Des plantes invasives dans nos colonnes : on n’est vraiment plus chez soi !

Sous la menace de terribles sévices, allergies, brûlures et colonisation brutale de mon cher potager, j'ai dû à mon corps défendant laisser s'exprimer trois des plus épouvantables végétaux connus, envahisseurs notoires, dont le développement intempestif a déjà fait couler beaucoup d'encre…

Donnons une place aux « plantes invasives »  dans notre quotidien !

Ce que vous allez apprendre

  • Voir le végétal sous un autre angle peut nous en apprendre beaucoup
  • Le regard que nous portons sur les plantes invasives est tronqué
  • Toute plante a ses vertus
François Couplan
Cette nouvelle croisade contre nous autres « plantes invasives » ressemble à s’y méprendre à une chasse aux sorcières, dont bien entendu, modernisme oblige, la science se porte garante.

De tous les horizons

Merci Monsieur le rédacteur en chef d’avoir accepté sans trop vous faire prier (nous en tiendrons compte, soyez-en assuré) de nous ouvrir, afin de plaider notre cause, les colonnes de votre revue – dommage, n’est-ce pas, qu’il faille pour cela couper de beaux arbres afin d’en préparer le papier nécessaire à l’expression de la pensée de vos talentueux journalistes…

Nous ne nous en plaindrons pas : l’abattage des superbes forêts qui jadis couvraient votre continent pour les remplacer par de vulgaires plantations d’arbres ou de riantes cultures nous a permis de prendre pied et de nous multiplier dans les environnements que vous avez profondément perturbés et laissés pour compte.

Berce du caucase (Heracleum mantegazzianum) en Pologne
Berce du caucase (Heracleum mantegazzianum) en Pologne Krzysztof Ziarnek, Kenraiz

Mais permettez-nous de nous présenter. Je suis la renouée du Japon, originaire d’Extrême-Orient bien que je n’aie en rien les yeux bridés. Et voici la berce du Caucase, une vraie géante des montagnes, puis le robinier ou « acacia » et l’ambroisie, américains tous les deux, comme vous pourriez l’entendre à leur accent. Nous possédons au plus haut point la faculté de nous reproduire : le robinier et moi par nos robustes tiges souterraines, mes compagnes par des semences fort efficaces et produites en quantité phénoménale.

Alors c’est vrai que nous avons un peu tendance à nous étaler, nous ne sommes pas vraiment très discrètes et il nous arrive de prendre la place de plantes qui étaient là avant nous…

Ralph Waldo Emerson
Une mauvaise herbe est une plante dont on n'a pas encore trouvé les vertus

Racisme envers le végétal !

C’est l’être humain, vos parents proches ou déjà lointains, qui nous ont permis à nous, pauvres Cendrillons exotiques, de nous développer. Dans nos pays d’origine, nous vivions tranquillement, sans déranger quiconque, comme de bonnes plantes bien rangées. Au fond, nous croupissions, loin de nous douter de notre extraordinaire potentiel de propagation.

L’Homme qui nous a transplanté pour son bon plaisir nous a révélé à nous-mêmes en nous permettant de découvrir des milieux qui nous conviennent parfaitement et d’où nous pouvons déloger les tristes maigrichonnes qui y végétaient.

Pas de pitiés pour les renouées !
Pas de pitiés pour les renouées ! Klarerwiki

Dans notre monde, c’est vrai, la pitié n’existe pas. Nous ne sommes que de pauvres plantes incapables de jugement. Ah, si comme les humains nous pouvions être douées de raison et de sentiments… Quoique, dans le fond, agissent-ils mieux que nous malgré toutes leurs belles théories ?

N’ont-ils pas créé un système où ils règnent en monarques absolus sur l’ensemble de la création et d’où tous les êtres qu’ils n’ont su dominer sont impitoyablement exclus ? Et même, d’ailleurs, malgré leurs bonnes intentions de surface, leurs propres congénères trop faibles pour « réussir » ? Cette nouvelle croisade contre nous autres « plantes invasives » ressemble à s’y méprendre à une chasse aux sorcières, dont bien entendu, modernisme oblige, la science se porte garante.

Le tout sur fond de racisme : en quoi aurions-nous moins de droits que les plantes qui se trouvaient ici avant notre arrivée ? Elles non plus n’ont pas toujours été là. Elles ont débarqué au fil des refroidissements et des réchauffements du climat sans qu’un quelconque Le Pen paléolithique ne vienne contester le bien-fondé de leur présence… Plantes « invasives » et immigrés : même combat !

