Utilisation du Neem (Azadirachta indica) en agriculture

Azadirachta indica, plus connu sous les noms de margousier ou de neem, est un arbre à feuillage caduque originaire d’Inde. Son nom vernaculaire signifie « qui guérit toutes les maladies, tous les maux ; qui donne bonne santé ». D’origine tropicale du sud de l’Himalaya, on le trouve aujourd’hui jusqu’en Afrique sub-saharienne.

Il appartient à la famille des Méliacées comme Ekebergia capensis Sparrm., Khaya senegalensis (Desr.) A. Juss., Pseudocedrela kotschyi (Schweinf.) Harms, Trichilia emetica Vahl.

  • Ordre : Spindales
  • Famille : Meliaceae
  • Genre : Azadirachta

Feuilles, fruits, écorce, graines et racines, toutes ses parties peuvent être utilisées en de multiples applications. Nous nous intéresserons ici exclusivement à ses utilisations en agriculture.

Ce que vous allez apprendre

  • Comment reconnaître le margousier ou neem
  • Comment cette espèce est utilisée en agriculture
  • Quelles sont les recettes d'insecticides naturels à base de neem
Olivier Lavaud
Azadirachta indica est prioritairement utilisé pour son action insecticide, mais il ne faut pas sous-estimer son rôle en tant qu’amendement et production de bois en région aride.

Description du neem

L’arbre

Neem en plein champ
Neem en plein champ DEFI-Écologique - Olivier Lavaud

L’arbre mesure entre 5 et 15 à 20 mètres de haut (30 à 40 mètres maxi). À fût droit, la hauteur maximale de son tronc est de 7,5 mètres pour un diamètre de 0,9 mètre. Sa cime arrondie est toujours verte, sa couronne ronde peut atteindre 10 mètres de diamètre.

Son écorce de couleur gris-brun est crevassée longitudinalement et en biais, sa tranche est rouge foncé. Le bois est dur, lourd et de couleur rouge à brun, sa densité est de 720 à 930 kilogrammes par mètre cube.

Il est adapté aux conditions sous-arides et subhumide, avec une pluviométrie annuelle de 400 à 1 200 millimètres. Il tolère de hautes températures (32 à 40° Celsius), mais ne supporte pas les températures en dessous de 4° Celsius. Sa durée de vie est supérieure à 200 ans.

Ses feuilles

Les feuilles se trouvent au bout des branches. Elles se composent de 5 à 8 paires de folioles opposées, réparties sur un pétiole de 15 à 25 centimètres de long à base épaissie.

Le limbe des feuilles est lancéolé, falciforme, avec des bords à dents aiguës, de 7 à 10 centimètres de hauteurs et 2 à 3 centimètres de largeur. Leur sommet est longuement acuminé, la base très dissymétrique, le côté supérieur plus ou moins arrondi, le côté inférieur en coin est plus ou moins aigu. Leur nervure est pennée, peu saillante, avec 20 à 25 nervures parallèles.

Olivier Lavaud
Azadirachta indica n’est pas conseillé dans le cadre de l’agriculture multi-étagée (agroforesterie) : ses racines très développées, notamment en surface, sont d’une concurrence trop forte pour pouvoir y cultiver à proximité.

Ses fleurs

Fleur de neem aussi appelé margousier
Fleur de neem aussi appelé margousier DEFI-Écologique - Olivier Lavaud

L’Inflorescence en panicule est lâche et très fleurie, disposée à la base des feuilles, de 10 à 25 centimètres de long. Les inflorescences portent de 150 à 250 fleurs. Des fleurs bisexuées et des fleurs mâles existent sur le même individu.

Les fleurs sont blanches à jaune pâle, très parfumées, pédicellées (0,5 à 1,5 centimètre de long), à 5 pétales étalés portant au centre les étamines réunies en tube, d’environ 1 centimètre de diamètre. La pollinisation est réalisée par les insectes.

Ses fruits

Le fruit, drupe ovoïde, glabre, de 1,5 à 2,8 centimètres de long et 1,2 à 1,5 centimètres de large, jaune à maturité, ne contient généralement qu’une graine noyée dans une pulpe visqueuse et plus ou moins sucrée. La peau est mince et la pulpe douce à légèrement amère. Son amande, au tégument brun, est allongée (1 à 2 centimètres de long). À maturité, il peut produire jusqu’à 50 kilogrammes de fruits par an, soit environ 30 kilogrammes de graines.

Ses racines

Son système racinaire est profond, lui permettant de résister à la sécheresse. Il s’enracine dans tous types de sols profonds et bien drainés, caillouteux à sableux, avec un pH de 6,2 à 7.

L’arbre est souvent planté comme brise-vent, adapté à la fixation des dunes, et participe ainsi à la lutte contre la désertification. Il ne peut pas se développer dans un sol gorgé d’eau.

Multiplication et entretien

Sa multiplication s’opère par semis, bouturage ou marcottage aérien des racines et des pousses. Les graines ont une durée de vie courte, de 2 à 3 mois maximum.

