Lancez des bombes à graines, pour reconquérir les espaces verts en milieu urbain !
Les bombes à graines, aussi connues sous le nom de « seedballs » ou « seed bomb », sont des outils très utiles en plein effondrement de la biodiversité.
Tout le monde peut en lancer, adultes comme enfants, en ville comme à la campagne. S'il est très simple d'en fabriquer, il faut toutefois prendre garde à ne pas lancer n'importe quoi n'importe où.
Savoir comment en fabriquer et avec quelles semences, choisir correctement où et comment les lancer, comprendre pourquoi ce genre de gestes font la différence : c'est rajouter une brique à un avenir plus constructif et plus exigeant en matière de biodiversité.
Une bombe à graines lancée, c'est donner un peu plus de place à la biodiversité !
Ce que vous allez apprendre
- Comment l'utilisation de bombes à graines favorise la biodiversité
- Pourquoi le lancer de bombes à graines est un acte citoyen
- Comment en fabriquer vous-mêmes
- Comment utiliser les bombes à graines au mieux
- Quelles sont les précautions d'usage
Julien Hoffmann
Semer en utilisant des bombes à graines est une façon de s’accaparer l’espace public et de lui rendre ainsi sa fonction première de lieu de vie communautaire.
L’origine des « bombes à graines »

Sans avoir de sources précises, les références à l’utilisation de la méthode de la bombe à graines sont multiples et traversent les âges, notamment en ce qui concerne les amérindiens qui l’auraient alors largement utilisée.
Cette méthode de semis, car on peut appeler cela ainsi, a également été utilisée dans le cadre de reforestation dans des endroits difficiles d’accès.
On notera par exemple le travail réalisé en la matière dans les montagnes d’Honolulu dès 1930.
Peut-être y a-t-il là une façon de faire suffisamment efficace pour pallier au dérèglement de certains écosystèmes qui ont besoin d’animaux malheureusement disparus pour disséminer leurs graines.
Pour ce qui concerne plus particulièrement cet article, à savoir les bombes à graines utilisées en milieu urbain pour reconquérir les espaces verts, c’est au mouvement New Yorkais The guerilla gardening que l’on doit leur première réutilisation en 1973 pour revitaliser le quartier de Bowery.
Cette technique sera ensuite développée et améliorée par Masanobu Fukuoka qui lui donnera une portée mondiale.
Les bombes à graines : dans quelles circonstances ?
En agriculture : pour protéger vos graines des oiseaux, pour les glisser sous un paillage un peu dense ou pour fertiliser vos semis (à l’image des graines contenus dans les excréments des animaux sauvages).
Un acte militant : grâce à cette technique, n’importe quelle personne peut aider le vivant à faire face à l’effondrement de la biodiversité.
Projets de renaturation : car les lancers (ou bombardements) de bombes à graines permettent de végétaliser des endroits inaccessibles ou interdits d’accès.
Julien Hoffmann
Des ateliers de fabrication de bombes à graines sont tout à fait à-propos pour sensibiliser les jeunes publics.
Le saviez-vous ?

Comme on a pu le voir plus haut, on doit « l’invention » de la bombe à graines urbaine au mouvement « Guerilla Gardening ».
Ce dernier a pris le parti du mouvement de la « green guerilla », de RTF (Reclaim The Fields), des TAZ (Temporary Autonomous Zone), des Diggers, du Squat…
D’origine espagnole, « guerilla » signifie « petite guerre », une guerre où des francs-tireurs lancent des assauts sporadiques au lieu de combattre en masses.
Des Espagnols prirent ainsi le nom de « guerilleros » lors de leur combat pour repousser Napoléon et conserver leurs terres agricoles de subsistance. Si les soldats sont apolitiques et suivent les ordres, les guérilleros sont autonomes, ils n’ont pas le poids de la bureaucratie et sont des électrons libres qui ne répondent qu’à leur propre cause.
Ils sont à la fois commandants et simples soldats, ils sont en dehors d’une gestion pyramidale, ce qui leur donne un pouvoir d’action et une grande liberté d’expression.
Les mots utilisés (guérilla, bombes, action…) sont facilement compréhensibles.
Ils peuvent paraître guerriers mais ils relèvent d’une dérision volontaire entre la violence d’une guerre et le calme et la sérénité nécessaires au jardinage.
Cela donne aussi une teneur détendue mais déterminée à un mouvement fondamentalement pacifiste.
Pourquoi lancer des bombes à graines ?