Il ne faut pas embêter les plantes !

Certes, avouons-le, nous avons quelques défauts. Mon amie la berce est photodynamisante, c’est-à-dire que si on la déchiquète à la débroussailleuse en short, torse nu par un plein soleil d’été, on a toutes les chances de finir la soirée à l’hôpital, couvert de décoratives brûlures, conséquences de l’effet de son suc qui empêche la pigmentation de la peau de jouer son rôle protecteur.

La Balsamine de l'Hymalaya (Impatiens glandulifera) nourrit aussi les Apidae
La Balsamine de l'Hymalaya (Impatiens glandulifera) nourrit aussi les Apidae Kristian Peters

On peut aussi laisser ma copine tranquille… L’ambroisie est un tantinet plus pernicieuse car, même si on ne lui fait rien, elle dissémine dans les airs des quantités industrielles de son impalpable pollen, cause de nombreuses allergies. Mais soyons honnêtes là aussi, un peu d’objectivité que diable : l’Homme devient de plus en plus sensible à cause de son mode de vie, en particulier de la contamination par les innombrables polluants nés des technologies modernes, de l’habitude des atmosphères confinées ainsi que du stress toujours plus envahissant.

Une solution constructive consisterait à prévenir le problème : pourquoi ne pas en chercher la cause et l’éliminer. Plus difficile que d’éradiquer quelques plantes rendues responsables de tous les maux, non ?

François Couplan
Je voudrais évoquer ici toutes ces pauvres plantes sauvages qui vivaient sans ennuyer personne dans une nature intacte, et que l'Homme a cruellement détruites en éliminant la végétation d'origine.

Même les plantes mal-aimées ont des vertus…

Et dites-moi, êtes-vous au courant de nos qualités ou personne ne vous les a-t-elles encore révélées ? Tenez, moi qui vous parle, je me trouve être une excellente plante comestible, fort appréciée dans mon Japon d’origine. Mes jeunes tiges, toutes tendres, sont acidulées comme de la rhubarbe et se préparent en quiches, en tartes ou en compotes. Elles sont creuses et l’on peut les farcir, végétal délice, d’un mélange de fromage blanc, de sirop d’érable et de noisettes moulues…

Acidulées, les fleurs d'acacias s'utilisent de plusieurs façon
Acidulées, les fleurs d'acacias s'utilisent de plusieurs façon Hans

Quant à mes jeunes feuilles, elles enveloppent en Roumanie du riz et des oignons à la manière des feuilles de chou. Vous savez, pour que je reste raisonnable, il suffit de m’aimer beaucoup et de me récolter souvent. Dans ce cas, promis, je ne vous envahirai pas !

Souvenez-vous aussi que l’acacia fleurit suavement en longues grappes blanches et parfumées dont on prépare de succulents beignets. Le terrible buddleia nourrit de son nectar les papillons que les pesticides ont épargnés. Et même l’odieuse berce du Caucase s’avère très bonne à manger, tout comme sa cousine des prairies, la berce spondyle.

Sa saveur est certes plus forte mais ses propriétés médicinales sont absolument remarquables et encore méconnues en Europe occidentale. Dans ses montagnes d’origine, on révère la grande berce à l’égal du ginseng car comme la célèbre panacée asiatique, elle possède la propriété de régénérer les organismes fatigués : d’où les vertus aphrodisiaques dont on la crédite. Faut-il aller chercher plus loin le secret de la légendaire longévité des peuples du Caucase ?

Nous avons dit « Nature » ?

Mais trêve d’égoïsme. Je voudrais évoquer ici toutes ces pauvres plantes sauvages qui vivaient sans ennuyer personne dans une nature intacte, et que l’Homme a cruellement détruites en éliminant la végétation d’origine. Je vous propose de nous recueillir un instant à la mémoire de ces martyrs tombés au champ d’honneur.

La Nature peut être envahissante… à moins que ce ne soient les humains…
La Nature peut être envahissante… à moins que ce ne soient les humains…

Quant à l’Homme, cause de tout le marasme actuel, il n’a finalement qu’à s’en prendre à lui-même. S’il tient vraiment à nous éliminer, c’est très simple : il lui suffit de laisser la végétation se débrouiller comme elle l’entend jusqu’à son climax, l’état ultime qu’elle atteindra en se développant sans entrave, et croyez-moi, nous disparaîtrons.

