Qui est le Chacal doré (Canis aureus), ce petit carnivore qui arrive en France ?

Le Chacal doré (Canis aureus) arrive en France quoi que nous n’en sommes, à l’heure actuelle, qu’au tout début de sa potentielle mais probable colonisation.

Alors que certains commencent déjà à jouer de sensationnalisme en parlant de « grand prédateur » bien que le poids moyen de ses proies est inférieur à celui d’un œuf, le moment semble tout trouvé pour faire un point sur l’espèce.

Ce que vous allez apprendre

  • Qui est le Chacal doré
  • Quelle est l'histoire de l'espèce
  • Quelles conséquences à son arrivée en France
Julien Hoffmann
Il est certainement temps de déployer des trésors d’ingéniosité pour accueillir collectivement cette nouvelle espèce.

Généralités sur le chacal doré

Habitat du Chacal doré

Chacal doré dans un de ses habitats
Chacal doré dans un de ses habitats orientalizing

Sa capacité à coloniser de nombreux habitats semble être une des clefs de sa réussite actuelle en matière de dispersion. Les paysages de culture extensive avec de petits parcellaires, qui peuvent participer de mesures Agro Environnementales avec leur cortège de bosquets et de petites forêts, sont les plus prisés.

Les zones humides et les forêts sont également propices à l’installation de l’espèce, même en présence d’habitation dans la mesure où son régime alimentaire peut s’accommoder de déchets alimentaires.

Sa morphologie

Les mâles mesurent de 76 à 84 centimètres avec une queue en sus de 20 à 24 centimètres ; alors que les femelles mesurent de 74 à 80 centimètres avec une queue en sus de 20 à 21 centimètres.

Les mâles sont donc de fait aussi plus lourds et pèsent de 7,6 à 9,8 kilogrammes ; alors que les femelles varient de 6,5 à 7,8 kilogrammes, ce qui représente une différence de poids moyenne de 12% entre les deux sexes.

Reproduction et dispersion

Scène de famille chez le chacal doré
Scène de famille chez le chacal doré Ouwesok

L’organisation sociale du Chacal doré semble relativement simple avec un unique couple reproducteur et ses jeunes de l’année. La femelle met bas entre 3 et 12 jeunes d’avril à mai qui vont rester dans la tanière, généralement un terrier abandonné de renard ou de blaireau, durant 7 semaines avant de commencer à sortir avec les parents et de les quitter à partir de la quatorzième semaine.

La dispersion intervient à différents âges des individus subadultes. Ces derniers peuvent alors parcourir plusieurs centaines de kilomètres avant d’élire domicile dans un milieu favorable. Ces individus sont ainsi capables de traverser des milieux hostiles tels que des villes, des infrastructures routières ou des champs de cultures intensives.

Un individu installé ne veut cependant pas dire qu’une population, un couple, va prendre racine. Les populations dites reproductrices mettent ainsi quant à elles beaucoup plus de temps à prendre pied sur un territoire.

Julien Hoffmann
D’origine eurasiatique, le chacal doré aurait commencé à progresser en direction de nos contrées européennes il y a de cela plus de 20500 ans, en partant d’Inde.

Comportement

Le Chacal doré a un rythme de vie crépusculaire et nocturne ce qui le rend particulièrement discret à nos yeux. C’est durant ces moments qu’il va aussi bien disperser que chasser, comme le ferait d’ailleurs un renard roux.

Il vit habituellement et majoritairement en couple (dans 35% des cas) ou seul (dans 31% des cas). Il peut également vivre en bande de plus de 3 (dans 20% des cas) ou à 3 (dans 14% des cas). Mais ces données sont à prendre avec des pincettes dans la mesure où elles proviennent d’études de spécimens indiens (« Handbook of the mammals of the world » Vol.1) et qu’il est largement admis que la disponibilité en nourriture impacte grandement le comportement social du Chacal doré.

La densité des populations de Chacal doré semble relativement faible avec environ 0,2 à 4,8 groupes par 10 kilomètres carrés contre, par exemple, un individu par kilomètre carré pour le renard roux dans nos campagnes. Le domaine vital du chacal doré varierait grandement entre les individus allant de 2 à 15 kilomètres carrés, avec une étude de terrain réalisé avec monitoring qui atteste d’un domaine vital de 13 kilomètres carrés.

Identification du Chacal doré

Profil caractéristique du chacal doré
Profil caractéristique du chacal doré Allan Hopkins

Le Chacal doré est donc de la famille des canidés au même titre que le loup ou le renard, ce qui peut rendre son identification sujette à caution. Inutile donc de s’enflammer, seules des personnes fortes d’expérience pourront acter de l’identification de l’animal et ce d’autant plus qu’il est particulièrement farouche et donc discret.