Parce que le paysage urbain actuel ne laisse pas assez de place à la biodiversité, les bombes à graines sont un outil efficace pour coloniser les lieux oubliés par les gestionnaires et aménageurs.
Parce que les plates-bandes de fleurs entretenues par les services des espaces verts sont trop souvent aseptisées et rarement réfléchies pour favoriser une biodiversité urbaine qui en a bien besoin.
Parce que nos amis pollinisateurs sont toujours ravis de trouver de quoi manger là où avant il n’y avait rien.
Parce que semer en utilisant des bombes à graines est une façon de s’accaparer l’espace public et de lui rendre ainsi sa fonction première de lieu de vie communautaire.
Parce que les plantes abritent tout un cortège d’insectes, que ce soit dans leurs tiges pour passer l’hiver, sur leur tige pour se nourrir de leur sève ou encore sur leurs feuilles pour s’en rassasier. Et parce que tout un tas d’oiseaux vont se régaler de ces mêmes insectes !
Parce que faire fleurir des coquelicots ou des espèces comestibles permet aux associations écologistes de toucher des publics variés et de lutter contre les inégalités sociales, tout en marquant notre présence sur un territoire, l’appropriation citoyenne des espaces publiques et permettant le retour de la vie sauvage.
Victor Hugo
Retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs.

Pour vos bombes à graines fournissez-vous en semences de qualité, et pourquoi pas aussi en variétés peu courantes.
Kokopelli est pour cela une association qui mérite largement qu’on la soutienne en achetant ses produits.
Vous pouvez produire vos propres graines en en plantant quelques-unes dans une jardinière pour les multiplier et en avoir pour l’année d’après.
Le réseau graines de troc vous permettra également d’en échanger pour vous procurer de nouvelles variétés.
Il est également possible de récolter dans la nature, des graines gratuites et rustiques. Pour les coquelicots, par exemple, c’est particulièrement simple.
Essayez de préparer vos bombes à graines en début d’année…
C’est au printemps que nombre de graines germeront le plus efficacement, ce n’est pas pour rien que c’est aussi la période où il y a le plus de pollen dans l’air.
À ce titre faites attention aux allergies.
Comment fabriquer une bombe à graines ?