Le véritable environnement naturel en Europe est la forêt. Point final. Et nous ne pouvons y vivre : pas besoin d’herbicides ou de grandes campagnes contre nos modestes personnes, la nature elle-même s’en charge. Mais honnêtement, qu’est-ce qu’il veut, l’Homme ? La Nature ? Tu parles, la nature arrangée à sa sauce, oui, bien propre en ordre, à la Suisse ! Dans ce domaine là aussi, il ne cherche que le pouvoir.

Ella Wheeler Wilcox
La mauvaise herbe n'est jamais qu'une plante mal aimée

Réussites végétales

Voila à quoi ressemble un champ de maïs au plus fort du printemps. A choisir…
Voila à quoi ressemble un champ de maïs au plus fort du printemps. A choisir… Daniel Jolivet

Mais, Monsieur le rédacteur en chef, je voudrais vous confier quelque chose qui nous chagrine. Nous sommes jalouses. Oui, jalouses du chou et de la carotte, bien davantage encore du maïs et du blé. Voilà des plantes qui ont réussi ! Au prix, il est vrai, de modifications profondes qui les rendent fort différentes de leurs ancêtres spontanés.

Voyez quelle superficie énorme couvrent ces brillants végétaux que l’Homme propage de par le monde. Y a-t-il commune mesure entre les milliers de kilomètres carrés qu’ils soustraient aux plantes naturelles et les quelques misérables parcelles où l’on nous traite d’envahisseuses ?

Pour conclure

Remettons donc, voulez-vous, l’église au milieu du village : le véritable envahisseur, c’est l'Homme, qui du fond de son Afrique profonde s'est plu à étendre sa loi sur l'ensemble de la planète, bouleversant sur son passage tous les équilibres naturels.

Nulle autre espèce ne prolifère au point de mettre en péril la vie sur terre. Peut-être un jour devrons-nous, végétaux, animaux, champignons et autres organismes, ériger un tribunal pour juger les méfaits de ce genre humain prétentieux.

En fait, ce n'est sans doute pas la peine : l’Homme en meurt déjà sans même s’en rendre compte. Oh non, nous ne sommes pas les plus à plaindre, nous nous en tirerons toujours…

Mais voilà, s'il vous plaît, cessez de nous diaboliser ! Et encore merci pour votre attention.

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François Couplan

Ethnobotaniste

Spécialiste des utilisations traditionnelles des plantes sauvages et cultivées, qu'il a étudiées sur les cinq continents. Ethnobotaniste et écrivain, il enseigne depuis 1975.

Il a fondé en 2008 le Collège Pratique d’Ethnobotanique qui propose une formation complète sur trois ans à vocation professionnelle.

Depuis plus de 40 ans, il parcourt la planète à la recherche des utilisations traditionnelles des végétaux dans les différentes cultures qui font la richesse de notre planète.

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19 réponses à “Des plantes invasives dans nos colonnes : on n’est vraiment plus chez soi !”

  1. Merci pour ce joli plaidoyer Mr Couplan, c’est toujours un plaisir de vous lire. Oui je laisse les plantes invasives pousser (sous surveillance ) dans mon petit jardin, et c’est un vrai régal de voir la variété d’insectes polinisateurs qu’elles attirent. merci de m’avoir appris qu’elles peuvent etre comestibles ! cela les rend encore plus sympathiques ! je fais tourner l’info autour de moi, et tous ensemble nous parviendrons a les faire aimer. merci,et a bientôt,

  2. très bel article et faire du végétal le narrateur est une brillante idée. Je suis d’accord avec votre conclusion sur l’homme envahisseur. Je laisse toujours un coin de ma terrasse avec des végétaux dits « sauvage », c’est le petit coin pour les insectes.

  3. Bonjour,
    Je ne sais pas si vous lirez les commentaires de cet article, mais je dois vous dire que j’ai appris à aimer les plantes sauvages grâce à vos livres ! Merci beaucoup et bravo pour votre travail précurseur. Vous m’avez offert un véritable trésor !!!!!!!!
    Bien à vous
    Richard

  4. J’ai bien aimé cet article. C’est vrai, il n’y a pas plus de mauvaises herbes parmi les végétaux que de nuisibles dans la faune sauvage. C’est à nous, humains, de composer avec elles et eux.

    Donc, j’ai dans mon jardin de l’herbe de pampa et des arbres à papillons (Buddleia). En maitrisant leur développement, ces plantes ne me posent pas de problèmes particulier.