L’arbre résiste bien à l’émondage et à l’élagage, permettant ainsi de limiter l’ombrage pour les cultures et de produire ainsi du bois de façon régulière.

Olivier Lavaud
J’ai pu constater sa capacité d’adaptation dans des sols pauvres, ferralitiques au Togo, ou en zone semi-désertique montagneuse au nord du Bénin.

Utilisation dans le milieu agricole

Incorporation de feuilles de margousier en culture
Incorporation de feuilles de margousier en culture DEFI-Écologique - Olivier Lavaud

L’arbre est planté comme ornement autour des parcelles cultivées, avec fonctions d’ombrage et de brise-vent. Il peut être utilisé en reboisement mono-spécifique pour aider à restaurer les sols en mauvais état. En effet, il a une capacité à développer un système racinaire très performant, profond, lui permettant de résister à la sécheresse et de fixer le sol en surface. Ses feuilles forment une litière riche qui, peu à peu, nourrit l’espace de plantation.

Azadirachta indica n’est pas conseillé dans le cadre de l’agriculture multi-étagée (agroforesterie) : ses racines très développées, notamment en surface, sont d’une concurrence trop forte pour pouvoir y cultiver à proximité. Il convient de noter que Azadirachta indica est localement invasif et tend à se substituer aux espèces locales.

Azadirachta indica est prioritairement utilisé pour son action insecticide, mais il ne faut pas sous-estimer son rôle en tant qu’amendement et production de bois en région aride. Il est planté à proximité des villages pour faciliter l’accès aux produits et services recherchés tels que l’ombrage, la pharmacopée, le bois énergie et de construction.

Finalisation d'incorporation de feuilles de neem en culture
Finalisation d'incorporation de feuilles de neem en culture DEFI-Écologique - Olivier Lavaud

Le premier principe actif des feuilles, et surtout des graines, est l’azadirachtine (C35H44O16). Son action provoque des troubles dans l’alimentation des ravageurs. Cette substance se trouve également dans Mélia azédarach, arbre surtout présent en Asie, Australie et Pacifique, supportant jusqu’à -10° Celsius. L’azardirachtine agit par ingestion et par contact. L’effet principal est l’interférence avec le développement post-embryonnaire, en tant que régulateur de croissance. Le second réduit l’envie de la nutrition et, indirectement, affecte négativement la fertilité des adultes ainsi que celle des œufs. L’effet répulsif de la solution est dû à sa forte amertume.

Cette molécule représente un danger pour les larves d’abeilles, provoque des lésions du foie et des poumons chez certains mammifères. Elle est identifiée comme un possible perturbateur endocrinien et est considérée comme carcinogène génotoxique. Les études se contredisent, il est difficile de mesurer objectivement les risques de cette substance. Comme pour toute utilisation de produit actif, un usage ponctuel, raisonné et ciblé, est conseillé. Les protections individuelles sont nécessaires pour la pulvérisation.

Olivier Lavaud
Feuilles, fruits, écorce, graines et racines, toutes ses parties peuvent être utilisées en de multiples applications.

Utilisation des feuilles

Feuilles de neem
Feuilles de neem DEFI-Écologique - Olivier Lavaud
  • Comme molluscicide, contre les escargots et les limaces.

  • Comme répulsif contre les rongeurs, les termites et les oiseaux.

  • Consommées par les caprins et les dromadaires.

  • Pour le déparasitage externe du bétail (infusion ou huile) : teigne, tiques, puces, etc.

  • Comme paillage ou à incorporer au sol 15 jours avant les semis ou le repiquage, permet de limiter la population de vers nématodes du sol et fertilise le sol.

  • Incorporées dans les compostes, valeur moyenne en grammes par kilogrammes de matière sèche : Calcium 16,7 ; Azote 18,7 ; Phosphore 9,2 ; ne contient pas de Potassium(4).

Utilisation des graines

  • Comme molluscicide contre les escargots et les limaces.

  • Comme répulsif contre les rongeurs, les termites et les oiseaux.

  • Comme engrais et biostimulant (réduites en poudre et arrosées sur le sol).

  • Comme insecticide pour conservation des semences contre les charançons, les bruches (réduites en poudre et mélangées avec les semences).

  • Comme insecticide contre de nombreux insectes (plus de 200), tels que les pucerons, les mouches blanches, les sauterelles, les acariens, les nématodes, le doryphore, les Crambidae, etc.

  • Pour lutter contre certaines maladies comme l’oïdium, la flavescence dorée en viticulture et les pourritures de la racine.

  • Pour l’alimentation du bétail en granulés de noyaux broyés (40% de protéines et 7% de lipides).

Utilisation du tourteau après extraction de l’huile

Comme engrais à incorporer en surface, à raison de 4 tonnes par hectare : il enrichit le sol en matière organique et en éléments nutritifs, diminue également les pertes d’azote en inhibant la nitrification (Aderni, 2006 ; Azim et al., 2011). Sa teneur peut atteindre 3,7% en azote, 0,94% en phosphore et 1,19% en potassium (Rao et al. 2014).

