Pourquoi réaliser des associations de cultures ?

Les associations de cultures sont un outil particulièrement efficace, même si la technique est loin d'être maîtrisée dans tous les cas de figure.

Associer différentes cultures, hormis une bonne dose de bon sens, nécessite de glaner un maximum de connaissances sur les plantes que l'on va faire cohabiter afin qu'aucune plante ne nuise à l'autre. Ce risque mis de côté, on pourra alors tirer profit de la cohabitation des plantes et ce de bien des façons, parfois inattendues.

Loin de l'idée que la monoculture ou « culture pure » est la solution, il s'agit de trouver des techniques nouvelles (parfois anciennes), pour répondre aux enjeux d'aujourd'hui notamment dans la réduction de l'utilisation d'intrants.

Ce que vous allez apprendre

  • En quoi consiste l'association de cultures
  • Comprendre les associations culturales à travers des exemples
  • Ce que l'on peut attendre de cette technique
  • Les éventuels désavantages de la méthode
Pierre Rabhi
Notre sort est indissociable de celui de l’environnement. Arrêtons de nous croire au-dessus ou en dehors.

Plusieurs niveaux d’associations de cultures

Les interactions entre les plantes se jouent à bien des niveaux que l’on ne peut de loin pas tous aborder ici. Il est cependant possible de classer ces interactions, dans le cadre de l’association culturale, en quatre familles :

  • Les plantes compagnes

    La plante compagne favorise la croissance sans forcément jouer un autre rôle. Cela peut aller dans un seul sens ou, plus rarement, dans les deux sens.

  • Les plantes amies

    Que ce soit pour maximiser l’utilisation de l’espace ou parce qu’elles peuvent s’apporter l’une l’autre une solution à des besoins en nutriments, certaines plantes peuvent se côtoyer avec plaisir. Mais le rôle de ces interactions positives ne se limite pas qu’à cela, comme vous le verrez plus bas dans cet article.

  • Les plantes protectrices

    Certaines plantes repoussent les ravageurs de cultures et ceci à travers plusieurs mécanismes différents, comme la terre de diatomée qui les repousse en les desséchant. D’autres plantes attirent les ravageurs à elles aidant par la même à épargner les plantes cultivées. Enfin toute une catégorie de plantes attirent de plusieurs façons possibles les auxiliaires de cultures qui eux aussi limiteront l’impact des ravageurs.

  • Ennemie

    Une plante « ennemie » est une plante qui va freiner voir empêcher la croissance d’une ou plusieurs autres plantes.

Association de cultures : une technique, des méthodes et des objectifs

  1. L’association culturale se fait au moment des semis. Les semis sont mélangés avant de les mettre en terre et semés dans le même temps sur les mêmes lignes.

    L’exemple des graines de radis mélangées aux graines de carottes est assez emblématique si l’on parle de potager : la croissance bien plus rapide des radis permet d’espacer les carottes et la récolte des radis finalise d’éclaircir suffisamment pour assurer une croissance aux carottes.

  2. Les semis sont réalisés à la même période mais sans être mélangés au préalable, éventuellement sur des lignes différenciées ou pour satisfaire aux périodes de semis.

  3. Une plante est destinée à être récoltée alors que celle (voir celles) qui lui est associée restera sur place. Dans cette hypothèse, la plante qui n’est pas récoltée sert de couvert végétal, d’engrais vert, à favoriser la présence d’insectes auxiliaires, de repoussoir à bioagresseurs, à favoriser la croissance ou autres.

  4. Les plants issus de serres sont mis en terre de manière à maximiser les avantages de chaque plante et de minimiser au mieux les désavantages éventuels de celles-ci. Ce genre de démarche nécessite une réelle organisation dans le plan de plantation et notamment en ce qui concerne les rotations culturales et autres CIPAN par exemple.