En règle générale on le distingue du loup par sa taille inférieure et son museau bien plus pointu, et on le différencie du renard par sa queue plus courte, ses oreilles arrondies et la couleur de ses pattes qui est identique à la couleur de son pelage.

Régime alimentaire du chacal doré

Le Chacal doré est un prédateur généraliste, opportuniste et charognard. Il faut entendre par là qu’il a la capacité à s’adapter aux disponibilités alimentaires quitte à se nourrir des déchets humains.

Chacal doré en train de manger un agame en Afrique. Longtemps assimilé à Canis aureus, la génétique à diviser la branche africaine en loup doré africain (Canis anthus)
Chacal doré en train de manger un agame en Afrique. Longtemps assimilé à Canis aureus, la génétique à diviser la branche africaine en loup doré africain (Canis anthus) oliver.dodd

Si son comportement charognard semble relativement fort par rapport à d’autres espèces de canidés, il a également été attesté d’attaques sur volailles ou sur agneaux et la capacité du chacal à se regrouper, même si rarement, pour chasser des proies plus grosses.

Ses proies de prédilection restent cependant majoritairement de petite taille, allant des rongeurs aux reptiles et aux poissons, en passant par les fruits, les jeunes pousses ou des invertébrés en tous genres. Sa préférence va souvent au Lièvre d’Europe.

Globalement, 259 types de nourritures différentes dont 81 espèces de mammifères ont pu être recensés quant à son régime alimentaire (« Mammifère sauvage » N°77 de la SFEPM).

Quel que soit son régime alimentaire et les proportions qui le composent en fonction des disponibilités (certains spécimens indiens consomment plus d’oiseaux que d’autres qui se sont tournés vers les reptiles, alors que tous deux consomment énormément de rongeurs), le Chacal doré enterre parfois sa nourriture afin de constituer des réserves.

Dynamique de populations d’hier à aujourd’hui

D’origine eurasiatique, le chacal doré aurait commencé à progresser en direction de nos contrées européennes il y a de cela plus de 20 500 ans en partant d’Inde. L’extrapolation sur fossiles laisse à penser que certaines zones, notamment en Turquie, en Grèce et sur l’île de Hvar en Croatie, ont pu servir de lieu de repli lors de la dernière ère glaciaire ce qui a fini d’assoir la progression de l’espèce.

Ce n’est qu’en 1941 que les premières traces réellement documentées, au sens contemporain du terme, apparaissent en Croatie, où évoluait une population de chacal dorée qui a génétiquement fusionné avec l’autre population de Chacal doré grecque… Preuve en est de la vigueur de la dynamique des populations de Chacal doré.

Les populations de Chacal doré ont dès lors progressé sauf durant la seconde guerre mondiale, pour atteindre des pics de dispersions dans les années 60, 80, 90 puis 2000 et enfin, nos jours. Il semble à priori que la dispersion actuelle est cependant bien plus forte (« faune sauvage » N°320 de l’ONCFS) certainement dû au fait que les populations existantes sont de mieux en mieux implantées.

Carte de répartition du Chacal doré (Canis aureus) - La dispertion de l'espèce est telle qu'il est difficile de savoir exactement où elle est actuellement présente
Carte de répartition du Chacal doré (Canis aureus) - La dispertion de l'espèce est telle qu'il est difficile de savoir exactement où elle est actuellement présente UICN Redlist

En France, le Chacal doré a été vu pour la première fois dans les Alpes françaises en 2017, puis en 2018 en Haute-Savoie et enfin, plus récemment, dans les Deux-Sèvres et Bouches-du-Rhône.

Julien Hoffmann
Espérons cependant ne jamais voir de chasseurs tirer des chacals pour protéger les populations de renards roux.

Le chacal doré et le loup

Le retour du loup s’installant durablement dans notre pays, au regard de son comportement alimentaire mais aussi des milieux qu’il fréquente, pose la question de la cohabitation des deux espèces.

N'est pas loup qui veut
N'est pas loup qui veut Mariomassone

À priori il pourrait être considéré que la présence du loup est un facteur limitant de la présence du chacal doré, même s’il existe des aires géographiques où il est avéré que les deux espèces coexistent. Il y a cependant corrélation entre la régression du loup lors de sa persécution systématique durant le XXe siècle et la progression du chacal doré, ce qui laisse à penser que l’absence du loup aurait été un facteur facilitateur. La chose semble d’autant plus vraie que le retour du loup fait quant à lui régresser les populations de chacal doré.