Exemples de préparations

Insecticide à base des feuilles

Feuilles et pétiole de neem
Feuilles et pétiole de neem DEFI-Écologique - Olivier Lavaud
  1. Broyer ou piler 1 kilogramme de feuilles fraîches.

  2. Mettre les feuilles dans 5 litres d’eau (de pluie ou forage), laisser macérer une nuit.

  3. Enlever les feuilles, filtrer le mélange dans un tissu fin.

  4. Diluer à 10% (1 litre d’extrait pour 10 litres d’eau), ajouter du savon liquide (savon noir), à raison de 100 millilitres pour 10 litres de solution. Il faut 80 kilogrammes de feuilles et 400 litres d’eau pour traiter 1 hectare de champs.

  5. Pulvériser le soir, la solution étant sensible au soleil.

  6. Appliquer deux fois par semaine dans les zones fortement infestées, arrêter la pulvérisation 4 jours avant les récoltes.

Insecticide à base des graines

  1. Cueillir ou ramasser des fruits mûrs (couleur jaune).

  2. Enlever la pulpe, la remettre au champ directement, c’est un engrais.

  3. Éliminer les graines moisies, faire sécher en couche mince dans un endroit sec, ventilé et ombré. Stocker les graines séchées dans des sacs à l’abri de l’humidité.

  4. Prendre un vieux mortier (les graines ont une odeur très forte), piler doucement pour enlever la coque et ne pas casser l’amande. Séparer les coques des amandes, faire un tri pour supprimer les amandes moisies. Les coques peuvent servir de paillage sur les plates-bandes de cultures.

  5. Piler doucement les amandes de façon à ne pas extraire l’huile.

  6. Mélanger 500 grammes de la poudre obtenue dans 10 litres d’eau, laisser reposer une nuit. En cas d’attaque importante, mettre 1,5 kilogrammes de poudre pour 10 litres d’eau.

  7. Filtrer dans un tissu fin.

  8. Diluer à 5% (1,5 litre d’extrait pour 10 litres d’eau), ajouter du savon liquide (savon noir), à raison de 100 millilitres pour 10 litres de solution.

  9. La solution étant sensible au soleil, pulvériser le soir (une pulvérisation tous les 10 jours). Une fois le mélange prêt, l’utiliser le soir même afin d’être le plus efficace possible.

Exemple d’utilisation

La Maison Familiale de Formation Rurale de Manga au Togo propose une formation qui porte sur les techniques de l’agriculture multi-étagée (décembre 2020).

Dans ce cadre, des feuilles sont utilisées pour amender un espace de maraîchage : un mélange de feuilles d’acacia sp. et de neem a été incorporé au sol de deux planches de cultures. L’objectif est l’amélioration de la texture du sol, par l’apport de matière organique fraîche et la réduction de la présence de nématodes (grâce au neem), afin de permettre le repiquage de tomates sur cet espace.

Pour conclure

Azadirachta indica promet de belles perspectives pour son utilisation dans le domaine agricole ou pour la reforestation. Il est de plus en plus utilisé dans le monde et sa progression en Afrique est importante.

J’ai pu constater sa capacité d’adaptation dans des sols pauvres, ferralitiques au Togo, ou en zone semi-désertique montagneuse au nord du Bénin. Ses nombreuses pousses spontanées au pied des grands arbres, ou autour des plantations, montrent qu’il a la capacité à coloniser assez facilement son environnement et qu’il peut ainsi être considéré comme une espèce envahissante.

Pour son utilisation en tant qu’insecticide en milieu agricole, je tiens à réitérer mes conseils d’un usage raisonné. Certes, il s’agit d’un produit naturel, biodégradable, mais comme tout produit actif, il comporte des molécules qui peuvent avoir des effets néfastes sur certains organismes.

Toute action, en milieu naturel ou cultivé, a une incidence sur l’équilibre des écosystèmes. Il est primordial d’avoir le moins d’impact possible sur eux, afin de produire une alimentation de qualité tout en préservant notre environnement.

Portrait de l'auteur

Et vous, vous connaissez aussi des espèces qui sont particulièrement prometteuse en termes d'agriculture et de reforestation ?

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Olivier Lavaud

Mycologue et formateur en agroécologie

Diplômé en mycologie à l'université de Lille et en animation agroécologique de Terre et Humanisme, fondé par Pierre Rabhi, Olivier intervient dans les collèges et lycées sur des thèmes comme « Nourrir l'humanité » ou « Intelligence collective à travers une pédagogie active ».

Il est également éducateur « Objectif Sciences International » (O.S.I.), pédagogie des Sciences par le projet appliquée à la recherche participative pour le développement durable.

 Olivier est membre de DEFI-Écologique.

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6 réponses à “Utilisation du Neem (Azadirachta indica) en agriculture”

  1. Je suis ravi des pratiques agroécologiques en agriculture durable ici au Burundi et comme j’ai piloté un projet d’agroécologie ici dans notre pays, l’agroécologie/permaculture est la seule solution de la sécurité alimentaire

Répondre à Myriam LIVOLANT Annuler la réponse

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