Les associations de cultures intéressent aussi la recherche

PerfCom
Les associations de cultures sont utilisées depuis l'aube de l'agriculture mais elles ont progressivement disparu avec l'intensification des agro-écosystèmes, durant le XXe siècle, au profit de systèmes fondés sur des peuplements cultivés monospécifiques.
Ces systèmes sont actuellement remis en cause avec l'émergence des préoccupations d'économie d'intrants, la nécessité d'améliorer l'efficience des facteurs de production et de préserver l'environnement et la biodiversité.
En France, on estime à seulement 50 000 hectares la surface des associations céréale-légumineuse. Elles sont principalement destinées à l'auto-consommation dans les élevages en agriculture biologique.

Constat fait en 2012 et en préambule du projet PerfCom sur les cultures associées et porté par l’INRA, L’IRD, SupAgro Montpellier et d’autres acteurs du même acabit.

Les indicateurs de productivité : exemple de l’agroforesterie

Châtaigners et maïs - En plein champ en Dordogne, association sur plusieurs hectares
Châtaigners et maïs - En plein champ en Dordogne, association sur plusieurs hectares Défi-écologique

La surface équivalente de l’association, ou SEA (appelée LER, Land Equivalent Ratio, en anglais) permet de comparer l’efficacité biologique du SCI (« Système de Culture Intercalaire » ou association culturale) à celle des monocultures agricoles et forestières.

Elle est utilisée pour déterminer s’il est plus avantageux, pour une surface donnée, d’associer les arbres et les cultures que de les produire séparément.

La SEA correspond à la surface requise, si l’on produit les arbres et les cultures séparément, pour obtenir la même production qu’un hectare en SCI. Une SEA supérieure à 1 indique donc que le SCI est le système le plus productif.

Graves et al. (2007) ont estimé, à l’aide de la modélisation, que la SEA de plusieurs dizaines de scénarios de SCI intégrant des feuillus nobles ou des peupliers hybrides était, à quelques exceptions près, supérieure à 1, et pouvait même atteindre 1,4.

Dans de tels cas, cela signifie que 1 hectare en SCI produit autant que 1,4 hectare où les arbres et les cultures seraient produits séparément.

Exemple du triticale et du lupin

Les parcelles manquent d’arbres et paraissent bien grandes, mais la technique reste intéressante.

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Le jardin iroquois : exemple d’une association séculaire

Méthode du jardin iroquois - Femme plantant haricots et courges au pied du maïs
Méthode du jardin iroquois - Femme plantant haricots et courges au pied du maïs Ecolopop

Aussi appelé méthode des « Trois Sœurs » utilisé en premier lieu par les amérindiens d’Amérique du nord et d’Amérique centrale, comme son nom l’indique, consiste en l’association culturale du maïs, du haricot grimpant et de la courge.

Certainement un des plus vieux et des plus éprouvés modèles d’association culturale, il s’agit d’utiliser le maïs comme tuteur pour les haricots grimpants alors que les courges servent de couvert au sol afin d’en garder l’humidité.

Mais cette association ne se limite pas à ces caractéristiques. En effet les haricots sont connus pour fixer l’azote dans le sol, azote dont raffolent tout particulièrement le maïs et la courge.

Les résidus cumulés de ces trois plantes en fin de saison vont ensuite permettre de couvrir le sol pour la mauvaise période tout en apportant de la matière organique.

Enfin, autre avantage auquel on pense moins à réaliser cette association, c’est la complémentarité nutritive des aliments produits. De la terre à l’assiette, le jardin iroquois est une association culturale qui a et porte toujours ses fruits !

Stéphane Le Foll
L'agroécologie est un choix de durabilité pour l'agriculture. C'est un mouvement de fond.

Le méteil : efficacité d’une association traditionnelle

Le méteil consiste en une association de céréales et de protéagineux. On trouvera dans le mélange de 1 à 4 céréales et de 1 à 2 protéagineux et ce afin de produire de l’alimentation pour les animaux entre grains et fourrage.

Ce mélange permet à la fois d’améliorer la quantité de protéines produites, de limiter la verse (culture se couchant sous l’effet du vent) des cultures par l’effet tuteur, d’apporter de la matière organique au sol après récolte si seul le grain est récolté, de limiter l’envahissement des adventices par l’effet couvrant du méteil et de garantir les rendements d’une année sur l’autre.