Ce phénomène a déjà été documenté avec d’autres espèces proches comme le Dingo et le renard roux en Australie ou le Coyote et le loup aux États-Unis.

Statut du Chacal doré

La commission européenne a statué en 2016 sur le fait que le Chacal doré ne pouvait être considéré comme une espèce exotique envahissante et l’a, à ce titre, classé en Annexe V de la Directive Habitats 92/43/CEE qui impose aux états membres de mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour que le statut de l’espèce reste favorable.

En France plus particulièrement, l’espèce n’est pas considérée comme chassable et évite ainsi le plomb dans l’aile.

Conséquences de l’arrivée en France du Chacal doré

Conflits entre humains et chacals

Il existe peu d’endroits où le Chacal doré est considéré par les humains (et encore moins par les éleveurs ou les chasseurs), quand bien même les dégâts occasionnés par l’espèce sont anecdotiques.

Une petite place pour la chacal doré (Canis aureus) ?
Une petite place pour la chacal doré (Canis aureus) ? orientalizing

L’Estonie, qui a désormais une longue histoire commune avec l’espèce, a quantifié ses dégâts sur élevage ovins à 0,36% en 2018 (108 têtes) et 0,03% de la production nationale en 2017 (10 têtes).

En Bulgarie, ce sont environ 30 000 chacals qui sont abattus chaque année sans aucun résultat tangible sur les effectifs de chacals, mais avec un bénéfice largement acté : des chasseurs contentés et des éleveur rassérénés.

Forts de toutes nos expériences en matière de médiation sur le sujet mais aussi des actions entreprises dans d’autres pays comme avec la préparation de la réintroduction du lynx en Allemagne ou celle de la préparation de l’arrivée du loup dans les Pays-Bas, il est certainement temps de déployer des trésors d’ingéniosité pour accueillir collectivement cette nouvelle espèce.

Hybridation

L’hybridation et les dérives qui en découlent ne peuvent être souhaitées. En l’occurrence et pour ce qui concerne le chacal, l’hybridation avec le loup gris est semble-t-il possible mais pas encore prouvée. Il en va autrement de l’hybridation avec le chien domestique qui, elle, a été prouvée en Croatie à plusieurs reprises.

Compétition avec le renard roux

Comme on a pu le voir, la compétition pour les ressources et les territoires ne se fera pas entre les loups et les chacals. Mais il en ira certainement tout autrement pour les renards roux qui partagent de nombreuses similitudes écologiques avec l’espèce, et qui jouent tous deux un rôle de régulateur des populations de rongeurs (ceci est un appel du pied aux agriculteurs impactés par les campagnols). Espérons cependant ne jamais voir de chasseurs tirer des chacals pour protéger les populations de renards roux.

Risques sanitaires

Ses habitudes alimentaires de charognard pourraient bien jouer un rôle positif dans l’élimination de carcasses pouvant de fait poser des problèmes sanitaires, mais la chose n’a pas encore été étudiée.

Le chacal doré peut potentiellement porter et transmettre plusieurs maladies dont des zoonoses et des maladies transmissibles aux cheptels domestiques, telles que la dirofilariose, la rage, la brucellose, la leishmaniose ou encore l’échinococcose alvéolaire. Si le risque sanitaire est bien tangible, il est cependant utile de rappeler que ce type de maladies est aussi transmissible par les animaux qui sont trop nourris en ville, mais que l’on accepte pourtant bien plus aisément. Prêt à troquer un pigeon contre un chacal ?

Pour conclure

L’arrivée du Chacal doré en France est une excellente nouvelle : d’une part parce qu’elle nous rappelle que la Nature n’est jamais figée ; d’autre part parce qu’elle nous donne une nouvelle chance de faire amende honorable dans notre capacité à prendre en compte la faune sauvage, même de cette taille.

Il va donc indubitablement falloir monter en puissance, avec ambition, sur le suivi de l’espèce avec des protocoles standardisés qui pourraient voir rapidement le jour. Il a déjà été démontré à de nombreuses reprises que les identifications visuelles, même par pièges photos et même couplées à des hurlements (méthode bioacoustique) peuvent s’avérer complexes.

Cela revient à dire que des réseaux tels que le réseau Loup-lynx doivent rapidement obtenir plus de moyens et être autant formés que mobilisés sur le sujet afin de collecter des fèces pour en réaliser des analyses génétiques. Facile à dire… Mais nous savons tous que la connaissance, notamment de terrain, est la clef d’une réelle prise en considération de l’espèce.