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La petite boule de terre ou l’assemblage terreau et argile
La recette de la bombe à graines « classique » est relativement simple à réaliser.
Il vous faut mélanger 2 volumes d’argile avec un volume de terreau ou de compost et bien malaxer le tout avec un peu d’eau pour obtenir des boules de la taille d’une balle de ping-pong ou moins.
Une fois votre boule réalisée, insérez-y vos graines, sans trop charger, à l’aide de vos doigts (exemple : 3 graines de tournesols ou 15 graines de bourrache).
Reformez une boule, ça y est, elle est prête à être lancée.
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Dans une coquille d’œuf
La bombe à graines « prête à éclore ».
Il vous faut pour cela un œuf vidé. Vous l’aurez cassé en prenant soin de n’avoir enlevé que le minimum de coquille à une des 2 extrémités de l’œuf.
Réalisez un mélange de 2 volumes de terre légère avec 1 volume de compost que vous humidifiez.
Remplissez votre œuf aux 3/4 avec le mélange, déposez-y les semences, recouvrez pour le combler entièrement.
Pour fermer l’œuf, utilisez du papier journal que vous collerez dessus à l’aide d’un pinceau et… de blanc d’œuf !
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Bombes à graines dans le commerce
Plusieurs entreprises vous permettent d’acheter des bombes à graines prêtes-à-lancer. L’avantage, c’est que vous obtenez les plantes nécessaires à un usage ou à une espèce spécifique, avec un engrais approprié.
La boutique en ligne Balles de graines propose une gamme bien fournie en plus d’un blog très intéressant.
La bombe à graines en « pilule » est encore en développement, l’idée a le mérite d’être originale tout en restant tout à fait dans la même veine que les bombes.
Graines et pollution
Si la France est très en retard sur ce type de méthode, l’INERIS commence néanmoins à se pencher sur l’utilisation de graines dans le cadre de la dépollution.
Là où on réfléchit déjà à l’utilisation de champignon dans le même but et alors que l’on connait bien moins le milieu fongique, il était temps !
5 plantes qui s’adaptent bien aux terrains et conditions difficiles : vos bombes à graines vont adorer !
Si ces 5 plantes sont bien adaptées à une utilisation en bombes à graines, il ne faut pas pour autant rester uniquement à celles-ci.
Tout dépendra de ce que vous voulez obtenir comme résultat… Et oui, on peut aussi réfléchir en matière d’esthétique, surtout si vous vous attaquez à des friches !
Mais on peut réfléchir en matière de biodiversité, de couverture du sol pour limiter l’érosion et bien d’autres choses.
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Chèvrefeuilles — Lonicera sp.
Chèvrefeuilles (Lonicera sp.) Stan Shebs En plus de sa capacité d’adaptation le chèvrefeuille régalera tous les pollinisateurs.
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Coquelicot — Papaver rhoeas
Coquelicot (Papaver rhoeas) Michael Maggs Aérienne et robuste, cette plante se ressème particulièrement bien si le terrain lui plaît.
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Cosmos — Cosmos bipinnatus
Cosmos (Cosmos bipinnatus) JLPC Superbe fleur, le cosmos est relativement rustique et ses hautes tiges sauront régaler les yeux.
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Rudbeckia — Rudbeckia hirta
Rudbeckia (Rudbeckia hirta) Alias 0591 Peu gourmand en arrosage, Rudbeckia amènera sa touche toute particulière de jaune magnifique.
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Sedum Herbstfreude — Sedum telephium
Sedum Herbstfreude (Sedum telephium) Magnus Manske La sècheresse ne lui fait pas vraiment peur et sa floraison sera assez longue pour taper à l’œil !
Petite sélection donc, mais on est toujours preneur de vos retours d’expérience alors n’hésitez pas à nous en faire part !
Les bombes à graines, quelles que soient les graines utilisées, ont aussi vertu civique, alors ne vous contraignez pas sur les graines au point de ne pas en faire (hormis sur les graines de plantes invasives, bien sûr).
Parmi les plantes à considérer, nous aimons beaucoup la bourrache, les phacélies, la consoude ou des variétés rustiques (panais, courges, etc.). Les plantes vivaces ou comestibles présentent des intérêts indéniables !
Robert Louis Stevenson
Ne juge pas chaque jour à la récolte que tu fais mais aux graines que tu sèmes.
Où ?