A cela s’ajoute enfin l’impact sur la biodiversité présente sur parcelle dans la mesure où la diversité de nourriture disponible est multipliée du fait que plusieurs plantes sont présentes. Les bioagresseurs se voient ainsi limités dans leur action par la présence plus importante de potentiels auxiliaires et la résistance aux maladies est démultipliée par l’effet des différentes plantes les unes sur les autres.

Inconvénients éventuels

Si l’association culturale semble très prometteuse à bien des niveaux, il faut cependant garder à l’esprit que, comme toute technique, il y a des désavantages potentiels.

  • Pour certaines associations, il est possible que les rendements en protéines soient diminués.
  • Une restriction dans la planification de la rotation culturale est à anticiper. Les mélanges d’espèces ont l’inconvénient de maintenir les parasites de toutes les espèces de plantes présentes là où la rotation culturale a, en partie, pour but de limiter ce phénomène.
  • Le cas échéant, il est à prévoir des coûts supplémentaires pour le tri des graines après récolte.
  • La gestion de la prise en compte des besoins de chaque plante est complexe même pour un simple potager. Elle n’en reste pas moins intéressante !
  • La technique est encore souvent expérimentale et gagnerait à être suivie et diffusée, que ce soit dans un jardin ou en plein champ.
  • Il est souvent impossible de désherber chimiquement. Les herbicides n’étant pas sélectifs, au moins une plante en souffrirait.
  • Les semis en plein champ peuvent demander un passage par graine selon la taille de la graine (problème de taille de trémie).

Pour conclure

Les enjeux d'aujourd'hui nécessitent de trouver des solutions innovantes que l'on peut, comme souvent, trouver en regardant en arrière sans pour autant oublier d'aller de l'avant.

Technique vieille comme le monde, l'association culturale mise au goût du jour sera peut-être ce qui façonnera l'agriculture de demain avec des segmentations moins rigides entre les métiers.

Quand les viticulteurs commencent à avoir des céréales dans leurs rangs de vignes et que les maraîchers plantent des arbres, un rapprochement des professions est peut-être de mise, qui sait…

Quoi qu'il en soit des motivations qui peuvent pousser à mener ce type d'expérimentations ou à appliquer de telles techniques du potager au plein champ (bon, ne nous cachons pas derrière un brin de paille, la motivation est essentiellement pécuniaire), la biodiversité dans son ensemble et l'environnement en général a tout à y gagner.

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Julien Hoffmann

Rédacteur en chef — DEFI-Écologique

Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.

Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.

 Julien est membre de DEFI-Écologique.

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7 réponses à “Pourquoi réaliser des associations de cultures ?”

    • Synthétique est le terme idoine, oui. Nous nous sommes vite rendu compte qu’il fallait en faire un ebook complet si on voulait commencer à aborder le sujet de manière globale. Vous avez pu le parcourir par hasard ?

  1. Démarche intéressante. Je suis curieux de savoir comment vous allez pérenniser cette belle aventure? Merci d’essayer et bravo.

  2. la culture mixte céréale-légumineuse est un outil efficace pour augmenter l’efficience des ressources naturelles comme le N et le P, protection contre les bio-agresseurs et l’augmentation du taux de protéines surtout chez les céréales. on peut donc conclure qu’il faut dès maintenant penser à développer cette technique culturale et la combiner avec l’utilisation des bio-stimulants.

    • Bonjour,

      Et merci de vos retours, cela fait toujours plaisir ! Est-ce que vous avez des études précises concernant l’augmentation du taux de protéines tel que vous en parlez ici ?!

  3. Dans « mon jardin sans pétrole » je relate mes expériences d’association de plantes. La première étude scientifique est anglaise, date du milieu du 19e siècle. Elle a été mené par le jardinier de l’abbaye de Woburn. Plus le mélange de variétés de plantes Fourragères est important plus la biomasse l’est.
    Christine Laurent

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