Et enfin il y aura la médiation, la pédagogie, la discussion, la volonté politique et tout ce qui fait qu’une nouvelle espèce puisse être acceptée pour ce qu’elle est : un peu plus de vie, un peu plus d’espoir et un peu plus de « waouh » lors d’une randonnée matinale.

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Julien Hoffmann

Rédacteur en chef — DEFI-Écologique

Fasciné depuis 20 ans par la faune sauvage d'ici ou d'ailleurs et ayant fait son métier de la sauvegarde de celle-ci jusqu'à créer DEFI-Écologique, il a également travaillé à des programmes de réintroduction et à la valorisation de la biodiversité en milieu agricole.

Il a fondé DEFI-Écologique avec la conviction qu'il faut faire de la protection de l'environnement un secteur économique pour pouvoir réellement peser sur les politiques publiques.

 Julien est membre de DEFI-Écologique.

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10 réponses à “Qui est le Chacal doré (Canis aureus), ce petit carnivore qui arrive en France ?”

  1. Une très bonne nouvelles montrant la dynamique du vivant. Quatre observations font penser que plus d’individus se trouvent déjà en France … et que certains ont également déjà fini sous les plombs pris pour renards ou parce que simples carnivores. Il est évident que l’accueil de cette nouvelle espèce ne sera pas meilleur que celui déjà réservé aux loups ou aux renards et autres carnivores par certains, quel que soit son statut….

  2. Le chacal, le renard, le loup, le lynx, l’ours etc. sont les bienvenues pour améliorer la biodiversité animale de France. Surement que certains ne les verront pas d’un bon œil mais le chacal fera sa place sans grand bruit ce qui est plutôt son habitude. Je l’ai vu la première fois au Népal et je pourrais probablement le voir sur un sentier alors que je ne m’y attendrais pas, je ne le crierai pas sur les toits mais plus discrètement le Muséum d’Histoire Naturelle. Merci pour cet article, Jean-Paul.

  3. Où à d’autres structures qui peuvent en faire le relai et l’exploitation de la donnée 🙂

    En tous les cas merci pour de l’intérêt que vous portez au Chacal doré !

  4. Le genre d’évènement et d’avènement que je ne peux qu’adorer !
    Et l’article est excellent, très bien structuré et documenté ! Un travail de pro ! Bravo !…
    Oui, espérons que ce petit « chacaillou » sera bien accueilli en France et, plus largement, en Europe, et que la France saura en montrer le meilleur exemple, et qu’à terme, la France regroupera et mobilisera le maximum d’Etats membres à se liguer contre la Bulgarie qui les extermine sauvagement.
    Peut-être qu’un bon film à sa gloire serait un bon outil de propagande informationnelle et émotionnelle pour son accueil et sa conservation !?…
    A bon entendeur parmi les producteurs, salut !…
    Et bonne chance, petit « chacaillou » !…

  5. Merci pour cet article ! A-t-on des estimations sur la population du chacal doré en Europe, si 30.000 sont tués (ce chiffre me paraît énorme) chaque année en Bulgarie, quel est l’effectif en Europe ? Merci pour votre travail

    • Bonjour à vous,

      Le chiffre de 30 000 est étayé dans le N°77 de « Mammifères sauvages » de la SFEPM et tient tout à fait la route.
      Les effectifs européen sont impossible à comptabilisé en l’état, comme explicité, car le comptage est complexe du fait du comportement de l’espèce.

      • Merci pour votre réponse! Je ne mettais pas en doute vos chiffres mais c’est intéressant de comparer avec la population de loups qui je crois est autour de 18.000 en Europe. Et vu la « controverse » que l’on a en France avec à peine 500 loups, je me dis que l’arrivée du chacal doré en France, potentiellement en plus grand nombre, va soulever quelques sourcils. J’espère sincèrement que la réponse ne se fera pas avec un fusil, mais j’ai peu d’espoir…

  6. Bonjour on pense qu’un chacal doré est resté plus d’une semaine sur notre terrain en forêt clôturé par un grillage type autoroute ; on pense l’avoir identifié sur un piège photo de nuit.Malheureusement, la photo a été effacée par erreur. Nous habitons dans le Trièves à Roissard : avez-vous entendu parler de la présence de cette espèce dans notre région ? Cordialement, Gilles & Laure (adhérents ASPAS et Tichodrome).

    • Bonjour,

      Non, nous ne sommes pas au courant d’indices de présence mais en même temps nous ne sommes pas en première ligne comme peut l’être l’OFB donc…

      Merci de votre commentaire en tout cas !

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