Sur les terrains en friche
Il s’agira là de se renseigner un tant soit peu (ou pas) sur ce que le sol a subi et pourquoi pas favoriser les engrais verts tels que la phacélie (Phacelia tanacetifolia) ou la moutarde (Sinapis alba).
Dans les « jardins de curé »
Ces petits espaces verts de quelques mètres carrés devant la porte d’entrée de nombre de maisons ou d’immeubles.
Peu de chance que vos plantes dérangent grand monde, mais choisissez néanmoins des semis de plantes annuelles !
Au pied des arbres
La balle de semences composées, comme on l’a vu, est composée de terre et de terreau qui aideront les graines à se développer plus sûrement qu’en les semant directement sur une terre trop pauvre.
Vérifiez également que personne n’ait déjà tenté de planter des comestibles.
Sur remblais, même de chantier
Et oui… certains remblais de chantier sont impressionnants, mais surtout peuvent rester sur place plusieurs années avant que ledit chantier ne soit fini.
Autant les utiliser !
Dans les parcs et jardins publics
Bien souvent, ils sont tondus à outrance, ne laissant que peu de place à autre chose qu’une étendue verte de quelques centimètres de haut.
Trouvez à votre bombe à graine un endroit ensoleillé pas forcément accessible.
Sur les toits plats
Goudronnés et gravillonnés, ces toits accumulent au fil des ans de quoi laisser place à quelques plantes.
Choisissez des variétés résistantes, peu exigeantes et au système racinaire léger pour éviter d’endommager les lieux.
Le long des berges
Parfois fermées au public, augmenter le nombre de variétés de plantes présentes ne fera jamais de mal.
Lancer dans un champ en monoculture : une bonne idée ?
Si, de prime abord, il pourrait sembler cohérent de lancer des bombes à graines dans des champs en monoculture, une telle action peut en réalité être contre-productive.
De nombreux herbicides sont par exemple utilisés pour réduire la présence de coquelicots. Si vous lanciez, avec succès, des graines de coquelicots dans un champ régulièrement traité, il est fort probable que sur le long terme la personne traitant le champ ne voit le retour de cette magnifique plante que comme une raison d’augmenter la dose de traitement.
En plus de potentiellement inciter à traiter plus vous risqueriez également d’entrer en conflit avec l’agriculteur ou l’agricultrice de la parcelle, qui est déjà sous pression.
Fabrication rapide de bombes à graines
Vidéo du mouvement Green Guerilla décrivant les étapes de fabrication d'une bombe à graines
Pour les enfants ?

Pour toutes les raisons qui ont déjà été citées jusque-là, des ateliers de fabrication de bombes à graines sont tout à fait à-propos pour sensibiliser les jeunes publics.
Vous pourrez alors aborder la place du sauvage en ville, mais aussi les problématiques d’urbanisme ou encore le cycle de pollinisation des végétaux et bien d’autres thèmes.
Comment fabriquer une bombe à graines
Vidéo expliquant aux enfants comment fabriquer soi-même une bombe à graines
Pour conclure
Subversive, certainement… Efficace, sans aucun doute !
La bombe à graines a également ses vertues pédagogiques et permet de s'inscrire dans une volonté croissante des citoyens de s'approprier les espaces publics, tous les espaces publics.
En cela nous sommes toujours friands de retours d'expérience, si vous avez des photos de résultats de bombes à graines, nous sommes preneurs ! Il en va de même pour les mélanges de semences que vous avez utilisés ou pour savoir comment vous avez amélioré la démarche. N'hésitez pas à partager vos expériences ou à poser vos questions dans les commentaires ci-dessous !

Vous avez vos propres recettes de bombes à graines ?
CommenterSensibilisation créative et ludique à des préoccupations environnementales ou scientifiques
Ateliers pédagogiques
Conception et animation d’ateliers pédagogiques et créatifs liant contenu scientifique et culture artistique.

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Réseau Semences Paysannes

Les incroyables comestibles

INERIS

Julien Hoffmann
Rédacteur en chef — DEFI-Écologique
Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.
Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.
Julien est membre de DEFI-Écologique.
Grégoire Llorca
Formateur en sobriété numérique — DEFI-Écologique
Comment communiquer sur internet de manière écologique ?
Comment militer tout en gagnant sa croûte ?
Chaque jour, je travaille avec DEFI-Écologique en tentant de répondre à ces questions.
Aider les écologistes à transmettre leur connaissances et savoir-faire, c'est ça mon métier !
Je suis aussi militant pour Alternatiba et ANV-Cop21.
Grégoire est membre de DEFI-Écologique.