    Même si j’ai appris récemment que le buddleia utilise son pouvoir attractif (odeur, couleur)sur les papillons, mais secète de la caféine qui les rendraient accros et les ferait mourir de malnutrition (http://www.humanite-biodiversite.fr/article/attention-c-est-un-faux-ami)

    Cordialement

    • Merci pour ces précisions.
      On devrait donc pouvoir se faire des infusions de buddléia le matin plutôt que des tasses de café importé de l’autre bout du monde et dont la culture détruit la biodiversité locale là-bas…
      C’est une bonne idée, non ?

  5. oh oui ! la renoué peut également être cuite comme des pennes ! nous avons fait un gratin de jambon à la renouée du Japon et tous les enfants de la cantine ont adoré ! après nous leurs avons fait goûter en compote et pareil ! il nous fait savoir faire avec la nature et pas contre ! la racine de renouée est reconnue dans le problème de Lyme ! alors soyons heureux d’avoir sous nos pied des solutions à nos problèmes au lieu de s’en créer de nouveau !

  6. Monsieur Couplan ne doit pas sortir beaucoup de sa cuisine et des endroits où il ramasse ses plantes.
    Il prêche ici pour sa paroisse. Qu’il vienne en Alsace (et sans doute ailleurs) et il verra que cette Balsamine asiatique a pris la place de cent plantes locales tout aussi riches sinon plus riches en vertus médicinales et alimentaires.
    Notre biodiversité locale a disparu sur des centaines ou milliers d’hectares.

    Nos voisins allemands et suisses sont sans doute plus bêtes que nous car chez eux ils dépensent beaucoup d’argent et luttent de manière coordonnée contre certaines espèces invasives.

    • Vous avez raison : je suis partial et prêche pour ma paroisse. Sans honte aucune.
      Cela dit, je sors de temps en temps de ma cuisine et constate que les dégâts sur la flore dus aux plantes cultivées me semblent infiniment (je pèse mes mots, il s’agit de plus de quelques milliers d’hectares) plus importants que ceux dus à la balsamine, la renouée du Japon ou autres invasives hexagonales.
      Je voudrais juste remettre un peu d’équilibre dans cette lutte systématique contre ces plantes un peu trop vigoureuses, car il me semble qu’elle a pris une allure de croisade systématique et relève davantage de l’émotion que de la rationalité. Même si elle coûte, effectivement, beaucoup de sous…
      Il est sans doute des cas où elle s’avère justifiée, comme dans le cas que vous citez.
      Certes.
      Mais mon propos est de prendre du recul par rapporte à cette problématique qui est liée à notre conception du monde.
      Personnellement, je suis davantage dérangé par les champs de maïs que par la renouée du Japon – que j’arrache d’ailleurs allègrement de mon jardin japonais : là j’y ai mis une limite !
      Je trouve que les défenseurs de la nature devraient s’insurger un peu plus contre l’emprise agricole et urbaine.
      Et encore une fois ne pas diaboliser les plantes elles-mêmes : nous sommes responsables de leur extension.
      Cela dit, s’il est possible que je dise mieux les choses que je ne le fais actuellement, je suis prêt à m’y employer.

  7. Encore quelques mois et un livre publié aux éditions de Terran devrait éclairer ces plantes de « chez nous » qui nous permettent de faire des beaux jardins. Leur « chez nous » oscille effectivement entre pôles et équateur, entre mer et continent, pratiquant la migration depuis toujours. Un beau jardin est un bon jardin!

  8. Merci François Couplan, de ce bon sens retrouvé et de rappeler quelques faits simples qui rendent ridiculement disproportionné, et idéologiquement très suspect, l’acharnement à l’éradication de ces plantes dont on ferait bien d’étudier plus précisément les atouts comportementaux avant de lancer des campagnes de « lutte ». Je ne vois pas de commentaires sur les vertus fourragères de la jussie, alors je me permets d’en témoigner ici, en invitant les collectivités qui dépensent (en vain) des fortunes pour la « curer » à se rapprocher de leurs éleveurs pour mettre en place des programmes écologiquement sérieux de rééquilibrage.

