que ne l’est le reste de la plante. Tout comme les renouées du Japon absorbent les métaux lourds, le lierre aurait donc aussi cette propriété intéressante à son arc. S’il est utilisé dans cet objectif, il faudra donc ramasser les feuilles au moment de leur chute et les ramener en déchetterie pour éviter que les métaux lourds retournent à la terre.

Le saviez-vous ?

Il faut bien dire que la couleur rouille couplée à celle du lierre grimpant, ça a du chien !
Il faut bien dire que la couleur rouille couplée à celle du lierre grimpant, ça a du chien ! DerHexer

Puisque l’on parle de plantes grimpantes et de pollution, autant parler aussi de respiration !

D’après une étude sur le sujet il faudrait 150 mètres carré de surface foliaire pour couvrir les besoins annuels en oxygène d’une personne moyenne. Un mètre carré de mur couvert de la plante grimpante qu’est la vigne peut couvrir 3% de besoins en oxygène d’une personne alors que sur 1 mètre carré de mur couvert de lierre c’est 7% en oxygène qui sont couverts… Il ne faut donc que 14 mètres carrés de façade pour couvrir les besoin en oxygène d’une personne !

Encore un argument en faveur du lierre ?

Julien Hoffmann
Le lierre permet de végétaliser des façades entières sans aménagement onéreux, ni à l’installation ni à l’entretien.

Le lierre grimpant et la biodiversité

Il protège

Seuls les arbres affaiblis, sénescents ou malades peuvent se briser ou tomber au sol du fait du poids du lierre ou de sa prise au vent trop grande. Le lierre grimpant n’a en réalité aucune raison valable de vouloir ramper du jour au lendemain.

Au-delà de ce constat, un tronc d’arbre colonisé par le lierre est plus enclin à abriter tout un cortège d’animaux qui y trouveront abris, de quoi se dissimuler des prédateurs ou tout simplement subsistance.

Le nombre d’espèces présentes est donc, de fait, plus élevé avec tous les échanges qui en résultent entre espèces, et notamment la prédation. Il y aura donc beaucoup moins de chance pour qu’un arbre soit victime d’une quelconque pullulation de ravageurs puisque des auxiliaires auront tout aussi bien pu y trouver refuge.

C’est par exemple le cas des chrysopes qui apprécient grandement la présence du lierre Hedera helix !

Il nourrit

Grive litorne (Turdus pilaris) en train de se nourrir de baies de lierre (Hedera helix)
Grive litorne (Turdus pilaris) en train de se nourrir de baies de lierre (Hedera helix) Allan Hopkins

Le lierre étant, comme nous l’avons vu plus haut, une des plantes à fleurir le plus tard dans la saison, il est en cela essentiel pour bon nombre de pollinisateurs qui préparent tardivement leur hiver. Au-delà de cela, il est globalement extrêmement apprécié et attire 1,7 fois plus de pollinisateurs que les autres plantes et un total énorme de 235 taxons d’insectes différents !

Il en va de même pour ses baies qui sont les seules à être disponibles en plein cœur de l’hiver… Bien plus efficaces et naturelles que des boules de graisse pour aider les oiseaux, ces derniers ne peuvent cependant pas en consommer à outrance. En effet, les fruits du lierre grimpant sont passablement toxiques et ne se décomposent pas entièrement dans le système digestif des passereaux, les principaux animaux qui en sont friands.

En réalité, seuls les graines ne se décomposent pas, mais la pulpe des fruits est quant à elle digérée alors qu’elle est justement riche en lipides (32%) et en protéines (5%). Cette légère toxicité accélère le transit des oiseaux et évite ainsi la digestion des graines qui sont néanmoins dispersées par les excréments (endozoochorie) des oiseaux.

Au côté des interactions entre l’arbre et le lierre, c’est certainement là un bel exemple de coévolution à creuser. A noter que le pigeon ramier consomme lui aussi des baies de lierre, mais que lui, du fait de son gésier et des cailloux qui s’y trouvent, arrive à digérer les graines ne jouant ainsi pas le jeu du mutualisme !

Il donne refuge

Papillon Vulcain (Vanessa atalanta) en train de butiner sur un lierre grimpant (Hedera helix)
Papillon Vulcain (Vanessa atalanta) en train de butiner sur un lierre grimpant (Hedera helix) Andrew Curtis

Dans un lierre bien installé sur un arbre de bonne taille comme il les aime, il sera possible de trouver des hiboux moyen-duc en haut, des écureuils un peu plus bas mais aussi des merles noirs (qui représentent 40% de la consommation de baies), des grives musiciennes (17,7%), des étourneaux sansonnet (13%), des fauvettes à tête noire, des grives litorne, des troglodytes mignons et même des rouges-gorges.

Du côté insectes le lierre ne se prive pas de grand-chose et héberge avec plaisir donc les chrysopes, les syrphes et autres coccinelles dans la catégorie auxiliaires de culture.

Tous les pollinisateurs peuvent être intéressés par un lierre en floraison, mais c’est certainement pour les papillons que le lierre est essentiel et en particulier pour le vulcain (Vanessa atalanta), les argus et le paon du jour (Aglais io) qui y pondent leurs œufs et le citron (Gonepteryx rhamni) qui lui y réalise tout son cycle de vie. Une espèce d’abeille sauvage lui est même inféodée, c’est la collète du lierre (Colletes hederae) qui a besoin du lierre pour survivre. Même les chauves-souris y trouvent leur compte alors que l’on pensait pendant longtemps que le lierre obstruait pour elles les cavités qu’elles affectionnent. Sérotines communes et autres Pipistrelles pourraient même être favorisées par la présence du lierre qui les protégerait encore plus de la vue.

Si la chose est vraie durant la belle saison, le lierre n’arrête pas sa mission de maintien de la biodiversité à l’automne. Ses feuilles persistantes permettent alors à bien des insectes de réaliser leur diapause, mais aussi à tous les autres animaux à poils comme à plumes de venir s’y réfugier pour passer la mauvaise saison.

Collètes du lierre en pleine préparation de ses nids

La Collète du lierre s'active à réaliser ses nid au moment où le lierre est en pleine floraison, aux portes de l'automne et c'est un spectacle qui vaut le coup !

Regarder la vidéo sur YouTube

Pour conclure

Une chose en amenant une autre on s’aperçoit qu’il y aurait encore beaucoup à creuser sur le sujet et que le lierre grimpant gagnerait certainement à être plus étudié, que ce soit en matière de biodiversité ou de lutte contre les effets du réchauffement climatique.

Quoi qu’il en soit n’hésitez pas à lui laisser un petit peu plus de place que ce soit chez vous, dans vos vergers ou dans vos projets d’aménagements !

Portrait de l'auteur

Avez-vous un beau lierre près de chez vous ? Qu'avez-vous observé ?

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Portrait de l'auteur

Julien Hoffmann

Rédacteur en chef — DEFI-Écologique

Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.

Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.

 Julien est membre de DEFI-Écologique.

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