  9. Je trouve ce plaidoyer assez objectif lorsque l’argumentation est précise, mais il flirte avec la mauvaise foi dans ses généralités. C’est peut-être un défaut de la renouée quand elle s’exprime 🙂 mais la généralisation est aussi un piège séculaire de la pensée humaine.
    Afin de ne pas se fourvoyer en s’éloignant des faits, l’étude des plantes envahissantes doit pratiquement relever du cas par cas. Et ce n’est pas parce qu’une partie de l’humanité a fait et fait encore souvent des erreurs -parfois très graves- que ça empêcherait une autre partie d’essayer de limiter les dégâts ou de rattraper le coup.
    Lorsqu’on vit comme moi dans un « hot-spot » de biodiversité de la planète, en l’occurrence la Nouvelle-Calédonie, et qu’on est passionné de nature, on établit forcément des relations particulières avec chaque espèce de plante envahissante (on a aussi des animaux envahissants). Personnellement je les observe, j’essaie de les comprendre et d’agir en conséquence. Le plus souvent je me contente de faire l’arbitre en ralentissant la croissance ou la progression des plantes introduites dont le comportement risque de nuire à la diversité locale. Mes seuls outils sont un sabre (couper) et des gants (arracher). Ainsi, selon les cas et mes moyens, je peux utiliser le bénéfice de plantes envahissantes présentes (ombrage, litière, apports en azote…) que je régule tout en favorisant la réinstallation et le développement de plantes indigènes (succession naturelle facilitée). C’est le type de restauration écologique approprié à une zone dégradée mais proche de formations végétales originelles, bénéficiant ainsi de la dissémination naturelle.
    Et le jardin familial dans tout ça ? Comme beaucoup d’animaux, nous aménageons notre environnement en rapport avec nos besoins, en cultivant différents tubercules et espèces aériennes (ambrevades, fruits). Grâce à son échelle, et à l’absence totale d’intrants, le jardin laissé à l’abandon laisserait rapidement la place à la végétation sauvage.
    Parmi de nombreux exemples plus ou moins malheureux, une Fabacée (légumineuse) arbustive (Leucaena leucocephala) avait été introduite il y a quelques décennies, comme plante fourragère. Elle s’est révélée particulièrement prolifique et envahissante au point de former de grosses populations monospécifiques et d’impacter sévèrement les dernières reliques de forêt sèche indigène. Pour comprendre il faut savoir que la dynamique reproductive des espèces locales est relativement lente. Lorsque sur un même territoire, ce rythme modéré est partagé par l’ensemble de la communauté floristique, il y a un équilibre entre les espèces, ce qui convient à la pérennité de chacune et même à l’émergence de nouvelles. Ainsi l’arrivée du « faux-mimosa », comme on le nomme ici, facilitée par la déforestation anthropique à grande échelle qui l’avait précédée, sonna le glas de l’écosystème tampon qu’est la forêt sèche. Aujourd’hui, il reste néanmoins quelques peaux de chagrin de forêt sèche et on constate un ralentissement des « faux-mimosas ». Nul doute que le pic d’invasion est passé, mais les dégâts sont immenses et le retour à l’équilibre est loin d’être en vue. La résilience de ce milieu lui conférait naturellement un rôle de tampon lors des épisodes météorologiques extrêmes (cyclones, sécheresses) en protégeant l’intérieur des terres occupé historiquement par des forêts humides. C’est donc non seulement des équilibres interspécifiques mais aussi des relations entre écosystèmes qui ont été totalement perturbés ou anéantis par des activités humaines, entre autres par l’introduction volontaire (ou pas) d’espèces de plantes qui s’avèrent envahissantes par la suite.

    • Merci pour tous ces détails.
      Et pas de souci pour ma mauvaise foi, j’assume : je vous donne tout à fait raison en ce qui concerne des lieux particuliers comme la Nouvelle-Calédonie ou d’autres îles tropicales : je l’ai constaté par moi-même. Vos descriptions sont justes.
      Mon propos est tout autre.
      D’abord je parle ici de notre bonne vieille Europe où un défrichage et une mise en culture systématiques depuis plusieurs millénaires ont profondément transformé la flore et la végétation.
      Pour « rattraper le coup », ce que je souhaite évidemment, je pense qu’il faut tout d’abord prendre du recul et bien mettre au préalable les choses en place.
      Et je pense qu’en ce sens, en l’occurrence, un peu d’humour ne fait pas de mal.

  10. comme à l’accoutumé, Monsieur Couplan n’a qu’une vue partielle – voire partiale – des choses; à titre d’exemple, je l’invite à venir visiter les rives de la Charente dans les environs de Rochefort où il pourra observer la disparition progressive mais proche de l’endémique Angélique des estuaires au profit (!) de la Renouée; et par ailleurs, il faut se méfier d’un certain nombre d’avis sur la comestibilité des plantes que l’on peut lire ici ou là.

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